Le Conservatoire contemporain de littérature orale (CLiO) est installé à Vendôme (Loir-et-Cher) depuis 1995. / C. M./« LE MONDE »

« Le CLiO et les conteurs seront-ils obligés de se taire ? ». Depuis mi-juillet, une pétition circule pour alerter sur la situation critique du Conservatoire contemporain de littérature orale, fondé à Chartres (Eure-et-Loir) en 1981 par Bruno de La Salle, l’un des principaux acteurs du « renouveau du conte », et implanté à Vendôme (Loir-et-Cher) depuis 1995. Fin août, elle avait déjà recueilli plus de 2 400 signatures. Une lettre ouverte a été aussi adressée à la ministre de la culture et de la communication, Françoise Nyssen, pour évoquer les difficultés rencontrées par cet organisme dédié aux arts de la parole. Il s’agit d’un véritable cri d’alarme comme l’explique Laure Cluzeau, son administratrice : « Si rien ne change, la prochaine assemblée générale en octobre se prononcera pour une dissolution à la fin de l’année. Nous devrons licencier et cesser toutes nos activités de formation, d’aide à la création, de promotion de l’oralité… »

La Direction des affaires culturelles (DRAC) Centre-Val de Loire a décidé de supprimer en 2018 la subvention annuelle de 100 000 euros qu’elle lui allouait jusqu’en 2015 (déjà réduite à 65 000 euros en 2016 puis 39 000 euros en 2017). Privé de cette aide substantielle, le CLiO n’aura plus le budget suffisant (estimé à 350 000 euros) pour continuer à fonctionner de façon viable en tant que structure avec des salariés, des fournisseurs et des frais généraux à payer. Ses autres partenaires publics (le conseil régional Centre-Val de Loire, le conseil départemental Loir-et-Cher, la communauté d’agglomération des territoires vendômois, la Ville de Vendôme) ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils ne pourront pas compenser le désengagement de la DRAC.

Depuis le départ à la retraite de son fondateur et directeur artistique, Bruno de La Salle, en 2015, le CLiO connaît une phase de transition délicate. La DRAC Centre-Val de Loire a estimé que cet organisme, reconnu comme structure d’intérêt national par le ministère de la culture depuis 1987, ne respectait plus certaines obligations du cahier des charges établi dans le cadre de la convention qui le liait à l’Etat. Elle a donc décidé d’enclencher un processus d’accompagnement vers la fin de ce conventionnement (prévu pour 2018), avec une réduction progressive des subventions et le licenciement d’une partie des salariés. La passation de pouvoir a été compliquée jusqu’à ce que soit nommé, en octobre 2016, un collège de direction artistique entièrement bénévole, composé de deux conteuses, Isabelle Genlis et Isabelle Sauvage, et d’une plasticienne Cécile Cayla Boucharel. Une petite équipe administrative s’est parallèlement mise en place autour de Laure Cluzeau.

Un nouveau souffle artistique

Cette équipe, mobilisée par une même volonté de donner un nouveau souffle artistique et financier au CLiO, n’a pas ménagé sa peine pour relancer son œuvre de transmission des arts du récit en France et à l’étranger. Elle a retissé des liens au niveau local avec le réseau du conte, renforcé la formation à travers les ateliers Fahrenheit 451 et Compagnons de geste(s), mis en place des actions culturelles en direction des publics scolaires et « empêchés ». Tout en continuant à le faire vivre en tant que centre de ressources pour la littérature orale avec un centre de documentation regroupant près de 4 000 ouvrages et un catalogue consultable en ligne. Dernière réussite en date, l’organisation, dans des conditions financières difficiles, du 12e festival des histoires EPOS, du 24 au 30 juillet.

En dépit des efforts déployés, ce bilan ne semble guère être considéré, comme le déplore Isabelle Genlis : « Lors de la réunion inter-partenaires début juillet, seul le passé (et le passif) du CLiO a été évoqué sans prendre en compte toutes les actions accomplies depuis fin 2016, et surtout nos projets pour 2018. » Contactée, la DRAC Centre-Val de Loire ne souhaite pas s’exprimer officiellement sur ce dossier en cours et estime que le dialogue est encore ouvert.

La prochaine étape de la mobilisation en faveur du CLiO est normalement prévue le 13 septembre avec une journée où « tout le monde raconte » sous les fenêtres du ministère de la culture. Une façon originale, pour Isabelle Genlis, de « montrer au grand jour la richesse des arts de la parole ».