Edouard Philippe, le premier ministre, présente le contenu des ordonnances sur la réforme du droit du travail aux organisations syndicales, à Matignon le 31 août 2017. / Jean-Claude Coutausse/French Politics pour "Le Monde"

Le gouvernement est dans les starting-blocks sur les privatisations. Après un faux départ, et la nationalisation, en juillet, des chantiers de l’Atlantique STX, le gouvernement veut rapidement lancer ses cessions d’actifs. Samedi 2 septembre, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et, dimanche, le premier ministre, Edouard Philippe, ont confirmé la volonté de l’Etat de « céder des parties de capitaux » qu’il détient dans des entreprises.

Alors que son ministre avait évoqué des privatisations d’entreprises publiques, le premier ministre s’est voulu plus modéré. Il ne s’agira pas forcément de cessions d’entreprise à 100 %, mais de cessions de participations. Elles interviendront « au rythme et aux conditions les plus intéressantes pour l’Etat, pour alimenter des fonds qui serviront à financer l’innovation et la recherche », a assuré le chef de l’exécutif lors de l’émission « Questions politiques » de Franceinfo/France Inter/Le Monde.

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Début juillet, M. Le Maire a indiqué devant le Sénat que les « cessions concerneront des participations non stratégiques, afin d’alimenter un fonds de 10 milliards d’euros qui aura vocation à financer l’innovation ». Samedi, le ministre de l’économie a répété sa ligne de conduite :

« Nous pensons vraiment que c’est une meilleure façon de dépenser de l’argent en finançant l’innovation plutôt que d’être emprisonné dans certaines compagnies qui ne sont pas stratégiques pour l’Etat français. »

80 sociétés françaises du portefeuille de l’APE

Reste à définir les entreprises concernées parmi les quelque quatre-vingts sociétés françaises du portefeuille de l’Agence des participations de l’Etat (APE). Au début de l’été, le patron de l’APE, Martin Vial, a remis au ministre de l’économie une liste détaillant les sociétés stratégiques, dont l’Etat doit rester au capital. Les entreprises liées à la souveraineté nationale, comme celles de la défense (Thales), du nucléaire (Areva) ou de l’énergie (EDF), n’ont pas vocation à être cédées. De même, selon la doctrine de l’APE, les entreprises de service public comme La Poste, la SNCF ou la RATP, doivent rester dans le giron de l’Etat.

La quasi-totalité des autres sociétés, détenues entièrement ou partiellement par l’Etat, pourraient être progressivement cédées pour financer le fonds d’innovation ou réinvestir dans d’autres participations, à l’instar de STX, début juillet.

Au sein de son portefeuille coté, une demi-douzaine d’entreprises pourraient être concernées par des cessions de blocs d’actions. Il y a tout d’abord la participation de 19,74 % dans Renault. Depuis deux ans, l’Etat s’est engagé à revendre 4,7 % acquis par surprise sur les marchés en 2015. Cette vente devra rapporter au moins 1,2 milliard d’euros, le prix dépensé par l’APE à l’époque. Si le gouvernement devait céder un bloc d’actions plus important, il deviendrait deuxième actionnaire derrière Nissan, une situation pour le moment improbable.

Le gouvernement devrait également poursuivre sa baisse au capital d’Engie (28,8 %, valorisé 10 milliards d’euros), voire Safran (14 %, 4,8 milliards). Début juillet, une source a estimé qu’il « faudra attendre que l’intégration de Zodiac soit menée à bien », avant de penser à céder des parts. De même, l’Etat pourrait revoir à la baisse sa participation dans Air France-KLM (17,58 %, 651 millions d’euros), mais cela rapporterait peu. Par ailleurs, le gouvernement a toujours la possibilité de céder des actions d’Orange (13,45 %, 5 milliards), mais il faut d’abord que le gouvernement décide si la société reste stratégique pour lui.

Vinci intéressé par ADP

Par ailleurs, l’Etat devrait poursuivre la cession d’infrastructures. « Comme il existe un cadrage économique et une réglementation de sécurité stricte pour ces entreprises, notre présence au capital de ces établissements n’est plus nécessaire », confirme une source à Bercy. Après les cessions des aéroports de Toulouse, de Nice et de Lyon, l’Etat pourrait rapidement mettre en vente ses participations dans une dizaine d’aéroports régionaux.

De même, la cession d’Aéroports de Paris (ADP), dont l’Etat détient encore 50,63 %, est également sur la table. Au 28 août, sa participation dans l’opérateur aéroportuaire était valorisée à 7,3 milliards d’euros. Vinci, déjà actionnaire de l’aéroport, s’est déclaré intéressé par ADP, tandis que d’autres groupes devraient rapidement se manifester en cas de mise aux enchères des parts de l’Etat. Pour réaliser la privatisation, le gouvernement doit faire passer une loi pour autoriser la transaction et statuer sur la propriété du foncier de la plate-forme aéroportuaire.

Enfin, circule toujours l’idée d’une cession de la Française des jeux (FDJ), dont l’Etat détient 72 % du capital. Plusieurs fois tentée, cette privatisation reste sensible. Faut-il encaisser d’un coup 1,5 à 2,2 milliards d’euros ou compter à l’avenir sur les dividendes de la FDJ, autour de 130 millions par an ? De plus, comment justifier la privatisation d’un monopole… Une chose est sûre, le gouvernement souhaitera poursuivre ses prélèvements sur les mises de la FDJ, qui ont rapporté 3,1 milliards par an.