L’avis du « Monde » – pourquoi pas

Barry Seal pourrait être le grand frère de Joel Goodson, le lycéen proxénète de Risky Business. D’abord parce que le pilote quadragénaire et l’adolescent partagent l’enveloppe charnelle et immarcescible de Tom Cruise. Ensuite parce que les aventures de Barry Seal, trafiquant de stupéfiants, agent de la CIA, ont connu leur paroxysme sous la présidence de Ronald Reagan (1980-1988) et procèdent du même hédonisme aveugle que les frasques de Joel Goodson, dans le film de Paul Brickman, grand succès de 1983.

Doug Liman, réalisateur de Barry Seal : American Traffic, avait 15 ans en 1980. A voir son film, on dirait que c’était hier. Le montage, le jeu survolté et primaire de Tom Cruise, les couleurs baveuses du chef opérateur uruguayen César Charlone, les permanentes qui augmentent les boîtes crâniennes des hommes comme des femmes, tout ramène à la frénésie cocaïnée de cette décennie. Il manque quand même quelque chose – surtout quand on parle de l’Amérique centrale, de l’expansion des cartels colombiens et de l’importation massive de stupéfiants aux Etats-Unis: le décompte des cadavres.

Doug Liman a choisi de raconter son histoire sur le seul mode de la comédie

Liman a choisi de raconter son histoire sur le seul mode de la comédie. A la fin des années 1970, Barry Seal, pilote de ligne pour la défunte TWA, se laisse tenter par un agent recruteur de la CIA (Domnhall Gleeson) qui se voudrait machiavélique mais n’est qu’incompétent. A sa demande, il prend des images aériennes des bases de guérilla au Nicaragua, au Salvador et au Guatemala, passant à travers les rafales d’armes automatiques que lui adressent de ridicules silhouettes kaki. Après la victoire sandiniste, il est chargé d’acheminer des armes aux contre-révolutionnaires nicaraguayens, qui préfèrent jouer au football. Puisque ses AK47 n’intéressent pas ses clients, Barry pousse jusqu’à Medellin, où il les fourgue à Jorge Ochoa et Pablo Escobar, repartant chargé de cocaïne.

Une satire poussive

Liman semble fasciné par les exploits aéronautiques de son personnage (à moins que Tom Cruise n’ait insisté pour déployer ses talents de pilote), par l’inanité des arnaques politiques que monte l’administration Reagan (mais le scénario s’en tient aux versions les plus conservatrices des événements, notamment en ce qui concerne l’implication du FSLN nicaraguayen dans le trafic), et – plus généralement – par les effets secondaires de la soudaine richesse d’un petit gars du Sud (Seal est natif de Louisiane).

Ce qui donne une satire parfois un peu poussive (il faut dire que l’éternelle jeunesse de Tom Cruise a un coût : l’acteur prodigieux de Magnolia ou Collatéral n’exprime plus grand-chose d’autre que le contentement de soi), à laquelle manque ce qui fait les grandes comédies noires : la conscience des tragédies sur lesquelles elle s’épanouit. Du génocide des Mayas au Guatemala aux ravages de l’épidémie de crack dans les ghettos des Etats-Unis, il y a peu de catastrophes américaines de la fin du XXe siècle auxquelles les exploits de Barry Seal ne soient pas liés. Mais ce n’est pas en allant voir ce film qu’on le saura.

Barry Seal - American Traffic / Bande-Annonce Officielle VF [Au cinéma le 13 septembre]
Durée : 02:34

Film américain de Doug Liman. Avec Tom Cruise, Domnhall Gleeson, Sarah Wright (1 h 55). Sur le Web : www.universalpictures.fr/film/barry-seal-american-traffic et www.americanmademovie.net