Jaroslaw Kaczynski, chef de file du parti Droit et justice (PiS), en mars à Varsovie. / Kacper Pempel / REUTERS

C’est un débat que l’on croyait clos, mais qui hante encore les relations germano-polonaises : la Pologne doit-elle exiger des réparations à l’Allemagne pour les dévastations subies pendant la seconde guerre mondiale ? La polémique a été relancée cet été par l’homme fort du pays et chef du parti au pouvoir, Jaroslaw Kaczynski, qui a estimé lors d’un congrès, début juillet, que l’Allemagne avait « une immense dette non réglée envers la Pologne » qui « reste d’actualité ».

La réaction du gouvernement, où certains diplomates craignent l’ouverture d’un nouveau front, particulièrement périlleux, avec le premier partenaire européen de la Pologne, a été ambiguë. Dans un premier temps, le vice-ministre des affaires étrangères, Marek Magierowski, a signalé que la position du gouvernement sur la question – qui a renoncé en 1953 aux réparations de guerre, une position réitérée en 2004 – « reste inchangée. »

Mais le 7 septembre, la première ministre Beata Szydlo a estimé que le débat restait ouvert : « La position du gouvernement polonais sera officielle quand la décision politique sera prise. Je considère que la Pologne a le droit [à ces réparations], et nous sommes prêts à entreprendre cette démarche. » Au sein de la majorité, on argumente que le gouvernement communiste n’avait pas de légitimité populaire pour se prononcer, à l’époque, et que ce renoncement, vis-à-vis de l’Allemagne de l’Est, a été contraint par Moscou.

« Politiquement et juridiquement, la question est close »

Le Bureau d’analyse de la Diète, la Chambre basse du Parlement, a ainsi rendu public, le 11 septembre, une expertise commandée sur le sujet par un député de la majorité. « L’affirmation selon laquelle la Pologne a le droit de demander des dommages et intérêts à l’Allemagne est justifiée, et les allégations relatives à leur expiration ou à leur prescription sont sans fondement, peut-on lire dans le communiqué. « Malgré les pertes colossales subies pendant la guerre (…), la Pologne et ses citoyens ont reçu des compensations en provenance de l’Allemagne non proportionnelles et nettement inférieures aux indemnités versées par l’Allemagne à d’autres Etats. »

Une expertise qui fait écho à une résolution adoptée à l’unanimité par le Parlement polonais, en 2004, en des termes similaires, et qui appelait le gouvernement à entreprendre « des actions en la matière envers le gouvernement allemand ». L’opposition libérale, qui avait voté le texte à l’époque, rappelle qu’il s’agissait alors de faire pression sur Berlin pour qu’il renonce à soutenir les citoyens allemands qui revendiquaient leurs biens spoliés après la guerre, lors du remodelage de la frontière le long de la ligne Oder-Neisse.

L’ambassadeur d’Allemagne en Pologne, Rolf Nikel, a estimé le 10 septembre que « politiquement et juridiquement, la question est close, mais moralement, non ». « Notre position est que nous faisons face à cette responsabilité, et il y a eu beaucoup d’occasion où nous avons payé. » Selon une étude d’opinion réalisée par l’Institut IPSOS, 63 % des Polonais seraient favorables à ce que l’Allemagne paye des réparations de guerre.