Les actions pour la défense de l’environnement nécessitent parfois une dose d’absurde pour attirer l’attention. Pour rappeler qu’un amoncellement de déchets plastiques, de la taille d’un pays européen moyen, flotte depuis plus de vingt ans au milieu de l’océan Pacifique, le site LADbible et l’ONG Plastic Oceans Foundation ont monté une campagne médiatique pour demander que l’île de détritus soit reconnue par l’ONU comme le 196e pays de notre planète.

L’idée est de profiter de l’assemblée générale de l’ONU, qui se déroule cette semaine à New York, pour interpeller la communauté internationale en exigeant la création des « Trash Iles », que l’on peut traduire par « Iles Poubelles ».

Les organisateurs encouragent ceux qui voudraient s’impliquer à signer une pétition (107 000 signataires actuellement) qui sera adressée au secrétaire général, Antonio Guterres, et à devenir citoyen des Iles Poubelles. Al Gore, ancien vice-président américain reconverti dans la défense de l’environnement en est le « premier citoyen » et prête son image à la campagne. Des graphistes ont imaginé un passeport et une devise, le « débris », déclinée en billets tous plus déprimants les uns que les autres. Pour aller au bout de leur idée, les militants promettent aussi un hymne national, des élections et une équipe de football.

Mario Kerkstra

Mario Kerkstra

Mario Kerkstra

Si l’amas de plastique flottant dans le Pacifique devient effectivement un pays, arguent-ils, les Iles Poubelles seront protégées par les traités environnementaux signés par les autres membres de l’ONU, et devront être nettoyées – et donc disparaître.

Une demande officielle a été déposée, et il n’y a pas la moindre chance qu’elle aboutisse. Mais ce lobbying a le mérite d’introduire la question du plastique dans l’océan dans la conversation médiatique et politique, et de rappeler que tous les ans près de neuf tonnes de déchets sont jetées dans les océans. Comme l’écrit LadBible :

« Si vous pensez que tout ceci est ridicule, alors rendez-vous compte qu’il y a une zone de la taille de la France couverte avec des déchets plastiques dans l’océan. »
« L’image d’un continent sert à sensibiliser le grand public. »

Si on l’appelle bien « le 7e continent de plastique » ou « la Grande parcelle de déchets du Pacifique », la concentration qui flotte dans l’océan n’est pas vraiment cette île qu’on imagine, faite de bouteille et de sacs.

Les expéditions successives qui l’ont étudiée depuis sa découverte fortuite en 1997 la décrivent plutôt comme une « soupe », qui n’est pas visible depuis les airs mais s’étendait, en 2012, sur une zone de 3,4 millions de kilomètres carrés. Elle est constituée en grande partie de « particules » produites par des activités quotidiennes comme conduire une voiture ou laver son linge et qu’on trouve dans les enduits de bateau, les marquages routiers, les cosmétiques ou la poussière urbaine. L’océanographe François Galgani la décrivait au Monde ainsi :

« L’image d’un continent sert à sensibiliser le grand public, mais ne rend pas compte de la réalité. Il s’agit plutôt d’une multitude de microplastiques, d’un diamètre inférieur à 5 mm, en suspension à la surface ou jusqu’à 30 mètres de profondeur, difficiles à voir de loin. Mais quand on puise dans l’eau, on en remonte une quantité impressionnante. »

Cette « parcelle », dans le nord du Pacifique, n’est pas la seule. Si elle est la plus étendue, on en retrouve des similaires dans cinq grands bassins océaniques : le Pacifique Sud, l’Atlantique Nord et Sud et l’océan Indien.

D'immenses plaques de déchets flottent sur tous les océans du monde. / Le Monde

Cinq zones qu’on appelle « gyres océaniques », où ont échoué au moins 269 000 tonnes de détritus amenés par les courants marins et de la force centripète qui les aspire lentement vers le centre de la spirale. Ces plastiques, essentiellement des résidus de polyéthylène, de polypropylène et de polyéthylène téréphtalate (PET), ne sont pas détruits par les micro-organismes et restent à flotter éternellement, polluant l’écosystème marin. Le plus inquiétant est qu’il s’agit, littéralement, de la partie émergée d’un iceberg de pollution puisque les scientifiques pensent que celle qui est immergée est encore plus grande.