La Maughan Library, l’une des bibliothèques de King’s College à Londres. / Flickr - Former BBC (CC BY-SA 4.0)

Chroniques londoniennes. Milan Czerny partagera au fil de l’année scolaire son expérience au King’s College, où il étudiera les relations internationales.

Trois campus en plein centre de Londres, des escaliers de marbre, la Tamise, Big Ben ou encore The Gherkin, tour en forme de cornichon, visibles des salles de classe : voilà ce qui m’attend dans quelques jours au King’s College London, prestigieuse université où Virginia Woolf, Thomas Hardy et Desmond Tutu ont étudié. Je ne peux cacher mon enthousiasme à l’idée d’intégrer le département des War Studies afin d’y étudier les relations internationales, même si je sais que s’expatrier en Angleterre en plein Brexit peut sembler paradoxal, alors que le pays se replie sur lui-même. Déjà, des Français installés depuis plusieurs années à Londres franchissent à nouveau la Manche, dans le sens inverse au mien. Dans cette première chronique, je vais vous expliquer les raisons qui m’ont poussé à nager à contre-courant, et les quelques mois nécessaires à mon admission dans cette université.

Après une année de terminale marquée par des échecs aux concours d’entrée à Sciences-Po Paris et Bordeaux, je me suis résolu à intégrer une prépa littéraire, au lycée Malherbe de Caen. Rapidement dépassé en grec ancien, enchaînant les 1/20 lorsque je devais traduire des textes de Platon, mes efforts se sont concentrés sur un nombre limité de matières qui m’intéressaient davantage. Les heures de cours que je suivais d’une oreille distraite ne m’ont certes pas permis de connaître les règles de grammaire hellénistique, mais j’ai pu, en regardant par les fenêtres, m’interroger sur la suite de mes études.

Mes résultats en histoire, géographie et anglais étant plutôt bons, j’ai tenté de trouver une voie permettant de combiner ces trois matières. C’est ainsi que le domaine des relations internationales m’a paru comme une évidence. J’ai vite réalisé qu’en France il n’existe pas de licence de qualité dans ce domaine, il faut attendre le niveau master. Mais après de longues heures loin du mont Olympe, je me suis aperçu que des universités étrangères proposaient de les étudier juste après le bac.

Plusieurs demandes pour une même licence

J’ai postulé en janvier pour rejoindre des établissements dans deux pays, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Et être pris dans une université britannique demande beaucoup d’énergie et d’attention. Il faut se perdre sur les sites de celles qui vous intéressent, choisir une licence qui vous plaît et relever les résultats minimaux demandés. Puis postuler sur le site de UCAS (l’APB anglais) à cinq universités maximum, en précisant la licence demandée, sans qu’il soit nécessaire de les classer par ordre de préférence. De mon côté, j’ai postulé à LSE, Durham, les universités écossaises de St Andrews et d’Edimbourg (où les frais universitaires sont presque gratuits pour les élèves français) et au King’s College. Il est judicieux de postuler à un seul type de licence parmi vos universités choisies afin d’avoir un dossier soit cohérent.

Vous devez fournir vos notes de bac (pour ceux qui postulent durant l’année de terminale, vos professeurs doivent indiquer les notes qu’ils pensent que vous allez avoir), la lettre de recommandation d’un enseignant, les résultats d’un test prouvant votre niveau d’anglais (chaque université impose un score minimal, en général aux environs de 100/120 pour le Toefl), et une lettre de motivation.

La lettre de motivation, pièce maîtresse

Cette lettre constitue la pièce maîtresse, sur laquelle les universités vous choisiront, le reste étant simplement des prérequis pour que votre dossier soit considéré. J’avoue avoir passé quelques cours de grec à y réfléchir, et la rédiger demande un nombre d’heures conséquent. En effet, la difficulté réside dans la longueur limite fixée par UCAS : il faut en dire le plus possible sur vous-même sans dépasser 4 000 caractères, ce qui constitue un vrai jeu d’équilibriste. En ce qui me concerne, j’ai insisté sur ma connaissance des langues étrangères, le russe et l’allemand, des expériences que j’ai pu tirer de mes voyages, et sur le fait que je sois ceinture noire de judo. Ce dernier point a eu certainement un rôle clé dans mon admission car il prouve que j’ai réussi à allier la pratique d’un sport de façon intensive avec le lycée. Mon conseil serait de ne pas rester cantonné au domaine scolaire, et d’évoquer les aspects de votre personnalité. L’extrascolaire est en effet capital dans le processus d’admission.

J’ai ensuite passé plusieurs mois à recharger ma boîte mail sans cesse, dans l’attente d’une réponse. Celle-ci peut tomber n’importe quand entre la date d’envoi de votre dossier et le 3 mai, ce qui est très stressant. Finalement, je n’ai reçu de réponse positive que de King’s College London, que j’ai choisi, plutôt que les universités de Leyde et d’Amsterdam, où j’étais admis également. Le cadre de vie, le système scolaire anglais, qui se base en grande partie sur le travail individuel, et la réputation de l’université londonienne m’ont convaincu de délaisser les Pays-Bas.

Importants frais d’inscription

Une fois accepté, j’ai eu la surprise de voir affluer les mails en provenance de King’s College, vantant le prestige de l’établissement et montrant des vidéos aériennes de ses campus londoniens. J’ai même reçu un courrier accompagné d’un magazine promouvant à nouveau l’université. J’avais véritablement un pied de chaque côté de la Manche, entre Caen et Londres. Etant donné le prix de la scolarité chaque année, 9 250 livres sterling (soit 10 050 euros), et comme on peut avoir plusieurs propositions d’admission, chaque université mène d’intenses campagnes publicitaires pour vous séduire. De quoi se sentir comme un jeune joueur de foot courtisé par tous les clubs, même si à la fin, c’est à vous de payer les très importants frais d’inscription.

Ces frais peuvent empêcher de très nombreuses personnes d’intégrer une université, d’autant plus que Londres n’est pas réputé pour être abordable. Et cela pourrait être encore bien pire après le Brexit. Pour l’instant, en tant qu’Européen, je suis assuré de payer la même somme qu’un étudiant anglais durant mes trois années de licence, tandis qu’un élève d’une nationalité non européenne paye une somme deux fois supérieure. Et je bénéficie, comme les étudiants britanniques qui le souhaitent, d’un prêt du gouvernement britannique du montant des droits d’inscription. L’intérêt de ce prêt réside dans le fait que l’on peut choisir de le rembourser seulement lorsqu’on commence à travailler.

Et comme de nombreux étudiants britanniques, je vais prendre un part-time work (travail à mi-temps), en espérant que j’arriverai à concilier cela avec le travail scolaire — heureusement, le nombre d’heures de cours est limité. La solution idéale est de répondre à une offre d’emploi proposée par les universités afin de pouvoir travailler sur le campus, comme bibliothécaire par exemple.

Réseau d’anciens élèves

Si vous êtes admis dans une de ses prestigieuses universités et que commencer dans la vie avec une dette ne vous effraie pas trop, de très nombreuses opportunités vous attendent. Etudier dans un tel établissement, classé parmi les cinquante premiers mondiaux, permet d’assister à des conférences de dirigeants du monde entier, de bénéficier du réseau d’anciens élèves.

Et si j’en crois le groupe Facebook de ma promotion à King’s College, où j’ai été ajouté peu après mon admission, je vais côtoyer des étudiants du monde entier, venus de Jordanie, Taiwan, une membre de la famille Al-Thani émir du Qatar, Chine, Côte d’Ivoire, Français de Hongkong, Palestinien de Dubaï, Russe, Indiens… ce qui sera propice à la découverte de nouvelles cultures.

J’ai hâte de faire la rencontre de ces camarades et de commencer mes études. A bientôt pour vous raconter mes débuts d’étudiant dans le Londres « post-Brexit ».

Milan Czerny