C’était Chat noir, chat blanc au palais de justice de Meaux (Seine-et-Marne), mardi 29 août, pour l’ouverture du procès d’un clan de Tziganes roumains accusés d’avoir monté un vaste réseau de pickpockets. Dans le box trop petit de la salle d’audience n° 1 où s’entassaient neuf prévenus, on a vu le patriarche Marian Tinca (57 ans) menacer de se « couper la gorge » s’il n’était pas jugé à Strasbourg ou encore son ancienne femme Maria Iamandita (51 ans) se faire traiter de « débile mentale » par leur fils Vasile-Robert Dumitru.

Devant ce spectacle bruyant et parfois cocasse digne du film d’Emir Kusturica, dont deux interprètes assuraient les sous-titres en direct, même la présidente du tribunal a eu du mal à garder ses nerfs et n’a pu réprimer un sourire par moments. Les neuf prévenus roumains n’ont, eux, jamais quitté une certaine gravité : tous encourent jusqu’à dix ans de prison, vingt pour ceux en état de récidive.

Les membres du clan – une seule et même famille, plus quelques personnages gravitant autour, tous originaires de Craiova, dans le sud de la Roumanie – comparaissent pour vol ou complicité de vol en bande organisée, recel et blanchiment, incitation de mineurs à commettre des délits et délaissement de mineurs de moins de 15 ans. Une restauratrice chinoise de Paris, chez qui les pickpockets dissimulaient temporairement leurs prises, ainsi que le patron et le gérant d’un hôtel de Pantin (Seine-Saint-Denis) ayant hébergé une partie du clan sont également poursuivis pour recel.

Un million d’euros de butin

De janvier 2014 à février 2016, les prévenus envoyaient leur progéniture détrousser les touristes dans le métro parisien, aux abords de Disneyland et du centre commercial de Val-d’Europe, à un rythme industriel – entre 1 000 et 2 000 euros par jour pour un butin estimé à un million d’euros au bas mot –, qui fait dire au vice-procureur que les prévenus « n’ont pas fait des enfants, ils ont fait des machines à sous ».

Le 21 juillet, sept mineurs ont été condamnés à des peines allant de l’avertissement solennel à trente mois d’emprisonnement. Ces « petites mains » âgées de 12 à 17 ans ont-elles été contraintes par leurs familles d’effectuer ces larcins à la chaîne, afin de les en faire bénéficier ? C’est ce que la présidente, citant de nombreuses écoutes téléphoniques, s’est attachée à démontrer.

Les prévenus se sont défendus maladroitement, expliquant n’avoir jamais poussé les enfants à voler et faisant des contorsions pour expliquer comment, sans aucun revenu déclaré ni compte en banque, ils avaient pu s’offrir un terrain, une maison ou une voiture en Roumanie.

En larmes, seule l’une des filles du couple Tinca-Iamandita, Théodora Iamandita (28 ans), a brisé l’unité familiale, mettant directement en cause son père, qu’elle accuse d’avoir fait régner la terreur au sein du clan et dilapidé une partie de l’argent au casino. Le patriarche a bondi de sa chaise : « Tu vas me mettre en prison, tu es folle, tu fais tout pour te sortir de cette histoire ! » « Elle ne dit que des mensonges, et je vais prendre dix ans ! », a-t-il encore dit en gesticulant, alors que les policiers l’évacuaient de la salle.

Revenu dans le box, Marian Tinca sortait de nouveau de ses gonds en fin journée, lorsque, son avocat étant absent, la présidente reportait son interrogatoire au lendemain. « Ah mais moi je ne reviens pas demain ! Je n’ai pas besoin d’avocat, je suis inculpé et avocat, vous pouvez me poser des questions ! » Avant de quitter la salle, Vasile-Robert Dumitru se tournait vers la présidente : « Je suis désolé si quelqu’un de ma famille vous a dérangée. » Le jugement est attendu vendredi 1er septembre.