Sur le site du notaire Vincent Chauveau, un chronomètre à l’écran fera automatiquement baisser le prix de 1 000 euros toutes les 30 secondes durant 20 minutes. Le premier qui cliquera devrait remporter le bien. Il faut, pour participer, avoir visité l’appartement et vu son dossier validé par le notaire. / DR

Vend appartement parisien, 14e arrondissement, 33,60 m2 loi Carrez, à rénover. Son prix ? 330 000 euros. Du moins à midi pile, lundi 18 septembre. Car trente secondes plus tard, il aura diminué de 1 000 euros. Et de 1 000 autres à 12 h 01. Ainsi de suite, pour atteindre 290 000 euros à 12 h 20.

Cette drôle de vente dite « au cadran » va se dérouler sur le site Internet du notaire nantais Vincent Chauveau. Un chronomètre à l’écran fera automatiquement baisser le prix de 1 000 euros toutes les 30 secondes durant 20 minutes. Le premier qui cliquera devrait remporter le bien. Il faut, pour participer, avoir visité l’appartement et vu son dossier validé par le notaire. La vente peut être suivie en simple spectateur sur l’« espace visiteur ».

Vincent Chauveau a déjà utilisé ce procédé cet été pour mettre en vente trois biens. « Un de mes clients a vendu un corps de ferme en juillet pour 510 000 euros. C’était le prix de départ, l’acheteur a cliqué de suite. Et, en août, une chambre de bonne affichée 180 000 euros est partie à 145 000. Le vendeur en voulait 105 000. Une troisième vente n’a pas abouti, faute de clic. »

Si la dégressivité des prix fait penser à des enchères à l’envers, cette innovation ne relève en réalité pas du tout de l’enchère immobilière. « C’est simplement une technique de recherche d’acquéreurs », souligne Antoine Dejoie, vice-président du Conseil supérieur du notariat.

« Une bonne vitrine »

Après les vingt minutes d’offres d’achat en ligne, rien n’est en effet acté, le processus normal de vente s’enclenche : les offres sont transmises au vendeur et un avant-contrat est signé, promesse ou compromis. Et qui dit avant-contrat dit délai de rétractation et possibilité d’insérer une clause suspensive liée au refus de prêt – tout cela est exclu aux enchères.

Des « garde-fous » qui rassurent Philippe C., qui s’apprête à vendre au cadran, le 11 octobre, la villa avec piscine à débord qu’il détient près de Saint-Raphaël. « On n’est pas pieds et poings liés, le choix de l’acheteur nous revient, on fixe un prix plancher et tout est encadré par le notaire », détaille-t-il.

« Des notaires, dont je fais partie, utilisent déjà depuis plusieurs années le service Immo-interactif, qui fonctionne aussi par appels d’offres en ligne, mais avec des prix progressifs, indique maître Chauveau, également fondateur de Conseil du coin (des conseils gratuits de notaires dans des cafés, le samedi). « J’ai eu envie de tester les prix dégressifs car, à la hausse, l’acheteur ne dévoile souvent pas tout son budget. Et surtout, les vendeurs sont parfois réticents face aux ventes à prix progressif car il faut afficher un prix de départ attractif, ils ont peur de dévaluer leur bien. »

Bientôt dans les agences immobilières ?

Cet outil « dynamique » permet en outre de « s’adapter en temps réel au marché », poursuit-il. De confronter le plus directement possible offre et demande. Et d’éviter un phénomène courant : le vendeur qui surévalue son bien et dont l’annonce reste publiée des mois, avec le risque de faire naître la suspicion chez les acheteurs et de devoir finir par vendre à prix cassé.

Qu’en dit le Conseil supérieur du notariat ? « Nous avons accueilli l’initiative avec surprise », répond Antoine Dejoie. « Nous manquons de recul mais la vente au cadran, innovante dans son application immobilière [elle est pratiquée historiquement dans d’autres domaines, comme l’agriculture] répondra à mon sens à des besoins, par exemple pour la vente de biens hors norme, et en cela c’est intéressant. » S’il s’attend à un « boom » de ventes au cadran ? « En nombre, cela devrait rester marginal, mais nous pourrions être surpris… »

En attendant, visibilité médiatique oblige, Vincent Chauveau reçoit chaque semaine des dizaines de sollicitations de clients. Tout comme la start-up nantaise Kadran, qui a créé la plate-forme qu’il utilise. « Nous l’avons conçue à l’origine pour les promoteurs immobiliers, pour les aider à vendre leurs stocks de biens neufs, nous n’imaginions pas que ça fonctionnerait aussi dans l’ancien », raconte Eliott Godet, 22 ans, cofondateur. Sa technologie a notamment séduit le promoteur Lamotte, qui nous a expliqué avoir programmé deux ventes dégressives les 23 et 24 septembre pour tester l’outil, « l’une pour un produit fini d’exception en bord de mer, l’autre pour un appartement non achevé ».

Les agents immobiliers s’intéressent aussi à l’outil et contactent la start-up. « Je réfléchis à proposer ce procédé à mes clients, il pourrait être utile pour deux biens qui ont du mal à trouver acquéreur », dit Christophe Bonnin, agent indépendant en région parisienne. « C’est aussi à mes yeux une façon de faire comprendre plus vite au vendeur, par la force des choses, que son prix n’est pas en adéquation avec le marché et lui faire gagner du temps. »