Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, en août 2017. / MOHAMAD TOROKMAN / REUTERS

Encore trois mois. C’est le délai que réclament les Etats-Unis pour mettre un terme à leurs consultations auprès des protagonistes du conflit israélo-palestinien et des acteurs régionaux. Consciente de l’impatience de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, la Maison Blanche n’est pas en capacité de proposer un plan d’action à ce stade. Tel est le message que doit transmettre Donald Trump au vieux « raïs » au cours de leur entretien à New York, jeudi 21 septembre.

« Les Américains se rendent compte que c’est beaucoup plus difficile que prévu, souligne un diplomate européen. Le conflit est descendu dans la liste de leurs priorités. » Ce n’est pas, bien sûr, la tonalité officielle. Benyamin Nétanyahou a rencontré M. Trump, lundi 18 septembre, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU. Le président des Etats-Unis a estimé qu’il existait « une bonne chance » d’atteindre la paix. Le premier ministre israélien a aussi vu le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, qui souhaite s’impliquer comme médiateur.

Le conseiller et gendre de Donald Trump, Jared Kushner, l’avocat Jason Greenblatt et l’ambassadeur des Etats-Unis en Israël, David Friedman, sont les trois hommes désignés par le président états-unien pour relancer un cycle de négociations. Ils ont rencontré Mahmoud Abbas et ses conseillers à plus de vingt reprises depuis huit mois. Et ce, sans se prononcer clairement en faveur de la solution à deux Etats ni prendre position sur l’extension des colonies. Un flou aussi remarquable régnait pendant la visite de M. Trump dans la région, à la fin de mai.

Jared Kushner ne maîtrise pas les subtilités du Proche-Orient. Les Palestiniens raillent en privé son ignorance

L’irritation palestinienne est forte à l’égard de Washington, dont l’approche du conflit est jugée biaisée et pro-israélienne, même si pour l’heure l’ambassade n’a pas été déménagée de Tel-Aviv à Jérusalem. Jared Kushner ne maîtrise pas les subtilités du Proche-Orient. Les Palestiniens raillent en privé son ignorance.

David Friedman est un partisan connu des colonies, opposé à un Etat palestinien. Quant à Jason Greenblatt, prudent et cordial, il semble prolonger sans fin la discussion, sans lui donner d’orientation. « A chaque fois que je reçois Greenblatt, je répète toujours la même chose sur nos demandes, il m’écoute, et puis il ne propose rien », expliquait M. Abbas à un visiteur étranger au début d’août.

« Cette administration américaine a choisi une méthode très lente et prudente. Mais on s’approche du moment où les problèmes fondamentaux devront être abordés, prévient Nikolaï Mladenov, coordinateur spécial de l’Organisation des Nations unies pour le processus de paix. Cela implique notamment de définir comme issue des négociations la solution à deux Etats, qui fait l’objet d’un consensus international. Il n’y a pas d’autre façon de permettre aux aspirations nationales légitimes des Palestiniens et des Israéliens de se réaliser. »

Pour l’heure, M. Abbas et ses conseillers se gardent d’exprimer publiquement leur mécontentement. En outre, le président de l’Autorité palestinienne n’est pas prêt à abandonner le tracé de toute sa carrière depuis vingt-cinq ans : la non-violence et la tenue de négociations. Cela impliquerait des mesures radicales, comme la fin réelle de la coordination sécuritaire avec les Israéliens, voire le sabordage de l’Autorité palestinienne, remplacée par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Un des rares atouts de M. Abbas est le recours à la Cour pénale internationale contre des responsables israéliens, démarche dont les Américains veulent le dissuader.

« Chantage »

« Washington met la pression sur les pays arabes, qui, eux, mettent la pression sur “Abou Mazen” [surnom de M. Abbas], résume Hanan Ashrawi, membre du comité exécutif de l’OLP. Les Etats-Unis ont une approche régionale. Ils veulent d’abord parvenir à de meilleures relations entre les pays arabes et Israël, en mettant à l’initiative de paix arabe la tête à l’envers. » Cette initiative, formulée en 2002, reposait sur l’idée qu’en échange d’un plan de paix israélo-palestinien, les pays arabes établiraient des relations diplomatiques avec l’Etat hébreu.

Or, Benyamin Nétanyahou, cerné par les scandales et contraint par une majorité très à droite, estime possible de promouvoir cette avancée historique avec les pays arabes, tout en mettant le conflit de côté. Il préfère parler coopération sécuritaire et projets économiques régionaux, un thème qui plaît à l’administration Trump.

« Comme toujours, on veut donner des récompenses à Israël et faire du chantage aux Palestiniens », déplore Hanan Ashrawi. Celle-ci estime que la direction palestinienne doit adopter une nouvelle stratégie. « L’Autorité palestinienne veut être positive jusqu’à la dernière minute, sans insulter personne. Mais pourquoi devrions-nous être les seuls gentils enfants bien sages ? »