Dimanche 17 septembre, comme la plupart des dimanches, Donald Trump s’est réveillé à la Maison Blanche, a pris son téléphone sécurisé et a ouvert la seule application qui y figure : Twitter. C’est une habitude qu’on peut vérifier simplement, en remontant le fil de ses tweets. Les matinées sont le moment privilégié pour des tweet-storms et des retweets pas trop réfléchis.

Dimanche 17 septembre, donc, Donald Trump a partagé des dessins, des messages et des articles à sa gloire. Mais c’est un GIF qui a retenu l’attention des médias. On y voit le président faire un swing sur un terrain de golf, et l’image d’après, Hillary Clinton chutant en montant dans un avion. Une balle de golf, pour signifier la raison de sa chute, a été ajoutée par l’auteur, @fuctupmind, qui complimente « l’incroyable swing de Trump ».

Le GIF n’est pas intéressant ou marrant, et n’aurait été qu’une goutte d’eau de plus dans l’océan de messages de mauvais goût quotidien de Twitter s’il n’avait été approuvé par le président des Etats-Unis et diffusé aux 38,5 millions de comptes qui le suivent. Il est alors devenu un objet politique et médiatique dont Donald Trump connaît très bien les conséquences, puisque c’est une tactique dont il use depuis des années : utiliser son compte Twitter comme un média en soi, pour exciter sa base et provoquer une réaction chez ses détracteurs, les deux comportements les plus communs sur le réseau social.

Le plus souvent, ce sont des messages insultants, écrits par ses soins, contre les médias, les journalistes, ses opposants, y compris dans son parti, bref tous ceux qui ne sont pas d’accord avec lui. Parfois, c’est un tweet créé par un tiers dont il assure la popularité. Le résultat est toujours le même : avec quelques tweets, Trump parvient à dicter le tempo médiatique.

Un fil qui remonte parfois jusqu’au caniveau du Web

Comme ni le président ni la Maison Blanche ne commentent habituellement ces tweets (à part pour dire que c’est une manière « authentique » et directe de communiquer avec les Américains), les médias américains se retrouvent soit à devoir s’indigner de la méthode juvénile et du ton impropre à un président, soit à rechercher les comptes des créateurs douteux que M. Trump retweete. Et souvent, ça les mène dans les caniveaux du Web.

Le GIF de la balle de golf a pour origine le compte @Fuctupmind, dont la biographie dit qu’il s’agit d’un des nombreux soldats numériques du #MAGA (Make America Great Again, slogan de campagne de Donald Trump). Buzzfeed y a repéré « des commentaires racistes et antisémites », que l’auteur s’est empressé de supprimer une fois que les projecteurs se sont braqués sur lui, mais que les journalistes s’étaient également empressés de sauvegarder.

@Fuctupmind a rapidement couvert ses arrières, mais a surtout profité de la visibilité médiatique pour faire passer un message aux journalistes qui fouillaient son compte en changeant le nom et la photo de son profil en « CNN SUCK » (« CNN craint »). Ou comment retourner l’attention des médias contre eux et se faire un peu de publicité gratuite en même temps.

La situation était légèrement différente le 2 juillet, quand Trump avait retweeté un autre GIF créé par un anonyme. Cette fois, la vidéo reprenait un combat de catch auquel Trump avait participé. Un catcheur avec le logo de CNN superposé à sa tête se faisait tabasser par le futur président.

Là encore, les médias ont remonté le fil jusqu’à l’auteur originel. Ils ont fini sur le forum The_Donald, sur Reddit, berceau numérique de l’alt-right et des trolls qui s’affairent à ériger le président en leader. Sous le pseudonyme HanAssholeSolo, ils tombent sur des messages « racistes, antisémites, islamophobes et misogynes ». Ce qui, pour ce forum, est dans la moyenne (l’homme derrière le pseudonyme finira par s’excuser pour ces messages, qu’il présentera comme « de la satire »). Mais « dans le contexte, ce tweet prend une autre signification », écrit alors Vox.

« Une signification qui a moins à voir avec ce qu’il menaçait explicitement de faire [de la violence contre CNN] et plus avec les intentions qu’avait Trump en le postant. »