« Tu vas t’occuper du froid et du chaud ! », a réagi Jean-Yves Le Drian à l’annonce des nouvelles fonctions de Ségolène Royal, qui ont pris effet le 1er septembre. Entre caciques du Parti socialiste, on peut plaisanter un peu, même si l’un est devenu ministre de l’Europe et des affaires étrangères d’Emmanuel Macron, alors que l’autre est, jusqu’à présent, restée à l’écart du nouvel exécutif, faute d’avoir été courtisée lors de la formation de l’équipe gouvernementale.

Côté froid, l’ancienne ministre de l’environnement de François Hollande accède au poste d’ambassadrice chargée de la négociation internationale pour les pôles Arctique et Antarctique. Nommée officiellement le 28 juillet, l’ex-présidente de la conférence climat, la COP21, ne cachait pas, depuis plusieurs semaines, l’envie de « mettre ses compétences au service du combat climatique ». « Emmanuel Macron compte sur moi », expliquait-elle le 13 juin sur le plateau de BFM-TV.

Elle succède à une autre personnalité socialiste, Michel Rocard, non remplacé dans cette fonction à sa mort, à l’été 2016. L’ancien premier ministre avait occupé pendant sept ans ce poste, créé en 2009 par Nicolas Sarkozy, qui appartient à la famille des ambassadeurs thématiques. L’ambassadeur pour les pôles n’est pas rattaché à un pays.

Déployer des capacités solaires

Côté chaud, Mme Royal se voit confier également le suivi de l’alliance solaire internationale, l’organisation à but non lucratif visant à renforcer la coopération Nord-Sud autour de cette énergie renouvelable.

Lancée au moment de la COP21 sous coprésidence française et indienne, cette coalition de 121 pays se fixe pour objectif de déployer un terawatt de capacités solaires additionnelles d’ici à 2030 et espère mobiliser 1 000 milliards de dollars d’investissement pour financer les infrastructures nécessaires.

« Ségolène Royal a accepté de prendre la responsabilité [de l’alliance] » et de coordonner ce travail, a confirmé le président Macron dans son discours d’ouverture de la semaine des ambassadeurs, le 29 août à Paris.

« C’est un sujet que je connais bien, pour l’avoir lancé en 2015 au Bourget », explique au Monde l’intéressée, qui avait suivi le dossier durant son mandat de présidente de la COP21 en 2016 (après le départ de Laurent Fabius, premier président de la COP21, pour le Conseil constitutionnel).

D’autres projets en suspens

Au printemps 2017, l’ancienne ministre de l’environnement briguait la direction du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et croyait fort dans ses chances d’obtenir ce poste qui compte parmi les plus influents du système de l’ONU.

Le secrétaire général Antonio Guterres lui a préféré le diplomate allemand Achim Steiner, parfait connaisseur de la machine onusienne pour avoir occupé pendant huit ans une autre grande agence, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).

L’ex-présidente de la région Poitou-Charentes s’est donc mise à explorer d’autres pistes. Lors de la passation des pouvoirs avec Nicolas Hulot, le 17 mai, elle avait confié vouloir fonder une entreprise sur la croissance verte et mettre sur pied une association pour promouvoir la justice climatique.

Ces projets vont sans doute prendre du retard car la nouvelle ambassadrice semble pressée de se mettre au travail.

Déplacements au Chili, en Inde, au Groenland

Dès mercredi 6 septembre, après un rendez-vous au ministère des affaires étrangères pour caler les premières échéances et valider ses priorités d’action, Ségolène Royal prévoit de s’envoler pour le Chili, à l’occasion d’une réunion internationale où sera abordée la situation des aires marines protégées en Antarctique.

Elle compte rejoindre ensuite New York et mettre à profit l’assemblée générale des Nations unies pour « faire avancer la coalition solaire et prendre contact avec les pays riverains de l’Arctique et de l’Antarctique ».

Le 27 septembre, elle se rendra en Inde pour une réunion technique préparatoire au déplacement d’Emmanuel Macron. Une promesse faite le 3 juin, lors de la visite éclair du premier ministre indien Narendra Modi à Paris. Le président français avait alors annoncé qu’il participerait « avant la fin de l’année » au premier sommet de l’alliance solaire internationale.

Ségolène Royal planifie ensuite un déplacement au Groenland. Le programme n’est pas calé mais il comportera « une visite de la cabane à l’abandon de Paul-Emile Victor », souligne l’ambassadrice, qui veut ensuite aller à Brest, où siège l’Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV). Elle espère y obtenir le soutien de l’IPEV pour mobiliser les 400 chercheurs pluridisciplinaires sur les pôles.

Les convoitises des états riverains de l’Arctique

L’ex-présidente de la COP21 a déjà pu mesurer, au cours d’un déplacement au Spitzberg (couronne arctique de la Norvège), l’impact massif du réchauffement climatique sur les pôles. En 2016, l’Arctique a enregistré une température moyenne supérieure de deux degrés à la moyenne de 1981-2010, indique le dernier rapport de l’agence américaine océanique et atmosphérique, la NOAA. A la fin de l’hiver, l’étendue maximale des glaces arctiques était la plus faible en trente-sept ans d’observations satellitaires, pointe l’agence américaine.

« La fonte des glaces va permettre malheureusement d’accéder à des ressources souterraines, y compris des énergies fossiles, qui n’étaient pas exploitables jusqu’à présent, rappelle Mme Royal. Cela suscite les convoitises des Etats riverains. » Le réchauffement climatique ouvre également de nouvelles routes maritimes qui risquent de fragiliser les écosystèmes polaires.

Elle va s’appuyer sur la « feuille de route française sur l’Arctique », présentée par Michel Rocard en 2016, pour défendre le principe de précaution sous ces latitudes. « Laurent Maillet [chargé par Rocard de la mise en œuvre de la feuille de route] reste dans l’équipe », assure Mme Royal, qui s’appuiera aussi sur le scientifique Gilles Bœuf et l’explorateur Jean-Louis Etienne.

Contrairement à l’Antarctique – protégé depuis 1961 par un traité international – l’Arctique, qui pourrait recéler 22 % des réserves mondiales de gaz et de pétrole, est sous la menace des pays riverains, rassemblé dans un forum intergouvernemental, le Conseil de l’Arctique, où la France jouit d’un simple statut d’observateur.