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Démissions, licenciements, conflits et accusations en tous genres : depuis plusieurs mois, la crise était ouverte au sein de l’association Wikimédia France, qui promeut le développement de l’encyclopédie libre et ouverte Wikipédia. A tel point qu’une assemblée générale extraordinaire était convoquée ce samedi 9 septembre, à la demande des membres ordinaires, pour évoquer la gouvernance de l’association.

Juste avant cette réunion, la situation avait évolué : au début de septembre, la directrice exécutive, Nathalie Martin, dont la gestion était très critiquée, a annoncé son départ de la direction de l’association. Emeric Vallespi, le président de l’association, dont l’élection comme suppléant de la députée LRM Florence Granjus (Yvelines) avait également suscité de vives critiques, avait d’ores et déjà démissionné de ses fonctions. Mme Granjus a annoncé ce 9 septembre une nouvelle arrivée dans son équipe, en la personne de… Nathalie Martin.

De quoi conforter les critiques qui dénonçaient une forme de mélange des genres entre la direction de l’association et le monde politique. Mais l’ambiance, sur les espaces de discussion de Wikimédia, semble ce 11 septembre plutôt à l’apaisement et au lancement d’une phase de reconstruction. « L’été a été difficile, avec des conflits de personnes, mais nous avons pu avoir une vraie discussion », note Samuel Le Goff, président de l’association, qui animait l’assemblée générale :

« Le dialogue ne se fait pas de la même manière en présentiel ou par e-mails interposés. Notre communauté est capable de se déchirer, mais sait aussi, quand il le faut, mettre les freins – nous avons pu amorcer dans le calme un processus de sortie de crise. »

De fait, le conseil d’administration de l’association, affaibli par plusieurs départs l’année écoulée, a été profondément renouvelé, avec six nouveaux membres élus. Une assemblée générale ordinaire prévue le 22 octobre devra élire un nouveau bureau.

Réouverture des listes de discussion

L’assemblée générale a également adopté, à une écrasante majorité, une série de mesures très symboliques, revenant en arrière sur des mesures prises par la précédente direction. L’association a notamment décidé la réouverture, sans modération a priori, d’une importante liste de discussion qui avait été fermée au plus fort du conflit entre des bénévoles et l’ancienne direction. Un audit financier et une instance de gestion des conflits d’intérêts seront également mis en place. Signe d’apaisement : si l’assemblée générale a refusé de voter la confiance à la direction sortante, elle a également voté contre une motion de révocation de cette dernière.

« Nous rentrons dans une phase post-crise, d’écoute et de dialogue », explique Pierre-Yves Beaudouin, nouvellement élu au conseil d’administration de l’association, dans laquelle il est impliqué depuis une dizaine d’années :

« Notre but premier va être de rétablir la confiance avec la communauté, et d’en profiter pour accroître la transparence de l’association. »

Une demande récurrente des critiques de l’ancienne direction. M. Beaudouin voit dans la forte présence à l’assemblée générale (40 % de participations de plus que d’ordinaire) le signe que le gros de la crise est désormais derrière Wikimédia France – « les statuts sont une chose, mais ce qui fait vivre une association, ce sont les gens », dit-il.

Un audit financier et de gouvernance, condition nécessaire à l’obtention de sa subvention

Wikimédia France doit encore faire face à plusieurs obstacles. Sa situation financière, notamment, reste délicate. La fondation Wikimedia américaine, qui octroie d’importantes subventions aux associations nationales de promotion de Wikipedia, n’a accordé que la moitié de la somme demandée par Wikimédia France pour 2018, notant dans un rapport très critique des problèmes importants de gouvernance et des résultats insuffisants. La nouvelle équipe aura, parmi ses premières tâches, à effectuer un double audit, financier et de gouvernance, condition nécessaire à l’obtention de sa subvention.

« Nous avons vécu une crise typique du mouvement, comme on a pu en voir dans d’autres associations Wikimedia en Allemagne ou aux Etats-Unis », estime Samuel Le Goff. « Cela vient de la structure même du mouvement, très horizontale ; qu’il faut arriver à articuler avec quelques structures verticales, notamment quand on a des salariés. »