COLCANOPA

Editorial du « Monde ». Durant la campagne présidentielle, le sujet était consensuel. Tous les candidats s’accordaient pour prôner la refonte ou la disparition du Régime social des indépendants (RSI). Mardi 5 septembre, à Dijon, Edouard Philippe a annoncé la fin du RSI dès le 1er janvier 2018, une « période transitoire » de deux ans étant prévue, jusqu’au 31 décembre 2019, pour intégrer les 6,6 millions de petits commerçants, artisans, autoentrepreneurs et professions libérales, actifs et retraités, au régime général de sécurité sociale.

Cette décision entérine la fin d’une expérience qui s’est avérée en tous points malheureuse. Créé par ordonnances, en 2005, sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, et mis en place le 1er juillet 2006, ce ­régime spécial de retraite et d’assurance-maladie était destiné à fusionner et à simplifier les régimes disparates qui existaient depuis des lustres. Mais il a, dès le départ, fait l’objet de sévères critiques. Dans un rapport accablant, la Cour des comptes avait dénoncé, en 2012, la mauvaise mise en œuvre du RSI allant jusqu’à le qualifier de « catastrophe industrielle ».

Urgence

Début juillet, lors de la publication du rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale, les sages de la rue Cambon ont récidivé, relevant « les irrégularités qui continuent d’affecter le calcul, l’appel et la régularisation des ­cotisations des travailleurs indépendants ». Le premier ministre a évoqué, mardi, « les graves dysfonctionnements du RSI et les drames qu’ils ont provoqués : appels de ­cotisations aux montants incompréhensibles, retraites payées avec retard, interventions d’huissier ». « Beaucoup d’entre vous ont vécu un calvaire », a observé M. Philippe. De fait, la réforme de 2006 n’a fait que des mécontents.

Il était temps, et même urgent, de détricoter le RSI et de ramener les indépendants dans le droit commun. Le dispositif annoncé par M. Philippe est bien conçu. L’adossement des indépendants au régime général sera sécurisé. Il se fera en douceur. La continuité des droits sera garantie pour un salarié devenant indépendant et inversement. Pour faciliter la transition, le gouvernement va accorder un coup de pouce de 200 millions d’euros, à travers des baisses de cotisations. Pour neutraliser la future hausse de 1,7 point de la CSG, la cotisation famille des indépendants baissera de 2,15 points, soit un gain de pouvoir d’achat de 270 euros par an pour un smic. Une baisse dégressive de la cotisation maladie, jusqu’à 43 000 euros de chiffre d’affaires annuel, devrait permettre une amélioration du niveau de vie pour 75 % des indépendants. Et, à compter de 2019, ceux qui se lanceront dans l’aventure entrepreneuriale ne paieront pas de cotisations la première année d’activité.

Avec la réforme du code du travail, le gouvernement confirme son « choix de promouvoir l’activité », selon la formule de M. Philippe. Sur le papier, son plan sur la fin du RSI est séduisant. Mais il ne convainc pas totalement les populations concernées. Tout dépendra de sa mise en œuvre, l’expérience de ces dernières années incitant à la prudence. Au sein du régime général, les indépendants bénéficieront, comme le souhaitait Emmanuel Macron, d’une « gouvernance dédiée ». Si des assurances ont été données sur la préservation de leur emploi, des interrogations demeurent sur la place des 5 300 salariés qui gèrent le RSI. Quant à l’extension de l’assurance-chômage à ces populations, elle sera un autre défi.