Une petite fille s’élance vers le ciel sur une balançoire. L’image est désaturée, presque blanche. Le son étouffé. Bientôt, tout ne sera plus que cendres. Le feu d’une explosion nucléaire va envahir l’écran, et la voix de Sarah Connor, oracle funèbre qui voit là l’horizon ultime d’une humanité damnée par son goût pour la destruction, va s’élever au milieu des flammes. En 1997, annonce-t-elle, les robots mis en service par le programme de défense nucléaire américain vont se retourner ­contre leurs créateurs, anéantissant peu ou prou toute forme de vie sur Terre et réduisant ce qui en restera à l’esclavage.

Emmenée par John Connor, le fils de Sarah, la résistance va s’organiser contre l’ordre techno-fasciste des machines. Dans le premier Terminator, réalisé en 1984, Skynet, le programme d’intel­ligence artificielle à l’origine de cette apocalypse, envoyait dans le passé l’un de ses soldats, une carcasse métallique fondue dans l’enveloppe charnelle d’Arnold Schwarzenegger, qui avait pour mission de tuer la mère du chef rebelle avant sa naissance. Convertie en guerrière implacable, Sarah Connor a eu raison de la machine, qui finit broyée entre les plaques d’une presse hydraulique.

Sept ans plus tard, le T-1000, ­glaçante créature de métal liquide capable de se fondre dans n’importe quel moule, renvoyait à l’âge de pierre le premier Terminator. Plus terrifiant, mais aussi plus sentimental et plus drôle, Terminator 2, qui ressort aujourd’hui en salle dans une version restaurée et convertie en 3D, faisait basculer le cinéma dans une ère numérique fluide dans laquelle les images se sont défaites de leurs liens avec la réalité. A la brutalité industrielle très « années 1980 » du premier volet, le deuxième opposait une texture à la fois froide et sucrée qui s’apprêtait à engloutir tout le cinéma hollywoodien, ouvrant la voie aux blockbusters hors sol qui saturent aujourd’hui les écrans du monde entier.

Edward Furlong et Arnold Schwarzenegger dans « Terminator 2 », de James Cameron en version 3D. / STUDIOCANAL

Angoissant et optimiste

Le visage glabre, terriblement inexpressif sous ses Ray-Ban miroir, moulé dans son uniforme de flic de la route impeccable, le T-1000 est envoyé sur Terre pour tuer John Connor l’année de ses 10 ans. Reprogrammé depuis le futur par John Connor pour se protéger lui-même, un vieux Terminator lui emboîte le pas. En 1991, le futur chef de la résistance mène une vie de délinquant juvénile surdoué (adorable Edward Furlong, repéré par une directrice de casting alors qu’il menait une existence très comparable à celle du personnage), tandis que sa mère est internée dans le quartier de haute sécurité d’un hôpital psychiatrique pour l’empêcher d’affoler la planète avec ses propos de Cassandre.

Dans le feu d’une course contre la montre affolante, ponctuée de poursuites d’une audace inouïe, une relation se noue entre le robot et ce garçon bien aguerri mais encore tendre, pas encore totalement sorti de l’enfance : le Terminator endosse le rôle de père de substitution pour temps apocalyptiques tandis que John lui apprend ce que sont l’humour et les sentiments, autrement dit, ce qui fait la valeur de l’humanité.

Le scénario cauchemardesque paraît moins allégorique en 2017 qu’au moment de sa sortie

Il y a quelques années encore, la conversion en 3D était considérée comme un gadget bidon pour relancer des vieux films en les enlaidissant un peu au passage. Avec Terminator 2. Le Jugement dernier 3D, James Cameron prouve que la technologie a évolué. L’élégance de la restauration, la fluidité parfaite du relief, qui approfondit l’image sans jamais chercher l’esbroufe, semblent donner au film une forme qu’il avait en puissance, mais que l’image numérique du début des années 1990 ne lui permettait pas d’achever.

Précurseur sur le plan visuel, le film témoigne en outre – on s’en rend compte en le redécouvrant – d’une formidable prescience historique. Alors que l’entreprise d’armement russe Kalachnikov a présenté au monde sa nouvelle génération de robots armés, que les grandes puissances sont de plus en plus nombreuses à investir dans des programmes de recherche et développement d’unités de combat robotisées, son scénario cauchemardesque paraît moins allégorique en 2017 qu’au moment de sa sortie. Plus angoissant, en un sens. Même si l’angoisse se dissout rapidement dans un propos humaniste optimiste, dans son florilège de répliques doudous (« Hasta la vista baby »…) et plus encore dans la charge affective dont sont porteurs ses trois personnages principaux, Sainte Famille des temps modernes sacrifiée pour le salut de l’humanité.

T2: Judgment Day 3D - Official Trailer 2D
Durée : 01:36

Film américain de James Cameron (1991). Avec Arnold Schwarzenegger, Linda Hamilton, Edward Furlong (2 h 15). Sur le Web : www.terminator2-3d.com