Cérémonie de remise des diplômes à Liberty University à Lynchburg, en Virginie, le 13 mai 2017. REUTERS/Yuri Gripas / Yuri Gripas / REUTERS

Carlow University compte six fois plus d’étudiantes que d’étudiants. Dans cette université privée catholique de Pittsburg, longtemps réservée aux filles, l’écart est certes plus spectaculaire que dans d’autres établissements américains, mais le phénomène n’en est pas moins généralisé.

« La nouvelle minorité sur les campus ? Les garçons ! » constate le magazine The Atlantic. « Cet automne, les femmes représenteront plus de 56 % des étudiants sur les campus américains. Parmi les nouveaux inscrits, le différentiel en leur faveur s’élève à 2,2 millions. Et aucun indice ne laisse penser que les choses vont s’arranger. »  

La tendance, on le sait, concerne la plupart des pays de l’OCDE, mais elle semble s’accentuer. Ainsi, dans les universités britanniques, 133 280 étudiantes âgées de 18 ans ont obtenu une place, contre seulement 103 800 étudiants, selon des chiffres du 25 août cités par The Guardian. « A ce stade des inscriptions, un tel écart représente un record, constate le quotidien : 27,3 % des garçons de cette classe d’âge devraient accéder à l’enseignement supérieur cette année, contre 37,1 % des filles. »

« Il est important qu’ils voient d’autres garçons sur le campus »

A Carlow University, la responsable du recrutement, Jennifer Carlo, se démène pour attirer les candidats masculins. L’université met notamment l’accent sur le sport. Cet automne, une nouvelle équipe masculine d’athlétisme fait ainsi ses débuts. Et sur les photos promotionnelles, celles qui figurent sur le site Internet de l’établissement par exemple, les garçons sont surreprésentés.

Stefanie Niles, responsable des inscriptions au Dickinson College (57 % de filles), est elle aussi convaincue de la valeur de l’exemple. « Il est important qu’ils voient d’autres garçons sur le campus. Alors nous les mettons en évidence. »

« La controverse sur la nécessité d’installer des salles de bains neutres sur les campus peut bien focaliser l’attention. Il reste qu’en matière de genres, la question la plus importante pour les universités est de savoir comment s’y prendre pour attirer davantage de garçons », insiste Jennifer Carlo. La baisse générale des inscriptions et la concurrence féroce que se livrent les établissements rendent le problème encore plus aigu.

Sentiment “antiécole”

Or la plupart des experts sont d’accord : les solutions échappent en grande partie aux universités, car le phénomène a ses racines loin en amont. Selon Patrick Maloney, qui préside la Nativity School, une autre université catholique, à Worcester, dans le Massachusetts, quand les jeunes terminent le lycée, « il est déjà trop tard : vous les avez perdus. Les personnes chargées du recrutement devraient aller dans le secondaire pour expliquer aux élèves en cinquième année les avantages de l’enseignement supérieur. »

Pour Jim Shelley, directeur du Men’s Resource Centre au Lakeland Community College, dans l’Ohio, l’une des rares structures d’assistance spécifiquement destinées aux étudiants de sexe masculin présentes sur les campus américains, c’est au niveau de l’école primaire qu’il faudrait agir. Notamment pour combattre un sentiment « antiécole » et « antiéducation » largement répandu chez les garçons dès les premiers stades d’apprentissage de la lecture.

Non seulement les jeunes Américains mâles ont moins de chances que les filles d’accéder à l’université, mais selon les enquêtes du ministère de l’éducation, ils ont également moins de chances d’en sortir diplômés. Et les jeunes Blancs, pour peu qu’ils ne soient pas issus des milieux les plus favorisés, ne s’en tirent pas mieux que les Noirs ou les autres minorités ethniques, note Jerlando Jackson, chercheur au Wisconsin’s Equity and Inclusion Laboratory de l’université du Wisconsin, à Madison.

Keith Bullock coordonne les programmes de soutien aux étudiants masculins au Kentucky College : son rôle est de s’assurer qu’ils vont en cours, qu’ils se présentent aux examens et de travailler avec eux sur la gestion du temps et les bonnes pratiques d’apprentissage. La plupart de ceux dont ils s’occupe viennent de ce qu’il est convenu d’appeler « l’Amérique profonde ». Tous rencontrent les mêmes problèmes. Beaucoup sont tentés de lâcher avant la fin, notamment parce que les études coûtent cher et que les bénéfices ne leur paraissent pas assurés. « Les exemples de réussite tels que médecins, avocats, grands professionnels font cruellement défaut. »

La pression est forte aujourd’hui dans certains milieux sociaux pour convaincre les garçons qu’il existe quantité d’alternatives aux études supérieures, constate Keith Bullock. Or les études montrent que les titulaires d’un bachelor degree, l’équivalent de notre licence, peuvent prétendre à un salaire 56 % plus élevé que ceux qui ont arrêté leurs études au niveau du secondaire.

Jean-Luc Majouret (Courrier international)

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