François de Rugy, à l’Assemblée nationale, le 9 août. / JACQUES DEMARTHON / AFP

François de Rugy aime à répéter qu’il a été élu pour « présider mais aussi réformer l’Assemblée nationale ». Mercredi 20 septembre, l’ancien écologiste, installé au perchoir sous la bannière de La République en marche, a dévoilé un nouvel axe de tentative de transformation de l’institution. Il présentait dans la matinée la composition et la feuille de route des sept groupes de travail qui vont être chargés, à partir de la semaine prochaine, de réfléchir à la rendre « plus démocratique, plus efficace et plus moderne », avec pour objectif de « préparer une Assemblée nationale nouvelle pour la prochaine législature ».

Sur le papier, le projet ne manque pas d’ambitions. « Il s’agit de passer en revue, en cinq ans,
l’ensemble des procédures et de l’organisation »
du Palais-Bourbon, a précisé François de Rugy. Pour ce faire, le président de l’Assemblée nationale propose des axes de réforme (statut des députés, statut des collaborateurs parlementaires, procédure législative, contrôle et évaluation, développement durable, transparence, démocratie numérique et participation citoyenne) mais aussi une méthode, sur cinq ans. Les groupes travailleront à partir d’une feuille de route renouvelée tous les six mois à l’issue desquels ils devront émettre des propositions. Celles-ci seront soumises à l’approbation du bureau de l’Assemblée nationale, et pourront déboucher dans la loi. Le calendrier sera accéléré pour les premiers mois d’existence de ces groupes. Ils devront présenter des propositions dès le mois de décembre, leurs travaux pouvant enrichir la réforme constitutionnelle prévue pour l’été prochain.

Le projet lancé par M. de Rugy s’inscrit en effet dans la droite continuité de cette dernière, qui doit conduire à la baisse d’un tiers du nombre de parlementaires, à la limitation du cumul des mandats dans le temps et à l’introduction d’une dose de proportionnelle. Après la loi de moralisation, qui a acté la transformation de l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) et la fin de la réserve parlementaire, après la suppression, cet été, par le bureau de l’Assemblée nationale, de certains avantages accordés aux députés, dont leur régime de retraite, le projet présenté mercredi est un nouveau pas vers le Parlement à la mode Macron.

« Protéger la parole de l’opposition »

Le président de la République a d’ailleurs déjà des idées assez précises à ce sujet. L’un des groupes de travail se penchera par exemple sur la réforme de la procédure parlementaire, que le chef de l’Etat veut plus rapide et plus efficace. Dans son programme, il proposait d’« appliquer par défaut la procédure accélérée », pour limiter le nombre de lectures des lois dans les deux chambres. Figurait aussi une proposition devenue très populaire chez les députés de la majorité depuis leurs débuts : « Interdire que des amendements écartés en commission soient à nouveau examinés en séance publique. »

Devant le congrès, Emmanuel Macron avait par ailleurs ouvert la voie à un vote de la loi en commission. Ce sera l’un des points sensibles de ces réformes. « Il faut être attentif à ce que, sous couvert d’accélération, on ne mette pas à mal les fondamentaux du travail législatif », rappelle Olivier Rozenberg, professeur à Sciences Po Paris et spécialiste des questions parlementaires, qui ajoute : « Un Parlement, cela sert à perdre du temps pour enrichir un texte et protéger la parole de l’opposition. » La conduite des travaux reposera dans les mains d’un binôme d’experts. Jean-Luc Warsmann (LR Constructifs), ancien président de la commission des lois, sera épaulé de Jean-Michel Clément, député LRM, transfuge du PS élu depuis 2007. Un lot de consolation pour celui qui était promis à la présidence de la commission des lois. Il s’en était vu écarté au profit d’une députée novice.

Le casting des 70 élus qui participeront à ces travaux la première année dénote une certaine habileté politique, notamment dans la place qu’il réserve aux députés expérimentés. Si, dans un souci de pluralité, une présidence de groupe de travail a été confiée à un élu de chaque groupe parlementaire, un poste de rapporteur a été systématiquement attribué à la majorité (LRM ou MoDem). Cela a permis à des députés sortants, ralliés à LRM, qui avaient été tenus à l’écart des responsabilités lors de la répartition des postes-clés en juillet, de prendre des fonctions. C’est le cas d’Yves Blein, député du Rhône, qui sera rapporteur du groupe de travail sur la question du statut et des moyens des députés, sous la houlette de la députée LR Virginie Duby-Muller.

Chantiers tous azimuts

L’ouverture souhaitée à l’ensemble des groupes parlementaires ne pourra toutefois être jugée qu’à l’aune de ce qu’il adviendra des travaux. « J’ai le calme des vieilles troupes », réagit Christian Jacob, patron des députés Les Républicains. On ne se fait pas d’illusion, à l’arrivée c’est la majorité qui décidera. » Tout repose dans la véritable capacité des parlementaires à s’émanciper des propositions d’Emmanuel Macron mais aussi dans la capacité du projet à tenir dans la durée, au-delà des effets d’annonce et du calendrier constitutionnel.

« Chaque président a son projet de modification du règlement », rappelle encore M. Jacob. Plusieurs des feuilles de route dévoilées mercredi ont d’ailleurs pour première mission d’évaluer les effets de la réforme de 2008, l’une des plus ambitieuses en la matière. Cette dernière avait notamment renforcé les fonctions de contrôle de l’Assemblée nationale, l’un des aspects qu’Emmanuel Macron veut à son tour consolider, alors que certains des outils existants en la matière sont aujourd’hui sous-utilisés ou peu mis en valeur. Autre axe de réflexion : la plus grande implication des citoyens dans le processus législatif. François de Rugy a demandé au groupe « démocratie numérique et participation citoyenne » de lancer une grande consultation publique sur l’association des citoyens aux procédures parlementaires. Le président de l’Assemblée lance des chantiers tous azimuts en ce début de mandat. « Il joue son image », rappelle le politologue Olivier Rozenberg. D’autant que le calendrier est aussi serré pour lui aussi. Il a promis qu’il remettrait son mandat de président en jeu après deux ans et demi d’exercice. Un projet de réforme réussi pourrait l’aider à ne pas être menacé.