LES CHOIX DE LA MATINALE

Au menu cette semaine : deux documentaires de société et une série.

« Et la jeunesse, bordel ! », plaidoyer pour une génération sacrifiée

Ils s’appellent Léa, Martin, Ana, Benjamin, Gladys, Hamza. Ils ont entre 20 et 26 ans, et malgré leur bac + 5 ou leur bac pro, leur avenir est tout tracé : chômage, petits boulots et précarité. Une génération Y ni laxiste ni paresseuse, mais déboussolée et sans perspectives. Une jeunesse sacrifiée sur l’autel de la mauvaise santé de l’éco­nomie par les générations précédentes, celle des « trente glorieuses » notamment, qui, après en avoir bien profité, ne s’est pas souciée de celle qui allait lui succéder.

Pendant un an, le réalisateur Jean-Charles Doria a filmé au plus près les galères de ces jeunes gens dans plusieurs villes de France. A travers leurs histoires, il nous livre un documentaire en deux volets (Qu’allons-nous faire de nos enfants ? et L’Espoir chevillé au corps) qui pointe notamment les paradoxes d’une France où l’Etat subventionne à coups de millions d’euros des plans emplois pour la plupart inefficaces alors que la jeunesse, souvent diplômée, n’arrive pas à s’insérer sur le marché du travail.

Tout au long de ce documentaire, on s’attache aux différentes personnalités de ces jeunes, filmés avec recul et délicatesse, dont on souhaite vivement qu’ils s’en sortent. C’est le cas pour certains d’entre eux, que le réalisateur a retrouvés quelques mois plus tard. Daniel Psenny

Et la jeunesse, bordel !, de Jean-Charles Doria (Fr., 2017, 2 × 60 min). Le second volet sera programmé sur France 3 jeudi 14 septembre à 23 h 10. Le premier est disponible sur Pluzz.

« Les Petits meurtres d’Agatha Christie » à la sauce burlesque

Décidément, la saison 2 des Petits Meurtres d’Agatha Christie n’a rien perdu des qualités qui, depuis 2013, assurent le succès de ce rendez-vous. Installée dans les années 1950, dont l’esthétique et l’esprit sont respectés, année après année, avec la même minutie et la même constance, cette série parvient toujours à capter notre intérêt. Et ce, précisément, parce que ce cadre très défini accorde aux scénaristes la possibilité de pousser le bouchon toujours plus loin. Ainsi peut-on « supporter », dans le premier épisode de cette nouvelle salve, l’improbable vision d’un commissaire Laurence (excellent Samuel Labarde) travesti en femme, aussi crédible qu’un pitbull déguisé en lévrier afghan. Et dans le deuxième, celle du même commissaire aux prises avec une dépression qu’il joue à grand renfort de postures tragicomiques.

Dans un autre contexte, la crédibilité du récit ne résisterait pas à de tels débordements gaguesques. Mais tenus, comme ici, par une structure solide et des personnages qui ont eu le temps de s’imposer, ils parviennent à injecter du burlesque dans le polar sans édulcorer les intrigues, pièces maîtresses de chaque aventure. Voilà pourquoi le bonheur demeure intact pour le téléspectateur qui se réjouit aussi de la place grandissante accordée aux deux personnages féminins récurrents des Petits Meurtres : Alice Avril, la journaliste fouineuse (Blandine Bellavoir), et Marlène, la candide assistante de Laurence (Elodie Frenck), excellentes, chacune dans son registre. Véronique Cauhapé

Les Petits Meurtres d’Agatha Christie, série créée par Anne Giafferi et Murielle Magellan. Avec Samuel Labarthe, Blandine Bellavoir, Elodie Frenck, Anne Consigny (Fr., 2017, 100 min). Sur Pluzz.

« Justice, le douloureux silence » : les familles face aux crimes non élucidés

Ils ont perdu un enfant, un parent ou un conjoint, qui a été assassiné il y a dix, quinze, parfois vingt ans. Le meurtrier n’a pas été retrouvé. Débordée, manquant de moyens, la machine judiciaire laisse filer le temps. Comment lutter contre cela ? Comment les proches des victimes ­vivent-ils cette attente interminable, ce silence des juges, ces enquêtes inachevées ? En France, aucune statistique précise n’existe sur les crimes non élucidés. Mais on estime que chaque année, sur un millier d’homicides commis, environ 15 % ne sont pas résolus dans un délai décent.

Ce documentaire poignant donne la parole à celles et ceux qui ont perdu un proche depuis plusieurs années. Il y a des silences, des sanglots, des regards de détresse, mais aussi des paroles d’espoir pour raconter leurs combats, pour connaître enfin la vérité, l’identité de l’assassin. Des combats souvent menés avec l’aide précieuse d’associations et d’avocats motivés. Les enquêtes qui piétinent, les silences des juges d’instruction, l’enlisement des dossiers, voilà ce contre quoi se battent les proches des victimes interrogés par Florence Kieffer. Cinq récits terribles, qui se terminent parfois par une victoire. Alain Constant

Justice, le douloureux silence, de Florence Kieffer (Fr, 2017, 70 min). Sur Pluzz.