A Mouscron, sur les lieux du meurtre, le 11 septembre. / KURT DESPLENTER / AFP

L’assassinat, dans la soirée du lundi 11 septembre, du bourgmestre (maire) de Mouscron, Alfred Gadenne, 71 ans, sème la consternation en Belgique. L’élu du Centre démocrate humaniste (CDH) a été égorgé dans le cimetière de Luingne, un village de cette commune proche de la frontière française. Nathan D., un jeune homme de 18 ans l’attendait alors que, comme tous les soirs, dans une sorte de rituel connu de tous, M. Gadenne s’apprêtait à fermer les grilles. Nathan D. a lui-même appelé la police et expliqué qu’il n’y avait plus rien à faire pour sauver sa victime.

Selon les premiers éléments de l’enquête le jeune homme entendait venger son père, un ancien employé municipal, qui s’était suicidé en 2016, après son licenciement. Selon le parquet de Tournai, Nathan D. aurait longuement prémédité son projet, attendant d’être majeur pour passer à l’acte et ne pas impliquer sa mère. « C’est un drame qui a suivi un autre drame », explique son avocat. Une expertise psychiatrique va déterminer le degré de responsabilité du meurtrier.

Fils et petit-fils de maire, M. Gadenne était en fonction depuis 2006. Il avait succédé à un de ses collègues de parti, Jean-Pierre Detremmerie. Celui-ci a été exclu du CDH en 2009 en raison d’ennuis judiciaires et s’est suicidé sept ans plus tard.

« Antipolitisme »

En 2014, M. Gadenne a abandonné son mandat de député régional de Wallonie pour se consacrer exclusivement à une ville où il jouissait d’une très grande popularité. Aimable, consensuel, bon gestionnaire, le maire était apprécié non seulement en Wallonie mais en Flandre et dans le Nord, deux régions toutes proches de Mouscron, avec lesquelles il entretenait de bonnes relations et développait des projets. Martine Aubry, la maire de Lille, a salué sa mémoire, comme la plupart des responsables politiques belges.

Choqués par la mort de leur collègue, ces responsables ont, depuis lundi, témoigné de la multiplication des menaces à leur encontre. « Notre pays glisse-t-il dans l’antipolitisme le plus primaire, agressions physiques à la clé ? », interrogeait, mercredi, le quotidien La Libre Belgique. « Le drame de Mouscron ne m’étonne pas du tout », explique, en tout cas, Willy Demeyer, le maire PS de Liège, évoquant un danger réel lié à la montée des tensions. Il explique avoir lui-même été menacé en diverses occasions.

Scandales

Raoul Hedebouw, député du Parti du travail (PTB, gauche radicale) a été agressé à Liège le 1er mai par un homme qui l’a blessé avec un couteau. D’autres responsables évoquent les insultes et les injures dont ils sont régulièrement l’objet, lors de leurs apparitions publiques ou sur les réseaux sociaux.

La multiplication des scandales, qui ont notamment frappé le PS à Liège et à Bruxelles, mais aussi le Mouvement réformateur (MR) du premier ministre Charles Michel, contribue à ce climat délétère. Et le récent conflit entre le PS et le CDH, qui ne gouvernent plus ensemble la Wallonie mais sont contraints de rester alliés à Bruxelles, ajoute à la confusion et à la colère.

Hasard ? L’une des personnalités socialistes de premier plan, l’ancienne vice-première ministre PS Laurette Onkelinx a surpris, mercredi, en annonçant son prochain retrait de la vie publique. En larmes, elle a évoqué sa consternation face à une démocratie belge qu’elle juge « fracassée ». Une formule empruntée à l’une de ses anciennes collègues, Joëlle Milquet, (CDH), elle aussi ex-vice-première ministre et présidente de parti. Mme Milquet, citée dans un dossier d’emplois présumés fictifs au sein de son ancien cabinet, a indiqué récemment qu’elle renonçait à briguer un mandat municipal, ou national.