Le Conseil constitutionnel rappelle aux parlementaires les principes intangibles de la séparation des pouvoirs. Il a décidé, vendredi 8 septembre, de censurer la suppression de la réserve ministérielle, une des mesures symboliques que les députés avaient introduites en juillet lors du débat sur les deux projets de loi, organique et ordinaire, de « moralisation », rebaptisées lois « pour la confiance dans la vie politique ».

Ce devait être le pendant de la suppression de la réserve parlementaire à laquelle rechignaient les sénateurs et les députés de l’opposition. Promesse électorale d’Emmanuel Macron après le ralliement de François Bayrou à sa candidature en février, la disparition du mécanisme permettant aux parlementaires de distribuer des subventions à des associations et à des communes pour certains investissements, était une mesure phare du projet de loi. Symbole du clientélisme pour les uns, outil indispensable de soutien aux projets dans les territoires pour les autres, la réserve parlementaire a représenté 146 millions d’euros en 2016.

Pour faire passer la pilule, Nicole Belloubet, ministre de la justice, s’était ralliée fin juillet à une demande forte de l’opposition de droite comme de gauche mais également du MoDem, de supprimer dans le même temps la réserve ministérielle. Pas de jaloux ! Sur un mécanisme un peu différent, ce dispositif de subventions destinées aux missions des collectivités territoriales représente des montants nettement plus faibles et en diminution constante. Cette « réserve » à la discrétion des ministres est passée de 19 millions d’euros en 2013 à 5 millions en 2017.

« Prérogatives du gouvernement »

« En limitant ainsi les prérogatives du gouvernement », le Parlement « porte atteinte à la séparation des pouvoirs et méconnaît l’article 20 de la Constitution » sur les attributions du gouvernement, écrit le Conseil constitutionnel dans sa décision. En revanche, il valide la suppression de la réserve parlementaire.

Saisi d’office pour la loi organique, et par des députés de l’opposition pour la loi ordinaire votée le 9 août, l’institution présidée par Laurent Fabius valide par ailleurs l’essentiel de ces textes. En particulier l’interdiction des emplois familiaux pour les ministres, les parlementaires et les exécutifs locaux. L’opposition y avait vu un risque d’inconstitutionnalité au nom de la discrimination que cela introduisait entre salariés. En revanche, le pouvoir d’injonction sur ce sujet confié à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique est censuré.

Autre mesure phare validée, le remplacement de l’indemnité représentative de frais de mandats (5 373 euros mensuels pour les députés et 6 110 euros pour les sénateurs) par un système de remboursement sur justificatif, de prise en charge directe de certains frais et d’avance. Les gardiens de la Constitution retoquent par contre, toujours au nom de la séparation des pouvoirs, l’article qui demandait au chef du gouvernement de prendre un décret pour encadrer les frais de représentation et de réception de ses ministres.

L’une des innovations entérinées est la peine d’inéligibilité que les tribunaux devront prononcer pour tous les crimes et les délits d’une particulière gravité ainsi que les infractions à la probité. Mais les membres du Conseil, réduits à huit depuis la vacance du siège de Nicole Belloubet, ont rejeté l’ajout des délits de presse dans cette liste, au nom du principe constitutionnel de la liberté d’expression.

La loi organique et la loi ordinaire, ainsi amendées, devraient désormais être rapidement promulguées.