Film sur Ciné+Emotion à 20 h 45

LES NOCES REBELLES (2008) (Bande-annonce VF)
Durée : 01:54

Onze ans après Titanic, le réalisateur britannique Sam Mendes réunissait Kate Winslet et Leonardo DiCaprio pour les marier dans une banlieue américaine, en 1955. Les Noces rebelles n’a en commun avec son illustre prédécesseur que le fait d’être le récit d’un naufrage. La cruauté du scénario – adapté d’un roman de Richard Yates (La Fenêtre panoramique, Robert Laffont, 1961) – est aiguisée par l’aura romantique qui entoure le couple de vedettes.

Le terme de récit n’est d’ailleurs pas tout à fait exact. Même si le scénario suit – à quelques retours en arrière près – la chronologie de ce mariage, son découpage presque théâtral en séquences symptomatiques rapproche plutôt Les Noces rebelles de la dissection.

Le film commence par la rencontre entre April et Frank Wheeler dans une soirée de la bohème new-yorkaise. Elle est belle et voudrait être actrice ; il est beau et ne sait pas quoi faire de sa vie. A la séquence suivante, on les ­retrouve quelques années plus tard. Elle est sur scène entourée d’amateurs, face à un public de voisins et amis qui se force à ­applaudir. Après le spectacle, Frank tente de la consoler, avant de railler ses piètres talents.

Dramaturgie solennelle

Les Wheeler se sont réfugiés, parce qu’elle était enceinte, dans une petite ville du Connecticut. Ils se sont promis de ne jamais devenir comme leurs voisins. L’échec d’April les rappelle à leurs promesses, et la jeune femme, qui a maintenant deux enfants, conçoit le projet de partir pour Paris, rêvée comme la ville de tous les possibles. L’essentiel du film se situe pendant l’été qui précède la date théorique du ­départ pour la France.

Le sérieux et la détermination d’April émoustillent Frank, qui s’est installé dans un métier bien au-dessous de ce qu’il estime être sa stature intellectuelle. L’agitation des deux personnages, qui sentent la vie se refermer sur eux, a quelque chose de dérisoire. ­Pourtant, Sam Mendes les filme sans ironie, gommant les traits de comédie. Les scènes d’extérieur sont baignées d’une lumière estivale, les intérieurs sont d’autant plus doux que les blessures qu’on s’y inflige sont saignantes. Le rythme est posé, les paroxysmes ne surviennent qu’une fois égrenés tous les signes annonciateurs.

Leonardo DiCaprio et Kate Winslet dans « Les Noces rebelles », de Sam Mendes. / DREAMWORKS/FRANÇOIS DUHAMEL

Dans cette dramaturgie un peu solennelle, Frank et April sont ­entourés d’un petit groupe de ­per­sonnages secondaires aux ­rôles parfaitement définis : l’agente immobilière (Kathy Bates) est là pour montrer la voie du ­conformisme ; son fils (Michael Shannon), qui vient de sortir de l’hôpital psy­chiatrique, est l’oracle de la vé­rité ; les voisins, Shep et Milly, sont ­devenus des amis parce qu’ils rappellent à Frank et April tout ce qu’ils ne sont pas.

La précision de médecin légiste qu’affectionne Sam Mendes porte en elle le risque de la froideur, du désengagement. Les ­Noces rebelles se préserve de ce danger grâce à ses interprètes. Un tout petit peu empâté, Leonardo DiCaprio ne fait rien pour sauver un personnage indéfendable ; il joue la lâcheté, la superficialité avec abnégation. Kate Winslet ne fait pas pour autant d’April une martyre sur l’autel du patriarcat. Au générique de fin, il ne reste plus rien du souvenir des amants du Titanic, seulement un goût de cendres. C’est peut-être la vraie raison d’être de ce film.

Les Noces rebelles, de Sam Mendes. Avec Leonardo DiCaprio, Kate Winslet, Kathy Bates, Michael Shannon (Etats-Unis, 2009, 125 min).