La ville de Marseille a fait savoir, mercredi 13 septembre, qu’elle renonçait à accueillir au Dôme, une salle municipale, le nouveau spectacle de Dieudonné, intitulé La Guerre, originellement programmé le dimanche 19 novembre. L’annonce de la venue du polémiste, plusieurs fois condamné, notamment pour provocation à la haine raciale et apologie du terrorisme, dans le plus grand des lieux de spectacles marseillais, avait provoqué depuis quelques jours un début de polémique dans la deuxième ville de France.

Mardi 12 septembre, au lendemain de la décision du maire écologiste de Grenoble, Eric Piolle, d’interdire le spectacle dans sa ville, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a demandé au maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin (LR), « d’interdire la location ou la mise à disposition d’un équipement géré par la ville à une personne ayant été condamnée pour propos racistes et/ou antisémites ». Le président du groupe socialiste au conseil municipal, Benoît Payan, recommandait, lui, « d’annuler cette programmation inacceptable », se déclarant « profondément heurté de voir la ville de Marseille, inviter une personne qui prêche la haine ».

Sous cette pression relayée par les quotidiens locaux, Jean-Claude Gaudin a décidé de revenir sur la location de la salle initialement accordée. « Une ville multiculturelle comme Marseille ne peut accepter un spectacle qui, au prétexte d’humour divise, fracture et oppose », explique M. Gaudin, dans un communiqué, estimant également que le spectacle de Dieudonné est « susceptible d’engendrer des troubles à l’ordre public ».

Clause dans le contrat permettant d’annuler

Jusqu’à cette prise de conscience tardive, les services municipaux ne semblaient n’avoir rien trouvé à redire au retour de Dieudonné M’Bala M’Bala à Marseille. En février 2014, le polémiste avait déjà été accueilli dans un équipement municipal, Le Silo, salle administrée en délégation de service public par une société privée.

Le Dôme, qui peut accueillir jusqu’à 8 000 personnes, lui, est directement géré par la municipalité, via la direction générale de l’attractivité et de la promotion de la ville à laquelle il est rattaché. « Aucun spectacle ou meeting politique n’est programmé au Dôme sans que le cabinet du maire ne soit informé », assure un fin connaisseur des systèmes de réservation locaux.

A la direction générale des services, on se défend de toute légèreté dans la gestion du cas Dieudonné, pour évoquer « une volonté de faire le moins de publicité au personnage ». « En 2014, il n’y a eu aucune polémique », rappelle le directeur général adjoint Jean-Pierre Chanal. « Légalement, poursuit-il, nous ne pouvons refuser de louer une salle à sa société de production, mais nous avons disposé une clause dans le contrat nous permettant d’annuler la réservation si elle pose un problème d’ordre public»

Toujours à l’agenda culture du site Internet de la ville

La Guerre, dont l’affiche montre un Dieudonné ensanglanté sur fond d’armes automatiques, a été traitée comme un spectacle classique. Ce mercredi 13 septembre, malgré l’annulation, son annonce, classée dans la catégorie humour, figurait toujours dans l’agenda culture du site Internet de la ville de Marseille, accompagnée d’un texte de présentation anodin. Seul le lien renvoyant directement vers le site Web du polémiste – Dieudosphère – avait été supprimé.

« Nous savons tous que Dieudonné va utiliser cette polémique pour se poser en victime et dire que sa parole est censurée, conclut l’opposant socialiste Benoît Payan, mais il n’était tout simplement pas concevable de le voir dans un équipement municipal, financé par des fonds publics. »