Le premier ministre Edouard Philippe et la ministre du travail Muriel Pénicaud, sur le perron de l’Elysée, le 30 août. / ALAIN JOCARD / AFP

Attendu depuis plusieurs semaines, le rendez-vous donnera le ton de la rentrée sociale. Jeudi 31 août à midi, le gouvernement rend public le contenu des cinq ordonnances réformant le code du travail, premier grand chantier social du quinquennat Macron. Plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif, négociations avec des élus non mandatés par un syndicat, fusion des instances représentatives du personnel…

La réforme, fruit de plusieurs semaines de concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux – les ordonnances devraient comporter deux cents pages –, vise à « susciter l’envie d’embauche des entreprises tout en protégeant les salariés et en développant le dialogue social », selon Muriel Pénicaud. « La réforme que nous présenterons jeudi est une avancée sociale majeure », a annoncé le premier ministre, Edouard Philippe, lundi. Elle vise à apporter « souplesse », « sécurité » et « simplicité » aux salariés et aux entreprises, « avec un objectif : faire disparaître le chômage de masse ».

Avant la présentation officielle des ordonnances lors d’une conférence de presse commune à Matignon, la ministre du travail et le chef du gouvernement dévoileront le contenu des textes aux principales organisations syndicales et patronales lors d’une réunion plénière, jeudi à 9 h 45, à Matignon. Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, a salué l’initiative. Dans un entretien à L’Humanité mardi, le leader syndical avait regretté que le gouvernement privilégie les réunions bilatérales, ce qui lui « permet de dire des choses différentes aux uns et aux autres ». Mais, selon M. Martinez, la réunion n’influera pas sur les textes.

« A quelques heures de la publication des ordonnances, je ne pense pas qu’ils soient en mesure de prendre en compte les propositions ou les remarques des organisations syndicales. »

« Le mécontentement est fort »

Après l’adoption définitive, le 2 août, de la loi d’habilitation, le gouvernement se sait très attendu. Plusieurs mesures de la réforme font l’objet de désaccords avec les partenaires sociaux. Le plafonnement des indemnités prud’homales ou la fusion des instances représentatives du personnel (délégués du personnel, CE et CHSCT) cristallisent particulièrement la colère des syndicats qui voient dans le dernier point une dépossession de leurs prérogatives.

Si le patronat, la CFDT, FO et la CFTC attendent de connaître les arbitrages avant de juger la copie du gouvernement, la CGT et la CFE-CGC tirent déjà à boulets rouges sur la réforme. François Hommeril, président de la CFE-CGC, y voit une « voiture-balai » des « vieilles lunes du patronat » qui n’apportera que « précarité » et « dumping social ». Quant à la CGT, elle appelle avec Solidaires à une journée d’actions le 12 septembre contre ce qu’elle qualifie de « loi travail XXL ».

« Le mécontentement est fort, (…) donc tous les ingrédients sont là pour qu’il y ait une bonne mobilisation », estime M. Martinez, qui dit réfléchir aux moyens de poursuivre le mouvement de contestation. Même colère du côté de La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, qui appelle « le peuple » à « déferler » sur Paris pour manifester « contre le coup d’État social » d’Emmanuel Macron, le 23 septembre, au lendemain de l’adoption en conseil des ministres des ordonnances.

« Il n’y aura pas de casse sociale »

De son côté, le président du Medef, Pierre Gattaz, a exhorté M. Macron à éviter les « demi-mesures », à « aller au bout de la réforme du code du travail » afin de créer « une dynamique de confiance » en France. « Ce n’est pas une réforme pour le Medef (…). C’est pour la France, pour le pays, pour qu’on reparte vers la croissance », a-t-il déclaré mardi lors de l’université d’été de l’organisation patronale.

La ministre du travail, Mme Pénicaud, l’a assuré dans une interview au Monde : « Il n’y aura pas de casse sociale. »

« Dans le code du travail, il y a un certain nombre de freins à l’emploi (…). La rénovation du modèle social devrait permettre une dynamique. »

Les principaux points de la réforme

La réforme du code du travail souhaitée par le gouvernement s’oriente autour de trois grands axes : l’articulation entre accords de branche et d’entreprise, le dialogue social dans les entreprises et la sécurisation des relations de travail.

  • Quel pouvoir pour les employeurs ? Sur le premier thème – qu’est-ce qui relève de la loi, des branches, de l’entreprise et du contrat de travail ? –, gouvernement et partenaires sociaux sont parvenus à un relatif consensus. La réforme prévoit d’étendre le champ d’application des accords d’entreprise, mais aussi de renforcer les prérogatives des branches professionnelles, qui jouiraient d’une compétence exclusive sur cinq domaines, dont celui, aujourd’hui du ressort de la loi, permettant de modifier les CDD et d’autoriser les CDI de chantier. Ce dernier point constitue le principal sujet de discorde entre le gouvernement et les syndicats.
  • Comment sera modifié le dialogue social ? La fusion des instances représentatives du personnel (comité d’entreprise, délégué du personnel, CHSCT…) et la possibilité de négocier, dans les PME dépourvues de délégués syndicaux, avec un délégué du personnel non mandaté par un syndicat sont, entre autres, deux mesures combattues par les organisations, qui y voient un contournement de leurs prérogatives. Le recours au référendum, pour valider des « accords » entre les directions de société et les salariés, pourra également être encouragé.
  • Comment va évoluer le licenciement ? C’est l’un des sujets de conflit à venir avec les syndicats de salariés : le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’harmonisation des délais de recours aux prud’hommes, ou encore le passage au périmètre national pour apprécier les difficultés économiques des multinationales qui licencient en France. Cette dernière mesure a été adoptée après un amendement présenté par Les Républicains. Elle figurait dans le projet de loi El Khomri en 2016, avant d’être retirée devant la fronde des syndicats. Dans le même temps, les indemnités légales de licenciement, versées par les employeurs, devraient être revues à la hausse, a annoncé Mme Pénicaud.