Qu’est-ce qu’un « Metroidvania » ? Facile : un jeu faisant sienne la recette de la série Metroid, plus tard reprise par Castlevania. Metroid Samus Returns, qui sort vendredi 15 septembre, mais aussi Hollow Knight, sorti au printemps, en sont deux des plus récents représentants.

La taxinomie pourra paraître curieuse à ceux issus d’autres horizons culturels : il est peu commun de parler de « Star Trek-like » pour évoquer les films de science-fiction. Dans le jeu vidéo, la pratique est pourtant courante, et a permis de couronner, pour quelques années ou plusieurs décennies, certains titres charnières de son histoire. Petit tour d’horizon alphabétique – forcément non exhaustif – de ces jeux devenus genres.

  • Doom et les « Doom-like »

Le jeu. Même s’ils ne font que perfectionner la recette de Wolfenstein 3D qu’ils ont eux-mêmes mis au point un an plus tôt, les fous furieux du studio texan id Software provoquent en 1993 avec Doom l’une des explosions les plus retentissantes de l’histoire du jeu vidéo. Perdu dans des laboratoires martiens envahis de créatures infernales, le joueur doit se frayer un chemin un fusil à pompe dans une main, une tronçonneuse dans l’autre. Le scénario est grotesque mais le joueur y croit : difficile de faire autrement, puisqu’il voit très littéralement à travers les yeux du héros, comme s’il était lui-même perdu dans ces labyrinthes démoniaques.

La plupart des ingrédients du jeu de tir en vue subjective sont dans le premier niveau de « Doom ». / id Software

Le genre. Doom a popularisé un mouvement de caméra, ici solidement ancrée au niveau des yeux du héros, et associée à une arme représentée à l’écran. Plus précisément, le genre du Doom-like est associé à des jeux de tir (ce qui exclue Myst et les jeux d’énigmes en vue subjective) dans lequel le joueur contrôle les déplacements (ce qui exclue Virtua Cop et les jeux de tirs « sur rails »).

Les suiveurs célèbres. Difficile de ne pas penser à Duke Nukem, Unreal Tournament, et surtout Quake (qui a momentanément donné la catégorie « Quake-like »). Au-delà des « Doom-like », Doom est le père de la catégorie moderne des first person shooter, ou FPS (jeux de tir en vue subjective). De Half-Life à Call of Duty en passant par Halo, la moitié des jeux d’action viennent de là. Voire, la moitié des jeux vidéo tout court : c’est en se débarrassant de ses niveaux en labyrinthe que System Shock inventera le jeu immersif, et en jetant les armes à la poubelle que Dear Esther donnera naissance en 2012 à celui qu’on appelle parfois le walking simulator (« simulateur de marche »), aujourd’hui l’un des véhicules préférés des développeurs qui veulent raconter une histoire.

Official Call of Duty®: WWII – Multiplayer Reveal Trailer
Durée : 02:37

  • DotA et les « Dota-like »

Le jeu. Le parcours est atypique. Defense of the Ancients, dit DotA, n’est pas un jeu commercial, mais depuis 2003 un mode de jeu alternatif (et au départ amateur) extrêmement populaire du jeu de stratégie Warcraft 3. Tellement populaire, d’ailleurs, qu’il a donné naissance à un véritable jeu commercial, DotA 2, qui détient encore à ce jour le record du nombre de joueurs simultanés sur la plate-forme de jeu en ligne Steam (1,3 million en même temps).

« Defence of the Ancients » est rapidement devenu « DotA », puis un genre de jeu à lui seul.

Le genre. Le Dota-like est une variante compétitive des jeux de stratégie. Il oppose deux équipes de cinq créatures fantastiques spécialisées dans un registre (soin, attaque, défense…), et qui doivent traverser une carte remplie de monstres en tout genre pour aller détruire le totem sacré ennemi. L’expression « MOBA » (pour multiplayer online battle arena, arène compétitive en ligne à plusieurs) s’est depuis imposée.

Les représentants les plus célèbres. DotA, bien sûr, mais surtout League of Legends, le jeu le plus joué au monde (hors Chine). Depuis 2009, le titre de Riot Games est un tel phénomène de société qu’il porte sur ses épaules non seulement la popularité du genre, mais aussi tout l’e-sport en général. Le géant américain Blizzard avec Heroes of the Storm s’est lancé dans l’arène en 2015, tandis que le phénomène chinois Honor of Kings (Arena of Valor chez nous) compte environ deux cent millions d’accros.

Arena of Valor - Gameplay Trailer
Durée : 00:31

  • Grand Theft Auto et les « GTA-like »

Le jeu. Une reprise du thème des policiers et des voleurs, mais dans laquelle le joueur incarne les criminels. Initialement conçu comme un Pac-Man urbain, où ville et forces de l’ordre remplaceraient labyrinthe et fantômes, Grand Theft Auto (1999, PlayStation) est devenu à partir de GTA III (2001, PlayStation 2) un jeu-phénomène immersif, permissif et provocateur, inspiré des plus grands classiques du film de gangster.

Le troisième épisode de Grand Theft Auto sera le jeu dont s’inspireront énormément de jeux des années 2000. / Rockstar

Le genre. Porté par le succès phénoménal de GTA III et le bond technologique de la PlayStation 2, les GTA-like se mettent à champignonner au début des années 2000. Leurs caractéristiques communes ? Une ville (souvent américaine) retranscrite en 3D, un héros livré à lui-même, des voitures à disposition, et une liberté de déplacement totale…

Les représentants célèbres. De Driver à Mafia en passant par Scarface, True Crime et The Getaway, le GTA-like a été un genre fécond, et qui se développe toujours. Les plus marquants sont ceux qui ont su prendre la tangente en termes d’univers, comme Red Dead Revolver (western), Assassin’s Creed (croisades) ou L.A. Noire (policier dans les années 1940). Il est toutefois aujourd’hui dépassé par les jeux en monde ouvert, au principe similaire mais à l’échelle bien plus vaste.

L.A. Noire Trailer - Coming Soon To Nintendo Switch HD
Durée : 01:09

  • Metroid et les « Metroidvania »

Le jeu. Nous sommes en 1986 sur console NES, et la chasseuse de prime Samus Aran doit explorer Zebes, une planète silencieuse, hostile et labyrinthique. Grâce à une pile de sauvegarde, une révolution pour l’époque, les joueurs de Metroid peuvent alors se plonger dans ce monde gigantesque et en explorer les différents bras de manière progressive et non linéaire.

Inventé par « Metroid » avec sa structure à tiroirs, le Metroivania n’a pas pris ce nom avant la sortie, en 1997, de « Castlevania Symphony of the Night ». / Nintendo

Le genre. Proche des Zelda dans la structure (on parle également de « Zelda-like » pour les jeux d’aventure comme Ôkami), la série Metroid donne à explorer un vaste monde constitué de zones reliées entre elles par des portes bloquées, qui ne se déverrouillent qu’à force d’acquisitions et d’améliorations d’armes et d’équipement. Elle invite naturellement aux allers-retours, et donne une épaisseur et une cohérence à l’univers traversé. La série Castlevania s’y est convertie en 1997 avec Symphony of the Night. Depuis, on parle de « Metroidvania » pour désigner ces jeux d’action-exploration au monde-gigogne.

Les représentants célèbres. Metroid a fait peu d’émules à son apparition et Castlevania est longtemps resté la seule série à lui faire écho. C’est véritablement dans les années 2000, et plus encore 2010, en plein âge d’or du jeu indé et du retour à la 2D, que des titres brillants comme Cave Story, Shadow Complex, Guacamelee, Axiom Verge, Dead Cells, Ori and the Blind Forest, Apotheon ou encore Hollow Knight ont donné une vitalité nouvelle à ce style de jeu astucieux, prenant et immersif.

Hollow Knight - Release Trailer
Durée : 02:04

  • Rogue et les « Rogue-like »

Le jeu. C’est un titre un peu austère du début des années 1980, où le joueur explore, en tour par tour, un donjon représenté uniquement par des caractères d’imprimerie. Des traits pour les murs, des points pour les emplacements libres, des lettres pour des monstres… Son coup de génie : chaque partie est différente, car générée aléatoirement.

Pourquoi s’encombrer de graphismes quand on peut composer aléatoirement un donjon avec des caractères d’imprimerie ?

Le genre. L’idée derrière les Rogue-like tient en deux phrases : ce sont des jeux de rôle en tour par tour où toute mort est définitive, et où chaque donjon est unique.

Les suiveurs célèbres. NetHack, Angband… Les rogue-like « canal historique » restent des titres de niche, même si l’immensément populaire Diablo en est un proche cousin. En fait, c’est en le débarrassant de ses mécaniques de jeux de rôle pour y greffer celles du jeu d’action ou de plateforme que les développeurs de ToeJam & Earl et surtout de Spelunky, en 2008, vont redonner une jeunesse aux Rogue-like. Zones, créatures et récompenses différentes à chaque mort (et donc à chaque partie) sont aujourd’hui les matériaux de base de nombres titres indépendants fauchés qui, faute de moyens, préfèrent générer leur contenu plutôt que de le créer à la main. On parle alors de « Rogue-lite » : le jeu de tir Binding of Isaac, le metroidvania Dead Cells, le jeu de rythme Crypt of the Necrodancer ou le jeu de gestion FTL en sont de bons exemples.

Crypt of the NecroDancer - Launch Trailer | PS4, PS Vita
Durée : 01:15

  • Tetris et les « Tetris-like »

Le jeu. Des tétraminos tombent du haut de l’écran. En les assemblant de manière à former des lignes, ceux-ci disparaissent et rapportent des points. Né en 1984 dans les laboratoires de l’académie des sciences de Moscou, Tetris devient vraiment un phénomène quand Nintendo en équipe sa console portable monochrome, la Game Boy, à partir de 1989.

La version Game Boy de « Tetris » n’est pas la première mais c’est sans doute la plus populaire. / Nintendo

Le genre. Dans la plupart des « Tetris-like » qui apparaissent dès le début des années 1990, le joueur doit associer des objets qui arrivent par le haut de l’écran, en les combinant par forme, par couleur, etc. Le thème varie de manière très libre (bonbons, créatures, pierres précieuses), et avec les années, le canevas s’est assoupli, avec des jeux se jouant sans la pression du temps, ou sur des plans fantaisistes.

Les représentants célèbres. La plupart datent du début des années 1990, comme Dr. Mario et Mario & Yoshi, de Nintendo, ou Columns et Puyo Puyo, de Sega. Les Tetris-like ont connu un regain de mode à partir de la seconde moitié des années 2000, avec LuminesPuzzle & Dragons sur smartphones. Mais en même temps se développaient leurs cousins germains, les jeux d’association de type « match 3 » comme Bejeweled, Zuma puis plus récemment Candy Crush Saga, plus posés et non moins obsédants. Devenus majoritaires, ces derniers ont rendu obsolète l’expression Tetris-like, et l’on parle plus génériquement aujourd’hui plus volontiers de puzzle games ou de jeux de réflexion. En attendant, qui sait, le prochain jeu à redéfinir le genre.

Official Candy Crush Jelly Saga (by King) Launch Trailer (iOS/Android/Windows 10)
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