« Est-ce que vous avez besoin d’aide pour évacuer ?
— Non, moi et ma famille nous restons à la maison, car nous avons cinq chiens et deux chats, et nous voulons aider les autres animaux et notre communauté.
— Je suis heureux de savoir que vous allez aider les animaux, mais est-ce que vous êtes en sécurité là où vous êtes ?
— Je pense que oui. »

Cette conversation entre un homme et une femme américains s’est déroulée, comme des milliers d’autres, sur l’application Zello jeudi 7 septembre. Alors que l’ouragan Irma a dévasté les îles Saint-Martin et Saint-Barthélemy, la Floride se prépare à son arrivée. Et cela passe entre autres par le téléchargement d’une application jusqu’ici relativement peu connue : Zello.

Lancée en 2011 à Austin, au Texas, cette appli gratuite qui se présente comme une version moderne du talkie-walkie permet à de nombreuses personnes de discuter ensemble en direct par voix, un peu à la manière des CB (citizen bands). Il faut pour cela se connecter à des chaînes thématiques, comme celles qui concernent Irma, et n’importe qui peut, tour à tour, prendre la parole quelques secondes, poser des questions ou y répondre. A condition de disposer d’une connection Internet, par Wi-Fi ou par le réseau mobile.

Un million de téléchargements mercredi

Après l’ouragan Harvey, qui a causé un désastre à Houston, au Texas, Zello a été utilisée par les habitants pour s’organiser et a été présentée comme une application utile en cas de catastrophe. Depuis, les téléchargements explosent : 7 000 par minute à certains moments, assurait l’entreprise mardi. Elle dit avoir conquis un million de nouveaux utilisateurs lors de la seule journée de mercredi, « principalement de Floride et de Porto Rico ». Face à cet afflux de nouveaux arrivants, Zello a d’ailleurs a d’ailleurs été confrontée à plusieurs problèmes techniques, qu’elle a dû traiter dans l’urgence.

L’application Zello permet de parler à un important groupe de personnes. / Zello

Mais ce qui l’inquiète aussi, c’est le malentendu dont elle est l’objet de la part de certains utilisateurs, qui y placent des attentes irréalistes. « Il y a eu des fausses informations diffusées concernant le fonctionnement de Zello », écrit l’entreprise sur Facebook. Contrairement à un talkie-walkie, « Zello NECESSITE une connexion Internet » pour fonctionner. Et par conséquent, elle est inutilisable dans des zones privées de connexion, ce qui est souvent le cas lors de catastrophes naturelles. Elle consomme aussi beaucoup de batterie. « Bien que Zello ait été utile pour l’organisation des secours après Harvey, ce n’est pas un outil de sauvetage en cas d’ouragan, il n’est utile que si des gens l’utilisent, et n’est fiable que si le réseau est disponible », poursuit l’entreprise dans un long message sur le sujet.

L’application est pourtant loin d’être inutile, plaide Zello. La question de la connexion « n’est pas toujours un problème car, comme l’histoire le montre, les réseaux mobiles restent souvent au moins en partie opérationnels, même après une importante catastrophe. » Qui plus est, insiste-t-elle, « Zello est efficace pour les conversations en temps réel, avec un grand nombre de personnes. Contrairement aux messageries texte, elle peut être plus accessible aux personnes âgées ou aux enfants. »

« Rester n’est pas une option »

Pour Irma, les chaînes les plus utilisées sont anglophones – on y trouve surtout des Américains. Or, les populations vivant dans les zones les plus touchées parlent surtout français ou créole – ce qui montre en creux que les victimes de l’ouragan ne peuvent vraisemblablement pas utiliser Zello. Jeudi matin en France – vers 4 heures du matin en Floride –, la principale chaîne sur Irma comptait 430 personnes connectées simultanément et plus de 14 000 abonnés. Les messages s’y enchaînent sans discontinuer, venus entre autres de personnes hors de la zone leur conseillant de partir.

« Rester n’est pas une option, vous n’avez aucune idée de ce qui vous attend », prévient un homme. « Je comprends, je regarde la carte d’évacuation, il y a beaucoup de vent, je ne sais pas ce qui va se passer », lui répond une femme. « Si vous tardez à évacuer, vous serez coincés sur l’autoroute et c’est dans votre voiture que vous serez frappé par l’ouragan », prévient un autre. D’autres utilisateurs partagent des conseils, des informations pratiques, comme les numéros d’urgence, les organismes auxquels s’adresser pour prêter main-forte, ou encore les groupes Facebook créés pour suivre l’évolution de l’ouragan et s’organiser.

Ce n’est pas la première fois que l’application Zello fait partler d’elle. Elle avait notamment été massivement utilisée en Turquie pour contourner la censure lors des grandes manifestations de 2013. L’année suivante, ce sont les Vénézuéliens qui s’en étaient emparés lors du mouvement de protestation contre Nicolas Maduro – au point que le gouvernement avait imposé aux opérateurs de la bloquer.