La Californie s’est déclarée « Etat sanctuaire » pour protéger les immigrants en situation irrégulière. Si les villes « sanctuaires » sont désormais des centaines aux Etats-Unis, contrecoup de la volonté de l’administration Trump d’expulser les sans-papiers, c’est le premier Etat à décider de se doter de cette dénomination – décriée par le gouvernement fédéral – sur l’ensemble de son territoire.

Quelques heures avant la clôture de la session parlementaire, samedi 16 septembre, le Sénat de l’Etat le plus peuplé du pays (39 millions d’habitants, dont 38 % de Latinos) a adopté le projet de loi SB54 qui faisait l’objet d’un débat animé depuis des mois. Il limite les contacts entre les services de police des collectivités locales et la police fédérale, qui, aux Etats-Unis, est en charge de l’immigration. En cas d’infraction au code de la route par exemple, les agents ne pourront pas demander aux contrevenants de présenter leur titre de séjour aux Etats-Unis.

Un texte édulcoré

Le texte, appelé « Loi sur les valeurs californiennes », a été approuvé malgré l’opposition des shériffs républicains et les menaces de l’administration Trump de couper les subventions aux entités  « sanctuaires ». Le gouverneur démocrate Jerry Brown devrait le promulguer, d’autant qu’il a été nettement édulcoré, à sa demande, par rapport à la version initiale, soutenue par les associations de défense des sans-papiers, et présentée un mois après l’élection de Donald Trump.

Dans un premier temps, il était question d’interdire aux collectivités locales d’utiliser la moindre ressource pour partager des informations ou arrêter des sans-papiers à moins qu’ils ne soient soupçonnés de crimes graves. In fine, le texte autorise la police de l’immigration (ICE) à pénétrer dans les prisons de comtés pour interroger les suspects. Les polices locales pourront aussi partager leurs informations et transférer les clandestins aux autorités fédérales s’ils ont été condamnés dans les 15 années précédentes pour l’un des 800 crimes ou délits détaillés dans une autre loi (California Trust Act), dont conduite en état d’ivresse et possession illégale d’arme à feu. Si les shériffs sont restés opposés au texte, le compromis a été jugé tolérable par l’association des commissaires de police.

Pour les opposants, le California Values act est un signe de laxisme qui, selon l’expression du directeur de la police de l’immigration, Thomas Homan, « met en danger la sécurité des Californiens ». Les élus ont « fait passer la politique avant la sécurité du public », a-t-il réagi. Sur Twitter, des appels vengeurs se sont multipliés, appelant à supprimer tout financement fédéral à l’Etat, sixième économie du monde.

2,7 millions de sans-papiers en Californie

Le vote est une nouvelle confirmation du rôle qu’entend jouer la Californie – Etat qui compte quelque 2,7 millions de sans-papiers – de leader de la « résistance » à l’administration Trump, notamment sur l’immigration. Indignés par les menaces du président républicain de mettre fin dans les six mois au programme dit DACA, qui protège les jeunes « dreamers » amenés par leurs parents avant l’âge de 16 ans, le gouverneur Brown et les parlementaires ont pris des mesures d’urgence le 12 septembre. 30 millions de dollars ont été débloqués pour aider les jeunes à renouveler leur statut avant que tombe le couperet.

Partout, les associations proposent aide et financement des frais de dossier. Sur les 800 000 jeunes concernés par la décision annoncée par M. Trump le 5 septembre, 220 000 se trouvent en Californie, soit un « dreamer » sur quatre. 4000 jeunes inscrits sur les différents campus de l’université de Californie bénéficient de ce statut. Comme l’a dit le président du sénat Kevin de Léon, il n’est pas question de « laisser les tendances xénophobes d’un individu » (comprenez Trump) remettre en question les « progrès accomplis en Californie pour intégrer les migrants ».

Plus généralement, les responsables californiens réclament un « droit d’exception » sur l’immigration. Dans les années 1970, quand l’Etat était accablé par la pollution automobile, il avait obtenu le droit de réglementer lui-même la qualité de l’air. C’est cela qui lui a permis d’être à l’avant-garde sur l’environnement. Aujourd’hui, certains réclament la même exception sur l’immigration. Parmi les idées : la création d’un statut de « résident du Golden State », par exemple, qui ne serait pas valable dans le reste des Etats-Unis, mais témoignerait de l’histoire particulière du peuplement de la Californie.