Dans le locaux de KissKissBankBank, en novembre 2016. La plate-forme est tombée dans l’escarcelle de La Banque postale, fin juin 2017. / BERTRAND GUAY / AFP

L’ère des pionniers du financement participatif est désormais révolue. De la multitude de sites Internet qui ont tenté l’aventure du crowdfunding, en demandant à la « foule » de financer des projets présentés sur leur site, il ne reste aujourd’hui que quelques gagnants et beaucoup de perdants.

Une seule plate-forme de financement participatif est ainsi parvenue à percer sur le marché du crédit à la consommation, une activité fortement régulée pour laquelle un agrément spécifique reste nécessaire. Younited Credit s’est lancée fin 2011, après avoir attendu deux ans ce sésame. Sa trajectoire inspire aujourd’hui confiance aux investisseurs : la société a annoncé, mardi 19 septembre, avoir levé 40 millions d’euros auprès de ses actionnaires historiques (Eurazeo, Crédit mutuel Arkéa, AG2R La Mondiale…) rejoints notamment par Matmut Innovation et, surtout, par Bpifrance, la banque publique d’investissement qui, selon nos informations, a investi plus de 15 millions d’euros.

La plate-forme de prêts aux particuliers ne devrait pourtant pas être rentable avant le premier semestre 2019, mais elle a su « vendre » sa croissance dynamique. En mettant en relation des emprunteurs avec des prêteurs aux profils variés (des investisseurs institutionnels le plus souvent, mais aussi des particuliers), l’entreprise a permis d’octroyer plus de 600 millions d’euros d’encours de crédits depuis sa création. Elle recense aujourd’hui 70 000 clients et a déjà démarré une activité en Italie et en Espagne.

Appel d’air

« Les fonds que nous venons de lever vont nous permettre de nous lancer dans de nouveaux pays d’ici à la fin de 2019. Nous regardons le Portugal, l’Allemagne et les pays de l’Est, détaille Charles Egly, cofondateur de Younited Credit. Nous voulons également investir dans l’intelligence artificielle, les chatbots, et construire une plate-forme que nous pourrions proposer en marque blanche à des partenaires, par exemple des assureurs ou des opérateurs de téléphonie mobile. »

Sur le marché des prêts aux petites entreprises, la bagarre entre plates-formes s’est révélée plus rude, et beaucoup de start-up n’ont tout bonnement pas survécu. Lorsque le gouvernement a ouvert une brèche dans le monopole bancaire, en encadrant, en octobre 2014, ce nouveau type de prêts aux TPE et aux PME, il a créé un véritable appel d’air. « Nous étions alors une soixantaine d’acteurs sur la ligne de départ, remarque Olivier Goy, président de la plate-forme Lendix, leader du secteur. Aujourd’hui, les volumes de prêts sont concentrés sur une petite dizaine de sociétés. A nous seul, nous avons prêté depuis le début de l’année cinq fois plus que le numéro deux, Credit.fr. »

Le niveau des prêts reste modeste

Après des débuts en fanfare, une vingtaine de ces jeunes pousses de la finance participative ont finalement été radiées. Lendix a racheté Finsquare, un de ses concurrents mal en point, et d’autres ont discrètement fermé boutique, faute d’activité.

Le niveau des montants prêtés reste d’ailleurs très modeste. Sur les huit premiers mois de l’année, la production de Lendix en France s’élève à 42 millions d’euros, et celle du numéro dix du secteur, Les Entreprêteurs, n’atteint que 800 000 euros, selon le baromètre Crowdlending.fr. Rien qui, à ce stade, ne soit en mesure de chatouiller les banques.

« Pour émerger sur ce marché, il faut faire du volume. Une plate-forme doit prêter une centaine de millions d’euros par an pour être rentable. Il faut avoir les reins solides, analyse Olivier Goy. Faute de moyens, nombre de plates-formes se sont essoufflées. »

Ce secteur du crowdfunding à destination des PME, jusque-là un peu flottant, a toutefois amorcé un virage important au début de l’été. Deux acteurs financiers ont racheté coup sur coup des plates-formes : La Banque postale a annoncé, le 28 juin, avoir mis la main sur KissKissBankBank et son site de prêts aux entreprises Lendopolis, puis, le lendemain, la société de gestion Tikehau Capital reprenait Credit.fr. « C’est une bonne nouvelle, déclare le président de Lendix. Le secteur va devenir plus dynamique. Ces concurrents plus robustes vont nous aider à évangéliser le marché. »