Le vidéoprojecteur ronronne, les demis de bière commandés sont arrivés sur les tables, l’horaire annoncé est déjà dépassé de dix minutes : il est largement temps de commencer. Ce jeudi 7 septembre, c’est le grand jour pour le M1717 Montpellier Métropole – comprenez : le comité de la préfecture de l’Hérault issu du Mouvement du 1er juillet, créé par Benoît Hamon. Il ne se passe rien de moins, dans l’arrière-salle d’une brasserie du centre-ville réservée pour l’occasion, que le lancement officiel de cette branche locale.

Des comités de ce type éclosent dans toute la France depuis plus de deux mois. Ils sont l’un des piliers voulus par l’ancien candidat socialiste à la présidentielle pour structurer son mouvement, qui tient son séminaire de rentrée à Paris, dimanche 10 septembre.

A Montpellier, environ quarante personnes sont présentes, accueillies par des animateurs à la vingtaine enthousiaste. Sont réunis une poignée de lycéens et pas mal de cheveux blancs – moins de convives naviguent entre les deux âges. Les profils sont variés : on croise un militant d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), un membre du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), deux adhérents de Nouvelle Donne, des anciens socialistes. Des personnes non encartées aussi, mais souvent investies dans des associations. Bref, une assemblée plutôt politisée, que fédère un engouement pour les idées défendues par Benoît Hamon pendant la campagne.

Le nom de l’ancien socialiste est pourtant vite laissé de côté dans les discussions. Ici, il est davantage question des projets locaux qui pourraient émerger de grands thèmes de réflexion (éducation, santé, agriculture, féminisme…). Le groupe « économie » suggère par exemple d’expérimenter un revenu universel à Montpellier à l’aide d’une monnaie locale. « On peut aussi imaginer de créer un marché bio dans un quartier de la ville qui n’a pas accès à ce type de produits », détaille encore Armand, une des chevilles ouvrières du comité, qui préfère ne pas voir cité son nom de famille « pour ne pas donner l’impression de se mettre en avant ». « Le cœur du truc, c’est l’intelligence collective », complète-t-il. Tout est discuté et débattu − même la présence d’une journaliste du Monde à cette assemblée générale a dû être préalablement votée.

« C’est très flou. Quel est notre objectif ? A quoi servons-nous ? »

Des trois heures de réunion ressortent bonnes intentions et plaisir à parler politique. Mais les discussions mettent aussi en lumière des questions de fond. « C’est très flou. Quel est notre objectif ? A quoi servons-nous ?, interroge une participante, résumant les doutes d’une partie des présents. Est-ce que nous sommes là pour mettre en place des actions à Montpellier ou pour refonder un socle idéologique ? » L’auditoire bruisse. « C’est une question qui ne va pas être réglée tout de suite », doit rappeler Félix, un des animateurs. S’il porte l’étiquette « M1717 », le comité est complètement autonome, n’a pas de lien avec le mouvement national, et reçoit encore moins de consignes venues « d’en haut ». « Nous avons informé le national de ce que nous mettions en place, mais nous n’avons pas encore eu de retour », constate Armand.

Le séminaire de travail programmé dimanche à Paris doit préparer « un grand événement » prévu pour le mois de novembre, consacré précisément à la structuration des comités locaux. En attendant, chacun fait comme il peut, et surtout comme il veut. A 1 000 kilomètres de là, le comité du pays de Morlaix (Finistère) a par exemple imaginé des réunions thématiques ouvertes à tous, avec des invités. La première, en octobre, portera sur la réforme du code du travail et recevra Gérard Filoche, classé à gauche du PS.

Difficile de savoir précisément combien de comités ont essaimé en France depuis le 1er juillet et quel est leur degré d’activité. Une carte élaborée en interne en recense une centaine, à l’échelle de villes, d’universités, voire à l’étranger. Le mouvement, lui, en revendique près de 500, soit l’objectif affiché par M. Hamon cet été.

« Il faut attendre que ça se rode, il n’y a pas d’urgence, précise Sébastien Tailliez, qui a lancé avec une connaissance le comité Carembault-Weppes, près de Lille. Le mouvement a voulu se lancer par la base, c’est plutôt sain. L’idée n’est pas qu’il soit quelque chose de majeur dans deux mois. » Cet informaticien et élu local, qui a quitté le PS cet été, dit pour sa part avoir « prospecté pendant l’été » auprès de militants de partis de gauche et espère tenir une première réunion « dans une quinzaine de jours ».

Avec l’été, « le soufflé est un peu retombé, mais c’est normal », renchérit Patrick Ranc, qui est à la fois secrétaire de la section PS de Valence et responsable du M1717 de la Drôme. Son comité possède, dit-il, un fichier d’environ deux cents contacts recueillis pendant la campagne présidentielle. L’engouement « va revenir », pronostique-t-il, d’autant que « le gouvernement nous aide avec ses premières mesures » qui vont, selon lui, mobiliser les sympathisants de gauche. Et venir grossir les rangs d’un mouvement qui cherche comment grandir.