L’union est un combat, et la gauche en sait quelque chose. Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste (PCF), a multiplié samedi 16 septembre les piques contre Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise (LFI), le grand absent de la Fête de l’Humanité, qui se déroule jusqu’à dimanche au Parc départemental de la Courneuve (Seine-Saint-Denis).

Dans sa traditionnelle allocution aux forces de gauche et du mouvement social, M. Laurent a notamment fustigé « les sirènes dégagistes » portées selon lui durant la campagne présidentielle par « Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ».

En déplacement à La Réunion, M. Mélenchon était omniprésent dans les discussions de ce rendez-vous annuel de la gauche. M. Laurent a donc profité de son allocution pour dire ce qu’il pensait du leader de la France insoumise et de son désir d’hégémonie à gauche. « Personne ne peut prétendre détenir la vérité à lui tout seul, a-t-il martelé deux fois. On a tout intérêt à faire front commun, à continuer à construire une alternative à gauche. »

« Méprisant et violent »

Revenant sur la campagne présidentielle, le secrétaire national a réaffirmé qu’il avait eu « raison de faire barrage à Le Pen. Nous sommes fiers d’avoir contribué à [son] échec et nous allons continuer ». Un message à peine voilé à M. Mélenchon qui n’avait pas donné de conseil de vote dans l’entre-deux tours de l’élection présidentielle.

Les députés de La France insoumise qui avaient fait le déplacement et qui se trouvaient au premier rang pour écouter Pierre Laurent étaient loin d’être ravis. Certains ont même hésité à quitter le stand du PCF pour montrer leur mécontentement.

Les règlements de compte ont eu lieu sur le réseau social Twitter. Eric Coquerel, député de Seine-Saint-Denis a notamment regretté que « comme en 2012, la direction du PCF passe la Fête de l’Huma à taper sur son candidat à la présidentielle » et a qualifié le discours de M. Laurent de « méprisant et violent ».

Son collègue Alexis Corbière, qui ne cachait pas son exaspération, a souligné que « Pierre Laurent n’a pas un mot critique contre le PS », dont plusieurs membres de la direction collégiale provisoire étaient également présents.

« Laisser de côté la bataille d’egos et de la suprématie »

Juste après le discours, M. Corbière a déclaré au Monde « ne pas comprendre pourquoi Pierre Laurent passe son temps à égratigner Jean-Luc Mélenchon ». « Il n’a pas eu un mot sur la marche du 23 septembre contre “le coup d’Etat social” [que La France insoumise organise et à laquelle le PCF envisage d’envoyer une délégation]. On était comme des invités à un repas qu’on insulte dès l’entrée. Il faut être très bien élevés pour rester jusqu’au dessert et on l’a fait… », a continué le député de Seine-Saint-Denis.

Un peu plus tard, lors d’un débat, M. Corbière est revenu sur « le dégagisme » en expliquant que La France insoumise était à la recherche d’un nouveau vocabulaire pour parler au peuple et atteindre les abstentionnistes, « qui n’en ont rien à faire des cartels d’organisations et des chefs à plumes ». Le public présent l’a fortement applaudi.

La même réaction a eu lieu quand Sébastien Jumel, député PCF de Seine-Maritime, a lancé lors de ce débat qu’il fallait « laisser de côté la bataille d’egos et de la suprématie pour se battre ensemble ». M. Jumel participera en effet à la journée de mobilisation syndicale du 21 septembre et à la marche du 23.

Bon accueil pour Benoît Hamon

Loin de ces crispations entre le PCF et LFI, Benoît Hamon, a lui, été chaleureusement accueilli. Assis au premier rang au côté de David Cormand, secrétaire national d’Europe écologie-Les Verts (EELV), et d’Anne Hidalgo, la maire PS de Paris, il a été salué par M. Laurent pendant son discours, recevant de l’auditoire un tonnerre d’applaudissements.

Plus tôt, c’est dans la même bonne ambiance que M. Hamon a inauguré le stand de son mouvement du 1er juillet (M1717). Assailli par les demandes de photos et les caméras de télévision, le gagnant de la primaire socialiste a dû jouer des coudes pour se frayer un passage, monter sur l’estrade et donner un bref discours.

Là encore, l’absent Jean-Luc Mélenchon a occupé une certaine place dans les propos. « À gauche, celui qui prétend à l’hégémonie se casse les dents », a lâché M. Hamon, opposant au contraire le « désir d’unité » exprimé selon lui par « la base ». Ce désir, a-t-il développé, « suppose que quand on entend une parole différente que soi à gauche, on ne considère pas que le réflexe soit de faire son enclos pour (s’en) protéger ».

M. Hamon n’a pas eu un mot en revanche sur la toute récente interview de M. Mélenchon, dans laquelle ce dernier a suggéré que si l’ex-socialiste avait retiré sa candidature, il aurait été élu président.

M. Hamon a cependant défendu sa présence dans la manifestation du 23 septembre, organisée par La France insoumise. Il devrait passer, ce samedi-là, dans le carré de tête. Appelant ceux qui le critiquent sur le sujet à « rester dans leur moule », il a répété qu’il serait présent à chaque mobilisation de gauche « sans sectarisme » et « sans regarder la carte d’identité de ceux qui organisent ».