L’équipe de France de rugby à XIII en stage au Barcarès (Pyrénées-Orientales), en juillet 2017. / FFR XIII

Ce nombre pourrait leur porter bonheur. Pour relancer le rugby à XIII en France, quel meilleur prétexte que la réforme territoriale qui a réduit le nombre de régions métropolitaines de 22 à 13, l’an passé ? Une équipe pour chaque région : tel est le projet du « Super XIII », cette nouvelle compétition qui pourrait débuter dès 2019, en complément du championnat de France.

Conseiller auprès de la Fédération française de rugby à XIII (FFR XIII) depuis six mois, Luc Dayan a présenté ce projet au Monde avant le congrès fédéral prévu, samedi 2 septembre, au Barcarès (Pyrénées-Atlantiques). Avec les clubs de football, l’homme a l’habitude des missions difficiles : en parallèle, il tente de restructurer le Sporting club de Bastia, relégué en cinquième division, après des passages inégaux à Lille, Nantes, Strasbourg ou Lens.

Cette fois, il s’agit donc du rugby à XIII, ce sport qui a failli disparaître au profit exclusif du rugby à XV. En 1941, sous l’Occupation, le gouvernement de Vichy avait publié un décret portant dissolution de la Ligue française de rugby à XIII. Depuis, malgré leur réhabilitation, les treizistes restent toujours dans l’ombre de leurs cousins quinzistes.

D’un côté, la « fédé » de rugby à XV et ses quelque 272 000 licenciés. De l’autre, celle du XIII et ses 11 000 licenciés. Sous-médiatisée, la FFR XIII se circonscrit à la région de l’Occitanie. « Si notre rugby ne bouge pas de là, il va mourir », prévient Marc Palanquès, ancien capitaine de la sélection nationale, élu président de la « fédération » treiziste il y a un an.

  • Dans quels stades ?

Facile d’identifier les treize régions de France métropolitaine où se tiendrait le Super XIII. Reste à trouver une ville et un stade pour chacune d’entre elles. En attendant, chaque équipe a déjà son petit surnom, selon le projet prévisionnel : les Menhirs de Bretagne, les Vignerons de Nouvelle-Aquitaine, les Tisonniers des Hauts-de-France…

« Il nous faut des grandes équipes dans des grandes villes », annonce Marc Palanquès. Le dirigeant espère trouver refuge dans des stades de football. « Les footballeurs et les treizistes ont le même amour pour la pelouse », ajoute-t-il. Sous-entendu : les treizistes épargneraient ces mêmes pelouses que les quinzistes menaceraient de leurs crampons.

En 2012, pour une mission ponctuelle, Luc Dayan avait déjà tenté des expériences similaires. Alors président du Racing club de Lens, le club de football local, il avait ouvert les portes du stade Bollaert à l’équipe de France de rugby à XIII lors de son match face au Pays de Galles. Il projetait, en vain, la création d’une nouvelle compétition treiziste avec l’appui de clubs professionnels de football.

Deux décennies plus tôt, M. Dayan avait déjà entrepris un rapprochement de courte durée entre le football et le rugby à XIII. En collaboration avec Canal +, le Paris-Saint-Germain avait monté la première équipe française de Super League Europe, le PSG Rugby League. L’expérience a duré seulement deux saisons, sur la pelouse parisienne du stade Charléty (1996 et 1997).

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  • Avec quels joueurs ?

S’il trouve les financements nécessaires, le Super XIII se déroulerait chaque été à partir de 2019, sur une période de treize semaines. L’idée étant de l’organiser entre juin et août, dans le prolongement du championnat de France, qui se tiendrait de décembre à juin. Chaque équipe rencontrerait une fois les douze autres, avec la perspective d’une place en demi-finales puis en finale.

Encore faut-il, malgré des calendriers déjà surchargés, compter des joueurs volontaires pour composer ces équipes… Les premiers visés restent ceux des dix clubs d’Elite 1, le championnat de France semi-professionnel de rugby à XIII. Mais la FFR XIII espère attirer des jeunes joueurs de rugby à XV, en manque de temps de jeu dans des effectifs professionnels surpeuplés. « J’ai déjà appelé plusieurs présidents de clubs professionnels de rugby à XV, ils se disent très contents de pouvoir faire participer certains de leurs joueurs », assure Luc Dayan.

Ce dernier a prévenu Robins Tchale-Watchou. Le président de Provale, syndicat des joueurs quinzistes, se dit prêt à jouer le jeu pour faciliter la participation de quinzistes au chômage. Dans le même temps, il a prévu de permettre aux treizistes d’adhérer à son syndicat.

  • Avec quel financement ?

Ces équipes régionales fonctionneraient sous forme de franchises. Elles appartiendraient toutes à une seule et même structure, adossée à la fédération française treiziste, qui embaucherait des joueurs en contrats à durée déterminée de quatre six mois. Luc Dayan envisage des salaires mensuels de « 3 000 à 5 000 euros » avec un système de salary cap (plafond salarial).

L’entrepreneur imagine pour la compétition un budget de fonctionnement allant jusqu’à 15 millions d’euros par an. Soit bien davantage que la somme avec laquelle compose la FFR XIII (un peu plus de 2 millions d’euros annuels). Il compte sur les recettes liées « aux spectateurs, au sponsoring, aux télés, aux subventions. Je vais notamment aller voir Philippe Richert [président de l’Association des régions de France] pour lui parler du projet. »

L’homme d’affaires envisage aussi un partenariat avec une chaîne de télévision à déterminer, et le choix d’un même équipementier pour toutes les équipes. En juin, c’est L’Equipe 21 qui a diffusé la finale du championnat de France écoulé : Limoux-Carcassonne, à Narbonne.

  • Avec quel objectif ?

A terme, l’idée est de gagner la Coupe du monde. La France court toujours après ce rêve, à XV comme à XIII. « Il faut que les deux rugbys se parlent », estime Marc Palanquès, qui a déjà pris le temps d’appeler Bernard Laporte, son homologue quinziste.

Dans un mois et demi, les Français tenteront de faire bonne figure à la Coupe du monde en Australie et en Nouvelle-Zélande, deux pays qui ont déjà remporté le trophée : 10 titres pour les Australiens, 1 pour les Néo-Zélandais, et 4 pour les Anglais.

Pour composer l’effectif, la sélection comptera notamment sur les joueurs de Perpignan et de Toulouse. Pour l’heure, les deux meilleurs clubs français évoluent… hors de l’Hexagone. Les Dragons catalans de Perpignan jouent dans le championnat anglais de Super League. Le Toulouse olympique XIII se contente du Championship, l’équivalent de la deuxième division.

« A terme, on aimerait que les joueurs français rêvent de jouer en France, pas en Angleterre », clame Marc Palanquès. Le championnat de France, lui, a du mal à dépasser le cadre de l’Occitanie. Sur les dix équipes d’Elite 1, seules deux viennent d’autres régions : Avignon (Provence) et Villeneuve-sur-Lot (Nouvelle-Aquitaine). Deux régions limitrophes.