Plickers

Jean-Pierre Costille est professeur d’histoire et géographie au lycée Jules-Haag, à Besançon. Il utilise depuis plusieurs années les outils numériques en classe, comme expliqué dans cet article. Il raconte ici, concrètement, comment ils liui r« gt-y(uyde esurer facilement et fréquemment les progrès ou difficultés des élèves.

Alors qu’une nouvelle année scolaire commence et que mes élèves de seconde sont en train de réviser – du moins, je l’espère ! –, le chapitre de géographie « Du développement au développement durable », je me suis demandé ce que le numérique avait changé depuis cinq ans à ma façon d’évaluer. Trop souvent l’évaluation n’a lieu qu’à la fin du chapitre, et toute erreur est définitive. Or, le numérique peut changer cela en partant d’abord du principe qu’évaluer, ce n’est pas forcément noter.

Essayer, c’est peut-être réussir ensuite

Lors du cours de géographie sur la France en première, j’ai besoin que les élèves connaissent un certain nombre de repères. Au lieu de déplorer le fait qu’ils ne connaissent pas telle localisation ou de leur demander d’apprendre seul des localisations, mieux vaut passer par un détour ludique. Sur le site jeuxpedago.com, je crée un compte pour chaque élève et lui indique deux jeux de repérage. Le défi ? Arriver en quinze jours à un minimum de points sur les jeux ciblés, en essayant autant de fois qu’on veut. Par souci de transparence, je leur précise que je peux savoir combien de fois ils ont joué. Si l’élève atteint l’objectif fixé, il obtient un bonus d’un point pour le prochain devoir. Je suis souvent frappé par le fait que l’élève a l’impression d’obtenir une gratification énorme, alors que tout professeur sait bien la relativité d’une note et que ce point conquis peut représenter, en réalité, sa marge d’erreur. Certains élèves ont essayé plus de quarante fois, et 32 sur 34 ont obtenu le point bonus. Les outils technologiques ne jugent pas et permettent l’essai ou l’erreur des élèves. Celui qui réalisait le meilleur score à chacun des jeux obtenait même, non pas 1, mais 2 points de bonus. Les deux gagnants font partie du tiercé de ceux qui ont le plus joué !

Cela est fondamental pour montrer aux élèves l’importance du travail, de l’essai et de la persévérance. Suivra une évaluation plus traditionnelle sous forme d’une composition ou d’une étude de document, ainsi qu’une carte à remplir permettant de mesurer les progrès effectués. Il est, en tout cas, essentiel de distinguer les périodes d’essais et les périodes d’évaluation.

Est-ce que mon cours a été compris ?

A la fin d’une heure de cours, comme tout enseignant, je me pose la question fatidique : ont-ils compris ce que nous avons fait ensemble ? Parmi les moyens pour essayer de le mesurer, j’utilise l’application Plickers. Les élèves disposent chacun d’une carte équipée d’une sorte de QR code. Quand je les interroge collectivement, il leur suffit d’orienter la carte du côté A, B, C ou D pour indiquer la réponse choisie, en direction de mon téléphone, qui scanne les réponses.

Premier point positif, la simplicité d’utilisation : après avoir fait une question test, les élèves ont parfaitement compris le système. Deuxième intérêt, il n’est pas possible de s’abstenir, même les plus timides participent sans souci.

Ce type de question à chaud réserve des surprises : lors d’une question sur la Rome antique, où ils avaient le choix entre les quatre propositions ci-dessous, le taux de réussite a à peine dépassé 50 % ! Le numérique me permet donc, avant l’évaluation finale, de revenir sur un point mal compris.

Préparons un prochain cours efficace

Si le cours est bien passé mardi, qu’en reste-t-il néanmoins vendredi quand on se retrouve ? Pour le savoir, je fournis aux élèves des quiz en version électronique, non notés. Chaque élève dispose d’un compte sur une plate-forme pédagogique appelée Edmodo. J’y dépose le questionnaire à faire pour la prochaine fois. Là aussi, j’explique et montre aux élèves que je sais qui y a répondu, et avec quel résultat. Peu m’importe à ce stade qu’ils le fassent avec leur cours sous les yeux, ce qui les surprend d’ailleurs toujours. Ce dispositif a pour but qu’ils relisent leur cours et réactivent leurs connaissances. J’ai le choix entre poser des questions vrai-faux, à choix multiples, de regroupement – trois formes qui se corrigent automatiquement si j’ai défini au préalable la bonne réponse –, ou encore demander aux élèves de rédiger des textes.

J’ai ensuite accès à une synthèse de résultats : ici, plus le camembert est rouge, plus le nombre de mauvaises réponses est important.

Ainsi ce retour de quiz me permet de voir que la question 7 n’est pas acquise. J’entame donc le cours suivant en l’explicitant. Le fait de projeter le pourcentage de résultats erronés permet à l’élève de relativiser. Ces deux dispositifs peuvent donc permettre de repérer, à l’issue d’un cours, ou avant le prochain, les obstacles et les difficultés. Sans le numérique, ce système de quiz intermédiaire peut exister sous forme papier, mais de façon incroyablement plus lourde et avec de grandes difficultés pour garder un suivi de l’élève.

Quels bénéfices ?

Mais pourquoi faire tout cela ? Pour faire réussir les élèves, pardi ! Alors, inévitablement, se pose la question de la mesure des progrès, du bénéfice d’une telle façon de faire. Dans l’exemple ci-dessous, l’élève répond juste à la question, mais n’utilise pas le vocabulaire attendu. Je lui fais donc un retour personnalisé à partir d’Edmodo en lui conseillant d’utiliser les mots d’annualité et de collégialité.

Quelque temps après, au moment du devoir final, voici la réponse de l’élève à la question sur les principes de fonctionnement de la démocratie grecque :

L’élève a donc marqué la totalité des points sur la question alors qu’autrement il n’aurait eu, au mieux, que la moitié.

Alors, certains esprits chagrins déploreront peut-être que l’élève soit trop aidé, mais l’essentiel n’est-ce pas d’apprendre à apprendre et de s’assurer qu’il a appris quelque chose ? Le numérique me permet à la fois d’envisager le groupe classe et le parcours de chaque élève et donc de différencier. Mais au passage, le numérique permet davantage. Par ce système d’évaluation intermédiaire, certains élèves prennent ou retrouvent confiance. Cela participe également d’une relation pédagogique où l’élève perçoit que ces dispositifs sont là pour l’aider à réussir.