Des élèves de l’école Marcel Cachan de Valenton s’initient au baby-ski. / AH

Les gilets de sauvetage et les maillots de bain sont enfilés. Pourtant, la température n’est pas très estivale pour cette trentaine d’écoliers originaire de Valenton. Âgés de dix ans, ils n’avaient jamais entendu parler de ski nautique avant, jeudi 7 septembre, de se lancer sur l’eau. Depuis un mois et demi et jusqu’au dimanche 10 septembre, 2 000 enfants auront ainsi découvert un sport que l’on associe plus volontiers à la Floride ou à la Côte d’Azur qu’à la banlieue parisienne.

Sur le plan d’eau du Parc départemental des sports de Paris Val-de-Marne, sur la commune de Choisy-le-Roi, pendant qu’à 800 mètres, les plus grands champions venus des États-Unis, d’Australie ou de la France entière slaloment, sautent et rivalisent de prouesses techniques lors de la 35e édition des Mondiaux de ski nautique, les élèves s’initient à la glisse sur l’eau. Avant cela, ils ont assisté en spectateurs aux exploits des skieurs. De quoi impressionner Chris-Emmanuel, dix ans : « J’ai halluciné. Quand j’ai vu les vagues, puis la Française tombée [Ambre Franc qui s’est qualifiée pour la finale du slalom], j’ai dit olalala. »

D’autant que la plupart de ces écoliers, scolarisés en REP (Réseau d’éducation prioritaire) ne savent même pas nager, comme l’explique le directeur de l’école Marcel Cachan, Patrick Advedissian : « Il y a très peu de natation dans notre ville. J’étais sceptique car le ski nautique me semblait aussi très technique. Grâce au baby-ski, les élèves ont 100 % de réussite. Au bout de deux minutes, ils lâchent une main et nous font coucou. » Chris-Emmanuel, très enthousiaste, décrit le dispositif : « Quand tu t’habitues, tu peux commencer à aller plus vite. Tu te tiens à une barre, le bateau te fait tourner. C’est comme si tu marchais sur l’eau ! » Pour Eliane, sa camarade, ça s’est aussi bien passé malgré « un peu de peur au début. »

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L’opération est menée en coopération entre la Fédération française de ski nautique et de wakeboard (FFSNW) et la Ligue de l’enseignement de l’USEP (Union sportive de l’enseignement du premier degré) et de l’UFOLEP (Union française des œuvres laïques d’éducation physique). Pour Eric Piedfer-Queney, directeur départemental du secteur sportif de l’USEP et de l’UFOLEP, la découverte d’une activité sportive « a priori inaccessible » est très épanouissante : « C’est notre cœur de cible d’utiliser le sport comme un moyen de citoyenneté et de découverte. On essaie parfois d’associer ces actions à des événements majeurs. Nous avions amené des enfants au Grand Palais lors des Mondiaux d’escrime. On a été informé de cette compétition de ski nautique et on a trouvé des gens très ouverts en face de nous. »

« Les petits princes et petites princesses sur l’eau »

La Directrice technique nationale adjointe, Marie-Christine Okel, explique la démarche : « En parallèle des Mondiaux, nous avions la volonté de permettre à tous de pratiquer une discipline un peu confinée il est vrai à un certain milieu social. L’idée est de démocratiser le ski nautique. On est ravi de mettre des petits princes et des petites princesses sur l’eau [en référence à l’ancien surnom du président de la FFSNW, Patrice Martin, champion dès l’âge de 14 ans] »

Avec environ 20 000 licenciés, le ski nautique reste en effet une discipline confidentielle, souvent cantonnée aux zones qui ont la chance de bénéficier de plan d’eau ou de la mer à proximité. En équipe de France, les profils des skieurs sont tous assez similaires. La transmission est familiale. Ainsi, qualifiée pour la finale du slalom, Manon Costard, qui a grandi à Aix-en-Provence, a débuté à l’âge de trois ans. « On habitait à 1 h 30 du lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes). On s’y rendait les week-ends en famille et l’on pratiquait le ski nautique en loisir », se souvient la double championne du monde junior et multiple championne d’Europe.

Les meilleurs du monde, qui sont souvent Canadiens, Américains, Australiens et Français, s’entraînent l’hiver au chaud, le plus souvent en Floride. Ils forment une élite qui vit en vase clos. « C’est le propre de notre discipline. Tout le monde se connaît et on a besoin de bonnes conditions pour être dans l’eau, défend l’entraîneur principal de l’équipe de France, Christophe Duverger.

Rares sont les profils qui diffèrent. Originaire de Viry-Châtillon, Duverger, ancien champion d’Europe, qui a été quinze ans au plus haut niveau, en fait partie. « J’étais fils d’ouvrier. J’ai découvert le ski nautique lors d’une journée porte ouverte d’un club à côté de chez moi. Au collège, j’étais le seul à pratiquer un tel sport. Je me suis rapidement formé à être pilote de bateau et j’ai travaillé au club. C’est comme ça que j’ai financé ma carrière. »

Patrice Martin. Múltiple campeón mundial de esquí náutico
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Il faut dire qu’une saison au sein de l’élite coûte entre 30 000 à 40 000 euros que les champions financent grâce à leurs sponsors, leurs clubs et les aides fédérales. « C’est compliqué quand on n’a pas les moyens de faire du ski nautique derrière un bateau. On est obligé d’avoir des résultats immédiatement si on veut être aidé. En ski nautique, on ne peut pas aider les gens sur dix ans avant de réussir », confie Christophe Duverger.

Un projet d’envergure à Choisy-le-Roi

Conscient de cet écueil, la FFSNW tente d’ouvrir ses activités au plus grand nombre. Le choix de Choisy-le-Roi répond totalement à cette ambition : rapprocher le ski nautique des grandes zones urbaines. Un projet d’envergure doit d’ailleurs voir le jour sur la base du Parc départemental des sports. « On veut implanter le siège social de notre fédération et ouvrir un centre de formation pour les éducateurs afin de les aider à passer leur brevet professionnel. On manque d’encadrants en ce qui concerne le wakeboard qui est une discipline en vogue. Nous pourrions aussi accueillir à Choisy d’autres grandes compétitions », détaille Patrice Martin, douze fois champion du monde et président de la Fédération française depuis 2009.

Alors qu’un téléski nautique [qui permet la traction par un système de câbles à la place du bateau à moteur] de deux pylônes existe sur la zone nord du plan d’eau, il est question de construire un dispositif complet comptant 5 pylônes. L’ex petit prince, tête blonde préférée des Français dans les années 1970, est ambitieux : « Ce site correspond au développement que l’on veut insuffler à notre politique fédérale. Plus nous avons de licenciés, plus le haut niveau devient performant. L’objectif est de permettre à certains de ces nouveaux pratiquants de glisse nautique urbaine d’atteindre un niveau de compétition. » 

Par deux fois recalé au dernier moment, la perspective d’intégrer le programme olympique lors des probables Jeux olympiques de Paris en 2024 pourrait favoriser les dessins fédéraux. Sans imaginer un développement de masse, bien illusoire, la relève du ski nautique français grandit peut-être en banlieue parisienne.