Manifestation du 7 septembre 2017 à Lomé à l’appel de l’opposition pour des réformes constitutionnelles. / PIUS UTOMI EKPEI / AFP

Les leaders de l’opposition togolaise ont déclaré, dimanche 10 septembre, ne « rien attendre » de la réforme constitutionnelle annoncée par le gouvernement avant les manifestations anti-pouvoir massives de ces derniers jours. Eric Dupuy, porte-parole de la coalition de cinq partis d’opposition Cap 2015 – une des organisatrices des manifestations de mercredi et jeudi qui réclamaient une alternance politique – a qualifié cette réforme de « dilatoire ». « Nous n’attendons rien de cela », a-t-il répété.

Le président du Togo, Faure Gnassingbé, a pris le pouvoir il y a douze ans à la mort de son père, Gnassingbé Eyadéma. Le général Eyadéma avait lui-même dirigé le petit pays ouest-africain pendant près de quarante ans après un coup d’Etat militaire. L’opposition togolaise réclame depuis dix ans que la Constitution – modifiée en 2002 – soit révisée, notamment afin d’y réintroduire une limitation des mandats (dix ans au plus).

Une opposition dubitative

Dans un communiqué publié à la suite du Conseil des ministres du 5 septembre, le gouvernement avait joué l’apaisement en annonçant des réformes constitutionnelles concernant la « limitation des mandats et le mode de scrutin ». Toutefois, la limitation à deux mandats présidentiels ne se fera pas de manière rétroactive, selon le projet de loi. Le président Gnassingbé a officiellement remporté les élections présidentielles de 2005, 2010 et 2015, mais l’opposition n’a pas accepté ces résultats.

Les Nations unies ont appelé l’opposition togolaise à travailler avec le gouvernement. Elle semble toutefois dubitative face aux promesses du pouvoir. « Nous n’avons pas encore connaissance du texte du projet de loi. A ce stade, il nous est difficile d’en parler », a affirmé M. Dupuy. Mercredi et jeudi, les Togolais ont manifesté massivement à Lomé et dans une moindre mesure en province à l’appel d’une coalition de quatorze partis, pour réclamer des réformes et le départ du président Faure Gnassingbé.

« Une mobilisation populaire sans précédent »

« C’est une mobilisation populaire sans précédent depuis des années, qui touche pour la première fois presque toutes les villes secondaires du pays. Ça, c’est vraiment nouveau », a déclaré à l’AFP Gilles Yabi, analyste politique spécialiste de l’Afrique de l’Ouest. « Il est difficile de savoir si la mobilisation actuelle va aboutir à un changement politique », relativise cependant M. Yabi. « Le gouvernement a toujours su créer des commissions et des instances de dialogue, mais rien n’a jamais abouti », déplore-t-il.

Marche de protestation à l’appel de l’opposition à Lomé le 6 septembre 2017 qui a réuni, selon Amnesty International, au moins 100 000 personnes dans la capitale et plusieurs milliers dans les villes secondaires du Togo. / PIUS UTOMI EKPEI/AFP

Pour l’analyste, le président togolais « n’est pas prêt à renoncer au pouvoir ». « Le régime actuel s’inscrit dans la continuité de celui du père, qui fut l’un des plus brutaux que le continent africain a connus », a-t-il estimé. Au moins quatre-vingts personnes avaient été interpellées à Lomé suite à ces manifestations. Dimanche, Eric Dupuy a expliqué que des groupes de défense des droits humains lui avaient assuré que tous les détenus avaient été relâchés dans la nuit de samedi à dimanche, ce qui n’a pas encore été confirmé par les autorités.

Le Parlement togolais doit se réunir mardi pour une session extraordinaire. Le ministre togolais de la fonction publique, Gilbert Bawara, a toutefois indiqué vendredi qu’il n’était pas certain que les parlementaires, qui devaient normalement rentrer en octobre, auraient le temps de débattre de la réforme en un jour.