« Comment financer ses études supérieures ou sa vie d’étudiant après avoir eu un cancer ou d’autres affections de longue durée ? » La question nous a été posée sur la page Facebook du Monde Campus, par un jeune homme de 19 ans, Thomas (le prénom a été modifié), qui se disait sobrement « concerné par le sujet ». Après quelques échanges, nous lui avons proposé de témoigner de sa situation, partagée par d’autres anciens malades. Voici son texte.

« C’était il y a un an : quelques jours avant d’entrer en IUT, j’ai appris que j’étais atteint d’un cancer (le lymphome de Hodgkin, Stade III-A pour les plus curieux). C’est un cancer qui se soigne relativement bien, et l’affronter physiquement n’a pas été l’étape la plus compliquée pour moi. Sur le plan médical, j’ai bénéficié d’un excellent suivi. Malgré des moments de grande fatigue, une semaine après la chimiothérapie, puis même au cours de la radiothérapie, j’étais de retour sur les terrains de basket. Mais une question s’est rapidement posée : qu’est-ce qu’un étudiant de 18 ans (enfin, je n’ai même pas eu le temps de faire ma première journée que j’étais déjà à l’hôpital…) peut devenir après cela ? Selon mon expérience, dans une telle situation, l’aide se fait peu présente.

Je ne parle pas d’aide morale. Du soutien, j’en ai eu et j’en ai encore, c’est sans doute grâce à cela que, depuis quelques semaines, je suis en rémission – ce qui veut dire qu’il n’y a plus de trace de cancer à l’heure actuelle. Ce qui me manque, c’est une aide administrative, alors que malheureusement, aux yeux de la société, je suis maintenant légèrement “différent”.

« Patienter cinq ans après l’annonce de ma rémission »

Première mauvaise nouvelle : avoir eu un cancer rend extrêmement difficile l’accès à une assurance-emprunt, indispensable pour souscrire à un emprunt auprès d’une banque. C’est assez génial ça, au moment où j’aurais envie de m’installer dans un appart, et de tenter les concours des écoles de commerce après mon DUT de gestion des entreprises et des administrations. Certes, en fouillant sur Internet et grâce à un conseil du Monde Campus, j’ai appris l’existence de la convention Aeras. Elle est censée me “faciliter l’accès” à une assurance-emprunt malgré mon passé de “cancéreux”. Outre cette convention, il y a apparemment eu beaucoup de progrès dans le domaine financier vis-à-vis des malades.

Me concernant, après rendez-vous avec ma conseillère bancaire, je sais qu’il va me falloir patienter cinq ans après l’annonce de ma rémission, sans faire de rechute, avant de pouvoir emprunter pour un projet immobilier. C’est en tout cas comme cela que ça se passe dans ma banque (et ils ont déjà eu un cas dans mon agence). J’ai la possibilité de contracter un emprunt à la consommation, avec de petites sommes, mais pas un emprunt étudiant qui permette de financer l’inscription en école de commerce. En bref, papa-maman vont devoir me supporter chez eux jusqu’à mes 24 ans, et je ne pourrai pas faire les études que j’envisageais.

Autre déception, du côté de l’assistante sociale de l’hôpital où j’étais soigné. Mes parents et moi avons dû faire tous seuls les papiers pour la prise en charges des soins et autres démarches, comme si nous avions la tête à ça. Et c’est par une connaissance de ma mère – l’assistante sociale n’était pas au courant – que nous avons appris la possibilité de monter un dossier auprès de notre maison départementale des personnes handicapées (MDPH) afin de bénéficier, au minimum, de la reconnaissance qualité travailleur handicapé. Son fils, qui a eu un cancer à 14 ans et qui est aujourd’hui en apprentissage, a bénéficié de cette reconnaissance et touche même une belle bourse dans le cadre de ses études.

« Je ne demande pas la lune, juste une reconnaissance »

Dans mon cas, la réponse est tombée après six mois d’attente, par un petit courrier arrivé en même temps que l’annonce de ma rémission : je n’ai le droit à rien du tout. Mais rien. “A revoir à la demande de l’intéressé, après stabilisation de son état de santé”, dit la lettre. Moi, je comprends plutôt cette phrase comme : “T’es tombé malade, tu te démerdes tout seul.”

Je ne demande pas non plus la lune, pas d’allocations ni d’aménagement, juste une reconnaissance. Ce n’est pas un choix que de déguster de la chimio. Je vais vivre les prochaines années avec une épée de Damoclès au-dessus de moi, le risque de retomber malade, et que cela interrompe à nouveau mes études, que cela perturbe mes débuts dans la vie active. Avoir ce statut faciliterait l’accès à des aides pour se former et à l’emploi. J’ai donc bien l’intention de faire un recours gracieux. Ce qui m’attriste le plus dans tout ça, c’est d’avoir l’impression de faire l’aumône. Je sais bien qu’il y a des associations qui pourraient m’accompagner, j’ai par exemple consulté le site de la Ligue contre le cancer, mais je n’ai pas envie d’aller m’y plaindre. Il me semble que c’est aux pouvoirs publics de prévoir des aides.

Autre sentiment d’injustice : j’ai eu 18 ans trois mois avant que mon cancer soit diagnostiqué. Et ces trois mois vont me coûter très très cher : si le verdict de ma maladie était tombé quand j’étais encore mineur, je n’aurais aucune obligation d’en faire état auprès des banques lors d’une demande d’emprunt. Idem, lorsqu’on est mineur, tout va plus vite, tout est plus efficace dans les démarches, car une assistante sociale s’occupe de tout.

Après toutes ces aventures, il ne me reste plus qu’à recommencer mon DUT. Enfin, à le commencer, en fait : la directrice de mon département a été très compréhensive, en “blanchissant” l’année dernière. Je n’avais rien pu valider : étant trop un légume pour me rendre en cours, j’ai travaillé quelques matières à distance, mais après le premier semestre, je n’ai plus eu de nouvelles des profs auxquels j’envoyais mes exercices.

Voilà. Futurs étudiants, n’ayez pas un cancer. Outre les effets de la maladie et du traitement, vous risquez de vous sentir bien seul dans le combat administratif, et pour construire et financer votre avenir. J’espère que certains centres hospitaliers ont davantage mis l’accent sur l’accompagnement mais j’ai l’impression qu’il reste un vide juridique et social sur ces questions. C’est d’autant plus terrible quand on sait que le nombre de malades augmente ces dernières années. »