Le président de la Commission électorale kényane (IEBC) admet l’existence de défaillances dans la conduite de l’élection présidentielle du 8 août, invalidée par la Cour suprême, dans une lettre interne envoyée à son directeur exécutif et divulguée jeudi 7 septembre par la presse.

Wafula Chebukati, le président de l’IEBC, liste ainsi dans cette lettre que s’est procurée l’AFP toute une série d’erreurs commises par son équipe dans l’organisation des élections et demande à son directeur exécutif, Ezra Chiloba, de s’en expliquer.

Saisie par l’opposant Raila Odinga, la Cour suprême du Kenya avait invalidé le 1er septembre la réélection du président sortant Uhuru Kenyatta en raison d’« irrégularités » relevées dans la transmission des résultats. La Cour suprême avait observé que l’IEBC avait « échoué, négligé ou refusé » de conduire les élections conformément à la loi.

Un quart des résultats envoyés par texto

Dans cette lettre « confidentielle » datée de mardi, dont l’authenticité a été confirmée à l’AFP par un responsable de l’IEBC, M. Chebukati s’étonne que certains procès-verbaux de bureaux de vote ne présentaient pas les signes d’authentification prévus par l’IEBC.

Il se demande, alors que l’IEBC avait dépensé 848 millions de shillings (6,7 millions d’euros) pour équiper en téléphones satellitaires les bureaux non couverts par le réseau téléphonique, pourquoi aucun appareil n’a fonctionné.

Il s’interroge aussi sur le fait qu’un compte avec un identifiant et un mot de passe à son nom, créé sans qu’il en ait eu connaissance, ait été utilisé 9 934 fois pour accéder au système informatique de l’IEBC.

M. Chebukati ajoute ne pas comprendre pourquoi les résultats de 10 366 des 40 883 bureaux de vote ont été envoyés par simple texto sans être accompagnés des formulaires censés faire foi. Il note que cela porte sur plus de 4,6 millions de votants (pour 19,6 millions d’inscrits).

Il observe également que 595 bureaux de vote n’ont envoyé aucun résultat. Dans d’autres bureaux, le système d’identification des électeurs n’a pas fonctionné et il demande à M. Chiloba de lui dire combien de personnes ont été autorisées à voter manuellement.

Au sujet du système de transmission électronique des procès-verbaux venus de circonscriptions, il dénonce l’utilisation d’un serveur « poreux », posant un « clair risque sécuritaire ».

Enfin, il dit ne pas comprendre pourquoi certains kits de transmission des résultats étaient configurés pour fonctionner avec Orange ou Airtel quand bien même ces opérateurs ne couvraient pas les zones concernées. M. Chebukati ajoute que les tablettes auraient pu être reliées au réseau Safaricom, un autre opérateur contracté par l’IEBC, et qui couvrait, lui, les zones en question.

Fragile pare-feu

Ni M. Chebukati ni M. Chiloba n’étaient immédiatement disponibles pour commenter le contenu de cette lettre. Une guerre larvée oppose les deux hommes depuis l’invalidation de l’élection.

M. Chebukati a nommé mardi six personnes chargées d’organiser le nouveau scrutin du 17 octobre, écartant de fait certains haut responsables de l’IEBC ayant œuvré sur la première élection, dont M. Chiloba, qui tente de résister à cette décision.

Le 22 septembre, la Cour suprême doit quant à elle rendre publics les détails du jugement qui l’a motivée à invalider l’élection. La divulgation de la lettre du président de la Commission électorale semble arriver comme un fragile un pare-feu à l’incendie qui promet de prendre avec les futures révélations de la Cour suprême dans deux semaines.