Né aux Pays-Bas, Michael Wijnen ne connaissait rien aux grands crus avant son arrivée en France, en 1981. / P. Parillaud

« Je l’ai bu à Londres avec mon amie. Après cela, nous avons baisé comme des fous ! » Michael Wijnen se souvient avec jubilation d’Iggy Pop, fringant militant septuagénaire du « sex’n’wine’n’rock’n’roll », lui contant comment il avait apprécié la bouteille de Petrus, offerte quelques semaines plus tôt. « J’ai toujours aimé aborder les chanteurs et les musiciens autrement que par les histoires de disques et de contrats. Le vin m’en a souvent fourni
l’occasion »,
raconte cet ancien cadre de l’industrie du disque reconverti dans le commerce
de bouteilles d’exception et la constitution de caves. « Je réalise aujourd’hui mon rêve, fournir de grands vins à de grandes personnalités. »

Son patronyme a beau signifier « vins » en néerlandais, Michael Wijnen n’est pas né la vigne dans le sang. Originaire du sud des Pays-Bas, il a d’abord hérité de la passion de son père pour l’ethnomusicologie. Collectionneur, à son tour, de vinyles millésimés de blues et de doo-wop, le jeune Michael ne connaît rien aux grands crus avant son arrivée en France, en 1981.

Affinités extramusicales

À Paris, il étudie l’histoire de l’art contemporain, puis le journalisme. Un jour, un camarade de fac lui apporte une bouteille de bourgueil, vinifié par ses parents. « Cette histoire de viticulture m’a fasciné et m’a donné le goût du vin », confie le désormais habitant de l’île Saint-Louis.

« Neil Young et moi avons passé des heures à comparer l’impact émotionnel de la musique et du vin. » Michael Wijnen

Pigiste, il disserte musique dans les colonnes du magazine Actuel ou sur les ondes de Radio Nova, avant de mettre un premier pied dans l’industrie du disque. Après une expérience à la Fnac, il intègre Warner Music France, dont il devient le directeur général. Pendant une douzaine d’années, il lance les carrières d’Ophélie Winter, Bob Sinclar, Sniper, Dolly ou Hélène Ségara, et côtoie le gratin du catalogue international. En se découvrant des affinités extramusicales avec ses artistes. « Un soir de 1993, j’étais attablé au restaurant L’Ami Louis avec Neil Young et son manager. Comme je voyais que Neil avait l’air de s’y connaître, j’ai commandé une bouteille de Château Palmer 1986, puis de Ducru-Beaucaillou 1989. Neil a adoré et nous avons passé des heures à comparer l’impact émotionnel de la musique et du vin », relate-t-il sur son site Web.

Ces moments de partage se répètent avec d’autres connaisseurs comme les chanteurs Chris Rea et Paolo Conte, ou Madonna, fan des champagnes Krug. Michael Wijnen initie AC/DC aux grands bourgognes, déguste en coulisses du Sassicaia avec le rappeur Jay Z, grand amateur de ce nectar toscan. Accompagné de ses vedettes, il se fait ouvrir les portes des plus beaux vignobles, apprend à mieux déguster, creuse ses connaissances jusqu’à prendre des cours d’œnologie.

Antony Huchette pour M Le magazine du Monde

Après un passage à EuropaCorp, puis à Sony Music, sa passion du vin finit par prendre le dessus. Une idée a germé : profiter de son réseau dans le show-business pour conseiller et fournir ces amateurs fortunés en raretés et crus d’exception. Encore lui faut-il le sésame de ces caves d’Ali Baba.

Durant ses luxueuses années d’apprentissage, le Néerlandais est devenu proche de beaucoup de viticulteurs et propriétaires, dont Jean Moueix qui, à 31 ans, dirige Petrus, le « pape » des pomerols, mais aussi Duclot, l’un des plus importants négociants du Bordelais. C’est avec lui que Michael Wijnen a constitué un catalogue de près de 10 000 références, parmi lesquelles des introuvables comme le Petrus 1989, le La Mission Haut-Brion 1982, un Domaine de la Romanée-Conti 1966 ou le Château Margaux 1955. Évidemment, pas ici de « bordeaux bashing ». « On peut raconter ce qu’on veut, mais avec quelques grands bourgognes et grands vins du Rhône, les bordeaux sont les seuls à se sublimer dans le vieillissement », gage Wijnen, encore fasciné par la dégustation d’un Pichon-Longueville 1928.

Dans un marché miné par la crainte des fausses bouteilles, des origines et des parcours mal contrôlés, le tandem Wijnen-Duclot offre des garanties inestimables : « Tous nos vins proviennent directement des caves des châteaux et n’ont jamais vu la lumière », assure l’ex-patron de maison de disques.

Satisfaire des esthètes… ou des capricieux

Après un premier client français – le producteur de spectacles Thierry Suc, qui a offert un jéroboam (une bouteille de trois litres) de Château Lafleur 2000 à Yannick Noah –, Wijnen a fait fructifier son carnet d’adresses internationales (60 % de sa clientèle est américaine). Artistes, managers, agents, producteurs lui ont confié les clés de leur cave. Parfois en vrais esthètes, parfois en riches capricieux.

« Je ne vends rien sur Internet, précise le consultant. Je me déplace toujours pour rencontrer mes clients. » Ayant élargi sa palette d’acheteurs bien au-delà du milieu de la musique, il s’envolera bientôt pour Miami rencontrer une star de la NFL (la ligue de football américain) qui, la trentaine venue, a décidé d’investir dans les plaisirs épicuriens. « Je vais lui apporter quelques bouteilles pour appréhender ses goûts, précise Michael Wijnen. Je lui parlerai de ces vins, pour lui faire comprendre leur caractère et leur histoire, sans trop entrer dans les détails techniques. Après tout, quand on écoute le nouvel album de U2, qu’importe le nom de la console d’enregistrement. L’essentiel reste les chansons. »