Série documentaire sur France 5 à 14 h 40

Le sac à dos est banal. Il pourrait être celui de n’importe quelle petite fille de votre quartier, mais celui que porte Nasta, 9 ans, est une victoire quotidienne ­contre le sort, les éléments et la société où elle vit, qui n’est pas forcément désireuse de lui faire toute sa place. Il n’y a qu’à l’école qu’elle est considérée comme tous les enfants de son âge, et cette école est française.

Nasta est une élève sans papiers, d’une famille comorienne résidant illégalement à Mayotte, ­territoire français d’outre-mer, parce que ses parents ont pris des risques et voulu pour elle un avenir meilleur. Elle habite un bidonville, ironiquement nommé ­ ­« Kosovo » (d’autres quartiers ­comoriens répondent aux sobriquets de « Soweto » ou « Gaza »), et se rend à l’école en traversant d’un pas prudent un inquiétant dédale. Elève de CM1, elle veut, plus tard, être « maîtresse ». Nasta est un des trois personnages d’un des trois nouveaux épisodes qui composent la saison 2 de la série Les Chemins de l’école. Et le téléspectateur qui ne craque pas en suivant ses pas n’a pas de cœur.

Cheminement escarpé

Trois épisodes, avec chacun trois personnages : voici neuf histoires d’enfance et d’école, qui ont le même pouvoir de fascination. Le parcours de Nasta la Comorienne est entrecroisé dans l’épisode avec celui de Nabally, 13 ans, enfant pygmée du sud du Cameroun, qui, de son campement à sa lointaine classe de CM2, progresse dans la moiteur de la forêt équatoriale. Et avec celui d’Alfredo, 11 ans, aveugle de naissance et qui, guidé par son petit frère Angel, traverse chaque jour du nord au sud l’immense et dangereuse mégapole de Mexico pour rejoindre son école spéciale pour malvoyants.

Il faudrait aussi parler du ­Kényan Jackson et de sa marche dans la savane, de Zahira, jeune fille de l’Atlas marocain, de Luminita, la petite Roumaine des ­Carpates, de William, le Péruvien des hauts plateaux, et d’autres ­encore… A travers l’extrême diversité géographique et culturelle de ces vies enfantines, on réalise que le « chemin » n’est pas seulement le parcours physique, les dangers bravés et les kilomètres parcourus par ces enfants. C’est aussi le cheminement, tout aussi escarpé, qu’ils doivent suivre pour, avec le soutien de leurs familles, forcer leur destin et arracher leur droit à l’éducation face à des traditions parfois contraires, des autorités indifférentes ou démunies, et des sociétés où la scolarisation de tous n’est pas encore acquise.

Corde sensible

C’est pourquoi derrière ses airs ­attendrissants et unanimistes (qui est contre le fait que les ­enfants aillent à l’école ?), son côté apolitique qui ne s’intéresse ni à la forme de l’école – publique, privée, associative, communautaire, religieuse, laïque… – ni à ses ­options pédagogiques, cette série est aussi une très efficace défense militante du droit à l’éducation consacré par les textes internationaux. Des textes dont chacun sait qu’ils ne sont pas toujours ou pas entièrement appliqués, y compris dans nos pays développés où les enfants de migrants – par exemple les enfants roms en France – sont souvent plus considérés comme des migrants que comme des enfants.

Ces nouveaux Chemins de l’école que propose France 5 sont le dernier avatar d’un grand succès ­cinématographique, puis télé­visuel, qui – sans doute parce qu’il réenchante une mythologie ­scolaire quelque peu tombée en ­désuétude dans notre contexte de confort et de banalité – touche un vaste public sur une corde toujours sensible. Un succès tel qu’il devient difficile de s’y retrouver.

Luminita et ses amis sur le chemin de l’école en Roumanie dans les Carpates. / © E. GUIONET/WINDS/MACHA PROD

Il faut en effet distinguer désormais Sur le chemin de l’école, le long-métrage documentaire originel, réalisé par Pascal Plisson (en 2013), et la série Les Chemins de l’école, dont commence la ­diffusion de sa saison 2. Le premier, dont l’accueil a été aussi foudroyant qu’inattendu – sorti en salle un 25 septembre, il totalisait déjà la veille de Noël un ­million d’entrées et atteint aujourd’hui les deux millions – a été distribué dans plus de 26 pays. A la télévision, en cumulant les ­résultats 2017 et les prévisions 2018, le film aura été diffusé dans plus de 100 pays. Il poursuit donc une carrière internationale déjà riche de distinctions, parmi lesquelles le César du meilleur documentaire en 2014.

La série, elle, dont chaque épisode est confié à un réalisateur différent « sur une idée de Pascal Plisson », est à la fois diffusée à la télévision et commercialisée en DVD. La sortie du coffret des trois nouveaux épisodes de cette saison 2 est prévue le 27 septembre. Les histoires qui y sont racontées sont aussi déclinées en romans jeunesse, en beaux livres et en bandes dessinées. L’ensemble est prolongé par l’activité de l’association Sur le chemin de l’école, créée en 2014, qui contribue à l’accès à l’éducation en prenant en charge les frais scolaires des enfants ­concernés et en soutenant des structures locales. L’association réalise aussi des ­actions de sensibilisation dans les collèges et ­lycées français. Histoire de rappeler, opportunément et sans radotage aucun, que nos évidences ici sont encore, ailleurs, des combats.

Les Chemins de l’école, série créée par Pascal Plisson (Fr., 2015, 3×52 min).