Le président de l’UEFA, Aleksander Ceferin, le 14 septembre, à Athènes. / ARIS MESSINIS / AFP

Qui connaît Aleksander Ceferin, 49 ans, l’homme le plus puissant du football européen ? Pas la plupart des amateurs du ballon rond, qui ignorent encore le patronyme du président de l’Union des associations européennes de football (UEFA). Sans faire de vagues, le Slovène pilote la puissante confédération depuis un an et son élection, le 14 septembre 2016, lors du congrès de l’instance à Athènes. Ce jour-là, cet obscur avocat en droit criminel et commercial battait dans les urnes (42 voix contre 13) le Hollandais Michael Van Praag et devenait ainsi le septième patron de l’organisation. Le premier issu de l’ex-bloc de l’Est.

Soutenu notamment par les Scandinaves, la Russie, l’Allemagne et la France, le président de la Fédération slovène (2011-2016) succédait ainsi à Michel Platini, défenseur autoproclamé des petites nations du continent, inventeur du fair-play financier (FPF), et suspendu quatre ans par la Fédération internationale de football (FIFA). Habile et discret, Ceferin célèbre sa première année de règne, mercredi 20 septembre, lors du 13e congrès extraordinaire de l’UEFA, organisé à l’hôtel Président Wilson de Genève.

« Les choses avancent »

Devant les patrons des 55 fédérations nationales membres de l’instance, le dirigeant devrait faire l’inventaire des réformes lancées depuis son intronisation, à commencer par l’instauration de limites de mandat (trois de quatre ans) pour le président et les membres de son gouvernement.

Largement renouvelé au printemps, le comité exécutif compte désormais de nombreux partisans du « roi Ceferin ». « Cette année a été extrêmement positive pour l’UEFA et pour le futur du football européen, insiste l’Italien Michele Uva, élu en avril au gouvernement de l’UEFA. Je résumerai ainsi en trois mots la première année de Ceferin : transparence, vision et travail d’équipe. Recueillir l’héritage de Michel Platini ainsi que d’une UEFA non sans problème n’a pas été facile pour Aleksander Ceferin. Les réformes promises ont été mises en œuvre et d’autres sont en cours. »

« Désormais, au comité exécutif, les élus sont soit présidents, vice-présidents ou DG dans leur fédération respective, salue Florence Hardouin, numéro 2 de la Fédération française de football (FFF) et seule femme à siéger au comité exécutif de l’UEFA. Les interlocuteurs sont en responsabilité et ne sont pas déconnectés des sujets ou en contradiction avec leur fédération. C’est un plus pour travailler et avancer efficacement, plus vite et en cohérence sur les dossiers. »

Patronne de la commission marketing de l’UEFA, Florence Hardouin loue tout particulièrement le mode de gouvernance du dirigeant slovène, « discret et bosseur ». « Il fait ce qu’il a dit et il dit ce qu’il a fait. Il est carré. Il a, par exemple, institué un principe d’appel d’offres systématique pour l’attribution des compétitions, des finales », développe-t-elle.

Une fois élu, Aleksander Ceferin a d’emblée été confronté à la très controversée réforme de la Ligue des champions, actée en août 2016 par le comité exécutif. Une refonte de la compétition qui permettra, de 2018 à 2021, aux quatre pays classés en tête à l’indice UEFA (Espagne, Allemagne, Angleterre, Italie) d’avoir quatre formations directement qualifiées pour la phase de poules. Soit la moitié des 32 clubs en lice. « Ceferin a dû entériner la décision car il a été mis devant le fait accompli », estime un ex-cadre de l’UEFA.

Le dirigeant slovène a aussi tendu la main à l’influente Association européenne des clubs (ECA), actuellement présidée par Andrea Agnelli, le patron de la Juventus Turin. « L’harmonie avec les clubs et l’ECA est revenue grâce à Ceferin. C’est un point fondamental », juge Michele Uva.

Zones d’ombre

Pour diriger l’administration de l’UEFA, Aleksander Ceferin a fait venir à Nyon sa garde rapprochée slovène mais s’est aussi appuyé sur certains hommes en place, comme le secrétaire général grec Theodore Theodoridis, apprécié en interne pour sa rondeur. Son cabinet est, par ailleurs, composé des Français Kevin Lamour, ex-proche collaborateur de Michel Platini, et Nathalie Iannetta, ex-conseillère sport du président François Hollande (2014-2016). Le quadragénaire est aussi resté proche de son prédécesseur, Michel Platini.

La fulgurante ascension politique du juriste slovène est striée de zones d’ombre. Sa proximité avec son compatriote Tomaz Vezel, patron de la commission d’audit et de conformité de la FIFA, interpelle.

La chute de l’Espagnol Angel Maria Villar, ex- « vice-président senior » de l’UEFA et ancien numéro 2 de la FIFA, mis en examen pour des soupçons de détournements de fonds et d’abus de confiance, marque toutefois un changement de cycle à Nyon.

« Même si le comité exécutif demeure une chambre d’enregistrement, on a l’impression d’assister à un retour à la normale à l’UEFA, témoigne un ancien dirigeant de la confédération. L’atmosphère était lourde lorsque Gianni Infantino était secrétaire général (2009-2016). Les murs avaient des oreilles. Les gens étaient dans la parano. Là, personne ne se plaint de Ceferin, qui n’a pas commis d’erreur. »

Eternelle barbe de trois jours, regard pénétrant, l’affable Ceferin se fait discret avec les médias depuis son élection. « Je ne suis pas un showman », répète-t-il. Or, il s’est posé cet été en pourfendeur des « inégalités ». Dans les colonnes du magazine slovène Mladina, il a lancé l’idée « révolutionnaire » d’un salary cap, afin d’encadrer la masse salariale des clubs. Le président de l’UEFA a également été en première ligne alors que le Paris-Saint-Germain fait l’objet d’une enquête de l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC) dans le cadre du fair-play financier, ce mécanisme introduit en 2011 et en vertu duquel les équipes européennes ne doivent dépenser plus qu’elles ne gagnent sous peine de sanction.

« La gestion des cas PSG et Manchester City »

« Si je veux être aussi populaire que Michel [Platini], je sais que je dois exclure le PSG des Coupes européennes », aurait-il déclaré, selon L’Equipe, lors d’une réunion avec des cadres de l’ECA. Si l’UEFA a démenti « les propos faussement attribués à son président », cette indiscrétion relayée par le journal sportif a fait trembler les murs à Nyon, où on défend l’indépendance des enquêteurs de l’ICFC.

Les folles dépenses estivales du PSG (415 millions d’euros) et de Manchester City (242 millions d’euros), deux clubs sous pavillons qatari et émirati, marquent-elles un tournant pour Ceferin, contraint de lancer la refonte du fair-play financier ? « Son plus grand défi est la gestion des cas PSG et Manchester City face aux autres grands clubs. C’est là-dessus qu’il peut laisser sa marque », confie un « ancien » de l’UEFA.

Gianni Infantino et Vitaly Mutko, le 9 septembre, à Moscou. / Ivan Sekretarev / AP

A l’échelle mondiale, le Slovène ne s’exprime guère sur les affaires de la FIFA, dont il est l’un des vice-présidents. Ceux qui ont conversé avec lui croient, pourtant, en sa volonté farouche de dénoncer les scandales qui minent l’instance mondiale, entachée par des soupçons d’ingérence sous le règne de Gianni Infantino, élu en février 2016. En tant que patron de la commission d’organisation des compétitions de la Fédération internationale, Ceferin joue un rôle majeur. Il supervise notamment les préparatifs de la Coupe du monde 2018, qui aura lieu en Russie.

La Russie s’est d’ailleurs invitée au congrès extraordinaire de l’UEFA puisqu’un nouveau membre européen du comité exécutif de la FIFA devait y être élu pour quatre ans. Un seul candidat était en lice : le Russe Alexei Sorokin, directeur général du comité d’organisation du prochain Mondial. Ce dernier remplacera au gouvernement de la FIFA son compatriote et controversé « patron » Vitaly Mutko. Vice-premier ministre de Vladimir Poutine et numéro 1 de la Fédération de football de Russie, ce dernier a vu son nom associé aux scandales de dopage qui concernent de nombreux sportifs de son pays. En avril, la candidature de Mutko à un nouveau mandat à la FIFA a été rejetée par le comité de gouvernance de l’instance planétaire.

Ce tour de passe-passe électoral entre Russes ne devrait toutefois guère susciter de remous lors du « conclave » de l’UEFA, dont le maître de cérémonie s’appelle Aleksander Ceferin.