Gérard Collomb, le 10 septembre, à Paris. / GONZALO FUENTES / REUTERS

Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, souhaite une « unité de vue » pour combattre le terrorisme. Mardi 12 septembre, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, il a surtout défendu celle du gouvernement, contenue dans le projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme », déjà adopté par le Sénat le 18 juillet et que l’Assemblée doit examiner en séance publique à partir du 25 septembre. Il a en particulier soutenu les amendements du gouvernement qui visent à un quasi-retour à la version initiale de son texte modifié par les sénateurs.

Le projet de loi, censé permettre une sortie de l’état d’urgence au 1er novembre, transpose plusieurs de ses pouvoirs dans le droit commun, tels que les assignations à résidence, les perquisitions administratives ou encore les fermetures administratives de lieux de culte. Le Palais du Luxembourg avait en partie raboté et assorti de contrôles plus stricts ces mesures. Gérard Collomb entend revenir sur ses apports. La commission des lois de l’Assemblée nationale devait examiner le texte tout au long de la journée de mercredi 13 septembre, selon une procédure accélérée.

En préambule de son intervention, mardi, le ministre de l’intérieur a souligné la persistance de la menace terroriste, appuyant ses propos en annonçant que, « depuis début 2017, douze attentats ont été déjoués ». M. Collomb a également insisté sur l’utilisation parcimonieuse qui est faite aujourd’hui des pouvoirs de l’état d’urgence. Il a ainsi expliqué que 36 assignations à résidence sont en vigueur depuis sa sixième prorogation en juillet, contre 460 pendant sa période initiale, au lendemain des attentats du 13 novembre 2015. Il a aussi fait valoir que seulement 21 perquisitions avaient eu lieu depuis juillet et qu’elles se révélaient « beaucoup plus ciblées », de sorte que 50 % d’entre elles ont débouché sur des placements en garde à vue, contre 5 % au début de l’état d’urgence, période pendant laquelle plusieurs milliers de perquisitions ont eu lieu.

Dix-sept lieux de culte ont été fermés

Une façon de relativiser la portée des critiques émanant d’associations de défense des droits de l’homme, de juristes, de syndicats de magistrats ou encore d’autorités telles que le Défenseur des droits ou la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui dénoncent à travers le projet gouvernemental la pérennisation d’un état d’exception.

Reste que les efforts faits par le Sénat avant les vacances parlementaires pour encadrer le nouveau texte pourraient être détricotés. Ainsi, les motifs permettant à un préfet de fermer un lieu de culte avaient été restreints aux cas où des propos tenus, des écrits produits ou des activités s’y déroulant incitent à la violence, à des actes de terrorisme ou à leur apologie. Depuis le début de l’état d’urgence, dix-sept lieux ont été fermés. Le gouvernement souhaite réintroduire les notions, plus larges, d’« idées ou de théories diffusées », qui permettent « d’englober des messages plus insidieux » et pourraient viser des références à des ouvrages ou à des théologiens.

De même, s’agissant des mesures dites « de surveillance » : contrairement au régime de l’état d’urgence, le projet de loi gouvernemental prévoit que le périmètre d’assignation d’une personne ne pourra être inférieur à celui de la commune. Le Sénat avait ajouté une restriction en limitant à trois par semaine le nombre maximum de pointages obligatoires au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie.

« Fuite en avant permanente »

Le gouvernement veut revenir à un pointage quotidien. « Ce que nous voulons, c’est ne pas perdre de vue des gens que nous surveillons », a soutenu Gérard Collomb. Il souhaite aussi contourner une jurisprudence du Conseil d’Etat qui conditionne le prolongement d’une assignation au-delà de trois mois à l’existence d’éléments nouveaux matérialisant la menace que constitue la personne. Le gouvernement veut avoir un délai de six mois pour réunir ces éléments.

Gérard Collomb a aussi plaidé pour le rétablissement d’une mesure retoquée par le Sénat et qui oblige une personne à communiquer les identifiants de tous ses moyens de communication électronique (numéro de téléphone, adresse électronique…). « Ces informations sont très utiles aux services de renseignement et visent à éviter qu’une personne, se sachant l’objet de mesures de surveillance, modifie son abonnement téléphonique ou Internet », a exposé le ministre. En effet, si la personne omet d’informer les autorités de tout changement, elle prend alors le risque d’être poursuivie pénalement.

Autre mesure phare du projet de loi : l’instauration par les préfets de « périmètres de protection » lors de grands événements et au sein desquels sont autorisées des palpations de sécurité, l’inspection visuelle de bagages et, avec l’accord du conducteur, la fouille des véhicules, des pouvoirs jusque-là soumis à une réquisition judiciaire. Le Sénat a limité aux abords « immédiats » du périmètre le déploiement de ces pouvoirs, une précision trop restrictive aux yeux du gouvernement, qui entend la supprimer.

Outre ceux défendus par l’exécutif, les députés de la commission des lois devaient examiner mercredi plus de 250 amendements. Les Républicains en ont déposé un nombre important qui vise à édifier un « état d’urgence renforcé » par des mesures telles que la rétention de sûreté d’individus condamnés pour terrorisme et ayant accompli leur peine.

Le député LR de l’Yonne, Guillaume Larrivé, a expliqué que son groupe ne soutenait pas le texte en l’état car, selon lui, il « diminue le niveau de protection des Français ». A l’inverse, le groupe La France insoumise a dénoncé une « fuite en avant permanente », une « surenchère sécuritaire » à la fois « dangereuse » et « inutile ». Les débats à l’Assemblée pourraient être plus vifs que sous la précédente mandature.