LES CHOIX DE LA MATINALE

Au menu de la sélection concoctée cette semaine par les journalistes du Monde : deux documentaires qui revisitent l’histoire allemande, un entretien avec l’écrivaine Chantal Thomas et une immersion en plein désert polaire.

« La Fabrique du film allemand », un siècle de rêves allemands

L’histoire est celle d’une simple société de production cinématographique allemande devenue mondialement célèbre. Fondée en 1917, l’Universum Film AG (UFA) a traversé les guerres, les faillites et les régimes politiques. Ses mythiques studios de Babelsberg, non loin de Berlin, ont enfanté des films muets, des comédies à l’eau de rose, des épopées historiques, des films de propagande et des dessins animés. Aujourd’hui, l’UFA ne produit plus de longs-métrages mais arrose les chaînes de télévision allemandes avec de multiples émissions à succès. Sa marque de fabrique : les séries historiques haut de gamme.

En retraçant l’histoire mouvementée de l’UFA, ce passionnant documentaire riche en archives, extraits de films, témoignages d’anciens acteurs, de producteurs et d’historiens du cinéma, retrace aussi en creux l’histoire de l’Allemagne. Alain Constant

La Fabrique du film allemand, de Sigrid Faltin (Allemagne, 2017, 60 min). Sur Arte + 7 jusqu’au lundi 4.

« Sigmaringen », le château de la honte

Sigmaringen, le dernier refuge - bande-annonce - ARTE
Durée : 00:31

A l’issue de six jours de combat, le 25 août 1944, la 2e DB du général Leclerc entrait dans Paris. Si les images de liesse montrant la foule agiter bouquets et drapeaux tricolores au passage des troupes ont maintes fois été montrées, moins connues sont celles du 20 août 1944 : jour où les Allemands « poussèrent » Pétain à quitter l’Hôtel du Parc, à Vichy pour s’exiler à Sigmaringen, dans le sud de l’Allemagne.

C’est là, dans « le château de la honte » que Serge Moati nous entraîne pour retracer de l’intérieur les ultimes soubresauts de la collaboration. Une comédie du pouvoir aussi tragique qu’hallucinante, notamment dans le jusqu’au-boutisme de ses acteurs, traitée sous la forme d’un docufiction remarquable en tout point. Qu’il s’agisse du choix des comédiens (Julie Debazac, Christophe Odent, Pierre Hancisse, Thomas Chabrol…), tous excellents, ou de la qualité des intervenants (Jean-Paul Cointet, Bénédicte Vergez-Chaignon…). On soulignera surtout la parfaite fluidité d’une écriture et d’un montage qui intègrent, de manière singulière, à la reconstitution de ce théâtre d’ombres, les analyses des historiens, les témoignages des habitants, et les archives en noir et blanc, sans rien perdre du caractère étouffant, accablant de ce terrible huis clos. Christine Rousseau

Sigmaringen, le dernier refuge, de Serge Moati (Fr., 2015, 80 min). Sur Arte + 7 jusqu’au lundi 4.

« Littératures sans frontières », au fil de l’eau avec Chantal Thomas

Chantal Thomas / RFI

Parmi les 581 romans de la rentrée, Catherine Fruchon-Toussaint n’avait que l’embarras du choix pour débuter la nouvelle saison de « Littérature sans frontières », qu’elle opère du reste les pieds dans l’eau, ou presque. Afin de prolonger la douceur estivale, la journaliste culture a convié, sur la grève d’une plage imaginaire, avec bruit de ressac en arrière-fond, Chantal Thomas, dont vient de paraître le merveilleux Souvenirs à marée basse (Seuil). Un récit intimiste et sensible, où la romancière et essayiste, de rivages en bassin – notamment celui d’Arcachon où elle a grandi – mais également de lac en canal – tel celui de Versailles lors d’une baignade mémorable – font revivre sa mère, Jackie : une femme secrète, qui lui a transmis ce goût de l’eau, de la sensualité de la nage. Une quête éminemment sensible et sensitive que l’on retrouve au fil d’une conversation qui s’offre comme une parfaite invite à s’y plonger. Ch. R.

« Littératures sans frontières », animé par Catherine Fruchon-Toussaint. Tous les dimanches à 11 h 40 sur RFI.

« L’Appel de la banquise », une immersion semée d’embûches

Trailer : L'Appel de la banquise
Durée : 02:13

Mike Magidson n’est pas un aventurier, mais un réalisateur. Un réalisateur pourtant confronté dans ce documentaire à une sacrée aventure, une expérience unique à laquelle il a choisi de se confronter, à savoir, vivre durant quelques semaines à la manière d’un chasseur inuit et survivre seul, sur la banquise polaire.

Cette immersion totale, racontée à la première personne, soumet le réalisateur à des défis de taille, des épreuves et conditions extrêmes auxquelles il n’est guère préparé : chasser le phoque, pêcher, diriger une meute de chiens, supporter les conditions extrêmes. « J’ai tout à apprendre », concède-t- il aux chasseurs inuits qui lui enseignent leur savoir ancestral.

Malgré le soutien des autochtones, l’appréhension est là, le doute permanent, les galères au rendez-vous pour ce réalisateur américain qui n’a rien d’un champion de jeu d’aventures. Se mettre dans la peau d’un Inuit demeure une tâche âpre pour un Occidental, même plein de bonne volonté. Il n’empêche que pour le téléspectateur, la quiétude des paysages lunaires et la splendeur de la banquise offrent, en même temps que le parcours initiatique auquel nous convie ce voyage, un spectacle captivant. Rémi Lefebvre

L’ Appel de la banquise, de Mike Magidson et Xavier Liberman (Fr., 2016, 99 min). Sur Planeteplus.com à la demande.