Un sinistré de la tempête Harvey à Lakewood Church, à Houston, le 29 août. / WIN MCNAMEE / AFP

Habituellement, le week-end, dans ces grands auditoriums ultramodernes, les enfants sont pris en charge pour la prière, des lectures de la Bible ou des conférences. Depuis lundi 28 août, les salles à la lumière tamisée ont été transformées en dortoirs pour les sinistrés de la tempête Harvey. Au nord de Houston, au cœur d’un campus arboré, orné de fontaines et de croix géantes, la « megachurch » – « méga-église » – du pasteur Kerry Shook s’est mise en quatre pour l’accueil des réfugiés.

La mobilisation massive des institutions religieuses, omniprésentes aux Etats-Unis, a permis l’ouverture rapide et organisée de centres d’accueil. Ce mouvement est si naturel qu’une polémique a éclaté en début de semaine, après le refus d’un des pasteurs évangéliques les plus réputés du Texas, Joel Osteen, d’ouvrir sa méga-église (près de 17 000 sièges) aux sinistrés. Face aux critiques, il a fini par céder. Ailleurs, les volontaires et les dons ont afflué, débordant même parfois les responsables des lieux de culte.

A mesure que l’eau se retire des maisons et des rues des environs de Houston, certains de ces lieux commencent à se vider. Le maire de la ville a confirmé jeudi que le nombre de personnes accueillies dans les refuges diminuait. Même dans des conditions difficiles, dès que les routes sont dégagées, certains habitants des maisons touchées par la montée des eaux tentent de rentrer chez eux, dans leur famille ou chez des amis. D’autres, parmi les plus précaires, sont rassemblés dans des lieux adaptés pour rationaliser les efforts. Avec ses infrastructures dignes d’un campus universitaire, l’église de Woodlands, qui accueille chaque dimanche près de 12 000 fidèles, est de ceux-là.

Des milliers de migrants

Vêtus de T-shirts jaune fluo siglés « Disaster relief » (« assistance après le désastre »), les bénévoles semblent dépasser en nombre les dizaines de sinistrés encore présents jeudi dans la journée. Une équipe de médecins est sur le pied de guerre pour répondre aux besoins médicaux des arrivants. Membres de l’église, une coiffeuse et un masseur ont proposé leurs services. Les pièces où sont entreposés les dons débordent de cartons, de vêtements, de couvertures, de nourriture. Des ordinateurs ont été installés dans le hall pour permettre aux évacués de remplir leurs demandes d’aide auprès des autorités ou des assurances. Des volontaires hispanophones accueillent les réfugiés latinos, sans leur demander leurs papiers. Dans la région de Houston vivent et travaillent plusieurs centaines de milliers de migrants en situation irrégulière.

Sara, arrivée il y a deux jours avec sa petite fille d’un an et son fiancé, après l’inondation de leur mobile-home, apprécie les trois repas par jour et l’atmosphère résolument joyeuse de l’église. A côté d’elle, une jeune femme aux dents noircies fume sur un banc, l’air un peu perdu : elle vient de passer deux nuits sur place avec trois membres de sa famille et un voisin en fauteuil roulant. Une autre femme, amputée d’une jambe et également en fauteuil, se restaure dans la chaleur estivale. « Ici nous n’accueillons pas des “réfugiés”, des “évacués” ou des “SDF”, mais des invités », explique avec emphase l’un des responsables de l’accueil, Alan Splawn.

Des volontaires installent des couchages à l’église baptiste de Fairfield, à Cypress, le 29 août. / MANDEL NGAN / AFP

Sinistrés pour longtemps

Habitués des catastrophes naturelles – l’église avait envoyé des volontaires à Haïti en 2010, lors du tremblement de terre, et en Louisiane après le passage de Katrina en 2005 –, les responsables de l’église parlent déjà de reconstruction. « On va envoyer des volontaires pour déblayer les maisons et faire de premières réparations. Cela permettra aux gens de faire des économies, explique le pasteur Mark Miller. Quand ils seront de nouveau chez eux, on pourra commencer la distribution de tous les dons que l’on a reçus, en vêtements, nourriture, jouets, produits de toilette… »

« Pour les situations les plus graves, il faudrait installer des mobile-homes sur les terrains des sinistrés, le temps qu’ils reconstruisent leurs habitations. Cette solution, qui permet aux enfants de retourner à l’école de leur quartier, avait été mise en place après Katrina », explique M. Splawn. Ici, la tempête a beau être passée, ses effets se feront encore sentir durant de longues semaines.

Dans l’est de l’Etat et en Louisiane, les évacuations se poursuivent. Le bilan de Harvey, encore provisoire, est lourd. Selon la Maison Blanche, 100 000 foyers ont été touchés par la catastrophe. Près de 800 000 Texans ont reçu un ordre d’évacuation, 900 000 autres ont quitté leur domicile de leur propre initiative. Et 44 personnes ont péri. Le président américain a demandé jeudi au Congrès de débloquer près de 6 milliards de dollars (5 milliards d’euros) pour alimenter un fonds d’urgence afin de venir en aide aux victimes.