« Mario + The Lapins Crétins » propose une vision rafraîchissante du jeu tactique. / UBISOFT

L’histoire d’amour entre Ubisoft et Nintendo n’est pas récente. L’éditeur français s’est fait une spécialité, sinon un devoir, de soutenir à leur lancement les dernières consoles du géant japonais, à grand renfort de jeux exclusifs et d’adaptations méritantes.

Une fidélité qui paye, puisque Nintendo a offert en retour à Ubisoft une faveur rare pour un studio occidental, unique pour un studio européen : celle de pouvoir mettre en scène ses héros Mario, Luigi, Peach et les autres, le temps d’un jeu.

Cette rencontre entre les univers de Nintendo et d’Ubisoft s’appelle Mario + The Lapins Crétins: Kingdom Battle, et sort mardi 29 août sur Switch.

Mario + The Lapins Crétins Kingdom Battle - Trailer d'Annonce E3 2017 [OFFICIEL] VF HD
Durée : 02:17

Voici l’histoire (si l’on peut dire) : à la faveur d’une expérience scientifique qui tourne mal, les bien nommés « lapins crétins » se transforment qui en monstres, qui en ersatz de personnages de Nintendo, avant de débarquer dans le royaume Champignon et de tomber nez à nez avec leurs modèles. Avec eux, c’est aussi un flot d’objets du quotidien bizarroïdes qui débarquent dans le pays de Mario, mais aussi d’autres lapins crétins façon gremlins, encore plus dégénérés, mal intentionnés, et prodigues en blagounettes idiotes.

Comme ce royaume Champignon tiraillé entre deux univers, Mario + The Lapins crétins aurait rapidement pu se perdre entre ses deux identités. Il a donc fallu trouver un terrain de jeu où les faire se rencontrer, définir une zone démilitarisée, où Mario n’irait pas se compromettre dans les minijeux hystériques chers à la série d’Ubisoft, où les lapins crétins ne seraient pas obligés de tenter de concurrencer Nintendo (forcément en vain) sur son pré carré, le jeu de plates-formes.

Ubisoft Milan et Ubisoft Montreuil, les deux studios coresponsables de ce crossover étonnant, ont pris tout le monde à contre-pied : leur titre est un pur jeu de stratégie. Une sorte de jeu d’échecs où l’on dirige une petite escouade de trois héros chargés de déloger et de vaincre des vagues d’ennemis crapuleux.

Il explore, mais il attaque aussi

C’est le paradoxe de cette rencontre : en s’acoquinant avec les lapins crétins, pourtant mascottes débiles assumées, Mario et sa bande ne vont pas devenir plus bêtes, mais plus intelligents. Ou, du moins, plus cérébraux.

Il y a de l’exploration dans Mario + The Lapins crétins, des séquences, entre deux combats, qui peuvent évoquer, vite fait et de loin, Super Mario 3D World. Ubisoft Milan a en tout cas accompli un travail admirable : en plus d’être étonnamment cohérent, leur jeu est superbe, sans doute à ce jour le plus beau de la Switch avec The Legend of Zelda: Breath of The Wild. Les tableaux sont vastes, colorés, vivants, et fourmillent de références à l’univers de Mario, multipliant les blagues, souvent régressives, parfois gentiment scatologiques, typiques de la série des Lapins crétins.

« Mario + The Lapins crétins » propose plusieurs environnements vaguement inspirés de l’univers de Mario. / UBISOFT

Mais cette petite promenade dans la peau de Mario, Luigi et leurs alter ego bas du front n’est évidemment pas le cœur du jeu. Régulièrement se déclenchent en effet des affrontements au tour par tour, durant lesquels notre petite équipe, dûment préparée et équipée, va devoir venir à bout d’escouades de lapins renégats.

On pense évidemment à XCOM, monument du jeu vidéo tactique, parce qu’on y retrouve tous les éléments constitutifs du titre de Firaxis. Même déplacement au tour par tour, même visée calculée selon des pourcentages affichés, même système de couverture, et, c’est fou, mêmes icônes parfois. Pourquoi se priver ? XCOM est une référence indépassable du genre, quasiment son alpha et son oméga. C’est d’ailleurs la force de Mario + The Lapins crétins : assumer de faire la synthèse de l’univers de Mario, de l’humour des Lapins et de l’intérêt tactique de XCOM.

De la tactique en mouvement

Cela aurait aussi pu être sa limite : ne pas proposer grand-chose de neuf et d’intéressant à force de vouloir faire comme tout le monde. Le jeu tente pourtant d’éviter cet écueil en faisant quelques discrets pas de côté, mais qui, finalement, font une belle différence.

Ubisoft a en effet commencé par se débarrasser des subtilités de XCOM. Ici, pas de 32 % ou 87 % de chance de toucher selon l’arme, la distance, la compétence, la couverture : c’est, selon la protection de l’adversaire, 100, 50 ou 0 %, point. En évacuant autant que possible l’incertitude de l’équation, Mario + The Lapins crétins ne fait pas que rendre sa recette plus lisible à un éventuel jeune public : il s’éloigne des canons du jeu de tactique classique pour s’approcher de la réflexion pure, remettant le placement et le déplacement au centre de l’échiquier.

C’est peut-être faute de concurrence, mais « Mario + The Lapins Crétins » est l’un des plus beaux jeux de la Switch. / UBISOFT

Un choix plus radical qu’il n’y paraît, renforcé par une approche du combat qui emprunte à la grammaire du jeu de plate-forme. Car aux sortes d’armes à feu dont le jeu équipe curieusement ses personnages et dont on arrose ses ennemis confortablement cachés derrière un muret, on préférera rapidement les attaques liées aux mouvements : les charges, les sauts, qui permettent de se battre tout en se déplaçant.

Surtout, les personnages sont capables de s’envoyer les uns les autres dans les airs, pour se propulser sur une plate-forme en hauteur, par-dessus un précipice ou un mur, ou tout simplement pour se déplacer deux fois plus loin. Dès lors, le placement des personnages revêt une importance considérable pour qui voudra prendre possession du terrain : une option autrement plus mobile que chez le grand frère XCOM, et qui tire partie de l’esprit « Mario » tout en conférant une singularité au titre.

Un « XCOM » à emporter

Reste un jeu au positionnement un peu étrange. S’adresse-t-il aux jeunes, attirés par son humour et son casting ? Pas sûr, même si un généreux « mode facile » permet d’aborder chaque affrontement avec un considérable bonus de santé.

Un jeu pour les amateurs de XCOM alors ? Pas sûr que l’humour pipi-caca des lapins crétins remporte facilement leur suffrage ; pas sûr non plus que l’apparente simplification des règles du jeu par rapport aux canons du genre les séduisent d’emblée. Mais le titre d’Ubisoft Milan et Montreuil présente une alternative si rafraîchissante et finalement si peu « crétine » qu’il est plus que tentant de le considérer comme un petit XCOM light et malin, à emporter partout avec soi.

L’avis de Pixels

On a aimé :

  • Jouer à un jeu aussi bien réalisé sur Switch
  • Les mécaniques de jeu bien plus malignes qu’il n’y paraît
  • L’humour un peu idiot qui marche malgré tout plutôt bien

On n’a pas aimé :

  • Des phases d’exploration un peu sages

C’est plutôt pour vous si…

  • Il manquait dans votre vie un jeu de tactique simple et efficace, idéal pour des sessions courtes et nomades

Ce n’est plutôt pas pour vous si…

  • Vous êtes amateurs des deux univers mais pas du tout du style du jeu
  • Vous comptez l’offrir à un enfant qui ne sait pas encore lire

La note de Pixels

Bwaah/Bwaaah