Georges Tranchant, fondateur et actuel président du groupe Tranchant, en 2004. / FRANCOIS GUILLOT / AFP

Faut-il privatiser la Française des jeux, comme l’envisage le gouvernement ? Oui, banco !, répond Georges Tranchant. A 88 ans, l’homme d’affaires, toujours président du groupe de casinos qu’il a fondé, vient d’écrire au ministre de l’économie pour lui faire part de son intérêt de façon formelle. Sans même attendre que l’Etat prenne une décision de principe et lance cette éventuelle cession d’actifs.

« Il semble envisageable que l’Etat cède tout ou partie de sa participation dans la Française des Jeux, note M. Tranchant dans son courrier à Bruno Le Maire daté du 7 septembre. Si tel était le cas, nous souhaiterions participer à cette privatisation et au rachat de la participation de l’Etat », qui détient actuellement 72 % du capital de l’exploitant du Loto.

Le patron du groupe Tranchant le reconnaît volontiers : même s’il fait partie des 500 plus grandes fortunes de France, il ne se voit pas racheter seul la Française des jeux, qui pourrait valoir 2 à 3 milliards d’euros, voire davantage. Son groupe de jeux et d’hôtels n’est que le quatrième opérateur de casinos de l’Hexagone, avec un produit des jeux annuel limité à 240 millions d’euros.

M. Tranchant aimerait néanmoins disposer d’un « droit de regard » sur l’évolution de la Française des jeux, le principal opérateur de jeux du pays, explique-t-il au Monde. Il se propose donc de constituer une société qui aurait pour unique fonction d’acheter tout ou partie des actions de l’Etat. Son groupe de casinos participerait évidemment à l’aventure, mais à titre minoritaire : « Nous pourrions avoir entre 0,5 % et 10 % du capital. » Le reste des titres reviendrait à d’autres professionnels français du secteur, des casinotiers comme Barrière ou JOA, des sociétés de poker en ligne, et des financiers.

« C’est une occasion d’attirer l’attention »

Le tout est à ses yeux que la Française des jeux reste sous contrôle tricolore : « Je ne voudrais pas que l’Etat vende à un fonds américain, à un autrichien ou au propriétaire de Lottomatica, la loterie italienne », dit-il.

L’Etat donnera-t-il suite à cette offre de services de M. Tranchant ? L’ancien député RPR des Hauts-de-Seine (1978-1993), longtemps proche de Charles Pasqua, sait que les exploitants de casinos traînent une sale réputation. « Valises de billets, coke, mitraillettes : on nous prend pour des mafieux, des gangsters de films américains !, s’amuse-t-il. En réalité, nous sommes des industriels cohérents, sérieux, et qui créent des emplois. »

Au-delà de l’hypothétique privatisation de la Française des jeux, le patriarche des casinos aimerait surtout que sa candidature incite l’Etat à mettre de l’ordre dans le monde du jeu. « C’est une occasion d’attirer l’attention sur la dispersion de toutes les structures de tutelle et d’encadrement du secteur », souligne-t-il. Un foisonnement déjà relevé par la Cour des comptes, puis par les députés Régis Juanico (PS) et Jacques Myard (LR) dans un rapport publié en février. Jugeant l’organisation actuelle « complexe », « obsolète » et « peu réactive », les deux parlementaires suggéraient de confier la régulation des jeux d’argent et de hasard à une autorité indépendante unique.

M. Tranchant, lui, aimerait faire fonctionner un Comité consultatif des jeux tel qu’il avait été prévu par l’ancien sénateur (UMP) François Trucy. Pour le moment, Bercy n’a pas répondu à son courrier.