Aline Zalko pour M Le magazine du Monde

La rentrée des classes approche et les enfants reviennent en force sur Instagram, grâce à ou à cause de parents zélés qui illustrent scrupuleusement la vie de leur descendance. Avec le hashtag #littleartist, par exemple, un monde créatif et coloré explose. C’est aussi le hashtag qui permet de révéler les « stage mums » en puissance, un terme emprunté au show-business (mais applicable ailleurs), désignant les mères qui transfèrent sur leurs enfants tout un tombereau d’ambitions frustrées. Ces artistes contrariées transforment donc Instagram en beaux-arts junior 2.0.

Et, comme avec le « vrai » art, on distingue différents mouvements. Certains #littleartists pratiquent l’acting painting : ils empoignent la couleur à pleine main et l’étalent partout, si possible avec les pieds. Mignon et spontané ? Sans doute. Et puis on réalise l’étendue des dégâts dans la pièce hors champ de la caméra : de la peinture partout, des traces de pieds qui mènent au frigo et un chien transformé en toile vivante. Un carnage – et l’on souhaite bon courage à la maman pour expliquer à son artiste qu’il n’est pas possible de faire pareil avec la purée.

Des patates et des cubes

Le #littleartist qui préfère l’art abstrait a le trait moins catastrophique. Sa signature : il transforme tout et tout le monde en patates ou en cubes, c’est normal, il a 3 ans et demi et il est à la maternelle. Sa maman est persuadée que ses œuvres valent bien celles des musées, et c’est sûr, dès qu’il aura un compas, il deviendra le nouveau Kandinsky. D’ici là, il aura sûrement découvert le skateboard, Barbie ou le vélo, mais chut.

Il existe aussi des #littleartists sculpteurs : ils s’emparent de tout ce qui leur passe sous la main, boîte d’œufs, guimauves, rouleau de papier toilette, cire rouge de fromage… Leurs créations ressemblent, en plus propre, au contenu d’une poubelle lambda. Mais, là, il ne faut pas trop se moquer, car ce #littleartist a toutes les chances de réussir dans le milieu de l’art, de devenir riche et célèbre, de collaborer avec des marques de luxe ou des fondations privées. Sa maman sera fière et pourra revendre à prix d’or ses cendriers en pâte à sel et ses colliers de nouilles tie and dye.