Lors de la journée de manifestations du 12 septembre contre les modifications du code du travail, à Paris. | Jean-Claude Coutausse / French-Politics pour" Le Monde"

Mardi 12 septembre marque le premier rassemblement syndical en opposition à la réforme du droit du travail. Une mobilisation à l’appel de la CGT, Force ouvrière (FO), Solidaires et la FSU. Les syndicats dits « réformistes », CFDT, CFTC ou encore CFE-CGC, n’appellent pas à manifester. On est donc loin du front syndical uni.

Un front syndical, ou intersyndicale interprofessionnelle, c’est lorsque l’ensemble des syndicats majoritaires s’unissent pour défendre une cause commune. La loi reconnaît cinq confédérations syndicales comme « représentatives de droit », selon un arrêté du 30 mai 2013. Il s’agit de la CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et FO.

On peut véritablement parler de front syndical uni lorsque l’ensemble de ces derniers signent un appel en commun à manifester. Une situation qui n’est pas si courante. Le dernier vrai front syndical remonte au 6 novembre 2010, lors des manifestations contre le projet de réformes des retraites. Les syndicats ont alors défilé ensemble à sept reprises entre le 23 septembre et le 6 novembre 2010 pour demander le retrait du projet de loi, porté par le gouvernement Fillon II.

Des intersyndicales rares…

Les syndicats n’ont pas réitéré cette mobilisation unitaire depuis cette année-là, malgré les manifestations contre la loi travail de Myriam El Khomri, entre mars et juin 2016.

La France a connu cinq grandes mobilisations contre des réformes gouvernementales entre 1995 et 2016 : les manifestations contre le plan Juppé pour les retraites et la Sécurité sociale de 1995, la loi Fillon sur les retraites de 2003, le CPE en 2006, la loi Woerth sur les retraites de 2010 et la loi travail de 2016.

Sur les 51 manifestations liées à ces mouvements, 13 ont réuni un front syndical.

Entre 1995 et 2016, un front syndical s’est uni à 13 reprises, sur 51 manifestations. | Le Monde

… mais qui mobilisent plus

Les manifestations dites intersyndicales mobilisent en moyenne beaucoup plus que lorsqu’un ou plusieurs grands syndicats manquent à l’appel. Selon les chiffres des organisateurs, cette moyenne passe de plus de 884 000 à 2 200 000 manifestants. Un bénéfice non négligeable et un signe forcément plus fort qui est envoyé au gouvernement qui propose la réforme.

Si l’on en croit les chiffres des syndicats, huit des dix manifestations ayant le plus mobilisé présentaient des syndicats unis. L’exception notable est la manifestation du 12 décembre 1995 contre le plan Juppé, ayant réuni entre 985 000 et 2 200 000 manifestants. C’était alors le plus grand rassemblement depuis mai 1968, même si la CFDT, CFTC et CFE-CGC n’avaient pas appelé à manifester.

1995 est une année charnière vers l’union syndicale. Le 28 novembre 1995, les dirigeants de la CGT et de FO se serrent la main symboliquement. C’est la première fois depuis 1947 que les deux syndicats défilent côte à côte.

Une désunion qui peut coûter cher

Certains syndicats peuvent payer cher le fait de faire bande à part. Nicole Notat, secrétaire générale de la CFDT en 1995, en a fait l’expérience après avoir apporté son soutien au plan Juppé, alors que la CGT et FO étaient dans la rue. Certains militants CFDT ne l’ont pas suivie et elle a été contestée à la tête du syndicat.

Nicole Notat chahutée
Durée : 01:39

Une expérience que la CFDT a réitérée en 2003. Le syndicat a perdu de nombreux adhérents à la suite de son soutien aux réformes Fillon.

En 2010, c’est FO qui s’est isolé. Lors de la première manifestation du 23 mars 2010, FO a décidé de manifester dans un cortège à part, laissant la CGT et la CFDT seuls. Le syndicat réitère quelques mois plus tard en organisant sa propre manifestation, malgré un appel intersyndical prévu quelques jours plus tard. Entre 23 000 et 70 000 manifestants sont présents. Un échec qui poussera FO à intégrer l’intersyndical quelques mois plus tard, en septembre 2010.