Film sur Canal+ à 21 heures

VICTORIA Bande Annonce (Virginie Efira - 2016)
Durée : 03:26

Festival de Cannes 2013. Une nouvelle génération s’annonce. Grandie dans le marasme économique, elle a poussé telle une mauvaise herbe sur le champ d’honneur de l’industrie du cinéma français. Parmi ses membres, quelques noms prennent valeur d’étendard. Serge ­Bozon en modèle du bizarre, Emmanuel Chaumet en producteur corsaire, Vincent Macaigne en acteur frénétique. Enfin, Justine Triet en réalisatrice feu follet, auteure d’une Bataille de Solférino débraillée et croustillante.

Du lamentable au tragique

Trois ans plus tard, alors que nombre de ces jeunes gens sont revenus sur le devant de la scène sans nécessairement parvenir à transformer l’essai, Victoria, le deuxième long-métrage de Justine Triet, est arrivé sur les écrans. Et a surpris, eu égard à la rage burlesque du précédent. Comédie sentimentale précise et lustrée, le film épingle la spirale dépressive de Victoria Spik, interprétée par la délicieuse Virginie Efira. Avocate redoutée sur le versant social, Victoria ressemble sur son versant intime à un tas de cendres fumantes. L’action consiste ici à ensevelir la première sous la seconde, selon un faisceau de circonstances qui nous mènera – avec le sourire – du lamentable au tragique. Soit la défense risquée d’un ami louche (Melvil Poupaud), accusé de tentative de meurtre par sa dulcinée visiblement perverse. Soit le déballage, non moins vicelard, d’un ex qui déballe leur vie ­intime sur le mode légitimé de l’autofiction. Soit enfin l’installation chez elle d’un dealer qu’elle a défendu par le passé (Vincent Lacoste), grand dadais au chômage qui s’improvise assistant personnel.

Virginie Efira dans « Victoria », de Justine Triet. / ECCE FILMS/AUDOIN DESFORGES

Tout va de mal en pis pour ­Victoria, la hauteur et la longueur de cette chute conditionnant le plaisir trouble du spectateur à voir l’objet de son identification tomber. Chute ciselée, oscillant du ­degré zéro de la satisfaction sexuelle à la cinglante humiliation professionnelle, en passant par la malchance d’être assise, lors d’une soirée, précisément à côté du type qui vous explique le Big Bang alors que vous rêvez de l’éprouver. Tout cela progressera jusqu’à un terme d’agréable convenance dans une tonalité discrètement folâtre et ­délibérément sous-exposée. Au point qu’on se demande en se levant de son fauteuil si c’est la même cinéaste qui a réalisé La Bataille de Solférino et Victoria. Certes, les passerelles aménagées entre les deux films sont là pour le confirmer. Sur le plan du motif : grandeur et solitude de la femme moderne. Sur le plan du style : goût du saugrenu dont témoignent les scènes animalières – chimpanzé amateur de selfie ou dalmatien prénommé Jacques, promus témoins à charge et décharge dans un procès.

Facture brillante

D’un autre côté, quelque chose a muté, qui tient, peut-être, au confort dont a bénéficié la réalisatrice après un premier tournage à l’arrache. Plus de financement, de temps pour se préparer et pour tourner, plus d’acteurs repérables, d’attention portée à l’écriture. Autant d’atouts dont il faut se réjouir. D’une facture brillante, mais moins éminemment personnelle que celle du précédent, Victoria laisse l’impression d’avoir intelligemment assuré le passage au deuxième long-métrage.

Victoria, de Justine Triet. Avec Virginie Efira, Vincent Lacoste, Melvil Poupaud (Fr., 2016, 97 min).