Crue de la Seine, canicules, attentats… Si Paris a eu ces dernières années l’occasion de tester sa capacité à surmonter des crises violentes, elle pourra être confrontée de nouveau à de tels aléas. Fruit de deux années de travail, la ville a élaboré une « stratégie de résilience », qui sera soumise au vote du Conseil municipal lundi 25 septembre. Celle-ci doit lui permettre d’être plus résistante et de se préparer à faire face à des chocs, prévisibles comme imprévisibles.

Pour définir ce plan, la ville s’est notamment appuyée sur le réseau « 100 Résilient Cities », une initiative de la Fondation Rockefeller pour accompagner les villes confrontées à une multiplication des menaces, tout en favorisant le partage d’expériences, les bonnes pratiques et solutions.

Cette stratégie de résilience, à laquelle Paris s’engage à dédier 10 % de ses investissements, se décline en 35 actions qui viennent renforcer différentes politiques déjà initiées pour adapter la ville aux évolutions du climat, améliorer sa qualité environnementale ou encore favoriser des modes de production et de consommation responsables. Au-delà des solutions techniques, cette stratégie se fonde sur une approche transversale des politiques de la ville, et sur une nouvelle forme de gouvernance favorisant la participation de l’ensemble des acteurs de la ville. Dès sa conception, Paris a mobilisé, à travers « des ateliers de la résilience », un grand nombre de parties prenantes : services de la ville, représentants de la Métropole du Grand Paris, agences publiques ou parapubliques, opérateurs de réseaux et services urbains, entreprises, start-up, chercheurs, associations, conseils de quartiers…

« L’idée est de remettre de l’humain dans les grandes politiques, que tout un chacun, à son échelle, participe, se mobilise et se responsabilise par rapport aux enjeux », explique Célia Blauel, adjointe à la Maire de Paris en charge de l’environnement. La Ville va ainsi créer un « réseau de citoyens solidaires et volontaires », qui pourront renforcer les moyens d’interventions des autorités en cas de crise majeure, comme au quotidien. Elle prévoit aussi d’accélérer et d’élargir le plan « Paris qui sauve », lancé après les attentats de novembre 2015 : l’objectif est qu’en 2030, 90 % des parisiens soient formés aux gestes qui sauvent et aux comportements à adopter face aux risques.

La cohésion sociale, clé de voûte de la résilience

Paris veut aussi faciliter l’occupation temporaire des espaces et équipements publics par les riverains, pour qu’ils puissent mieux se connaître, organiser ensemble des animations, des projets de convivialité et de solidarité. « Indépendamment des crises, il s’agit aussi de remettre du lien entre les gens, de renforcer la cohésion sociale. Une ville soudée et solidaire est une ville plus résiliente. Les réseaux qui se créent au quotidien sont des réseaux qui fonctionnent d’emblée le jour où l’on connaît une crise », insiste Célia Blauel

Plus solidaire au quotidien, Paris souhaite aussi adapter ses infrastructures. La ville veut s’inspirer de l’expérience de Rotterdam qui, face au risque d’inondation, a créé des bassins de rétention d’eau qui sont devenus de véritables espaces publics intégrés au quartier. Paris entend ainsi développer un « référentiel de voie résiliente » (matériaux adaptés aux différents risques, typologies de surfaces, mobiliers polyvalents…) avant d’aménager une ou plusieurs rues.

Autre action, cette fois inspirée d’une réalisation milanaise : la transformation des cours d’écoles en « oasis ». L’objectif est de débitumer progressivement ces espaces (qui représentent plus de 600 000 m2 à Paris) pour les végétaliser, et qu’ils deviennent de véritables îlots de fraîcheur en ville. « Il nous faut évoluer vers une ville plus respirable, plus verte, et dès lors mieux adaptée aux fortes chaleurs. Nous avons aussi besoin de multiplier les endroits où l’eau de pluie peut s’infiltrer dans le sol, et non plus partir dans les égouts, ce qui, en cas de crue de la Seine, aggrave la situation », souligne Célia Blauel.

Le projet le plus ambitieux de cette stratégie de résilience est la transformation du boulevard périphérique en avenue urbaine. La Ville propose « d’engager la mutation » de cette voie circulaire qui en enserre Paris, et qui constitue l’une des infrastructures les plus polluantes d’Ile-de-France. Une mutation qu’elle n’entend pas penser seule. Paris affirme vouloir engager cette réflexion en partenariat avec l’ensemble des collectivités de l’agglomération parisienne - la Métropole du Grand Paris, la région, les communes concernées - et le concours des experts et des citoyens.

Coopération avec les territoires environnants

« Initialement, les priorités de Paris étaient très axées sur les chocs et les stress liés au changement climatique. Mais à la faveur du processus d’élaboration de sa stratégie de résilience, la ville a évolué vers une prise en compte de l’ensemble des risques et des vulnérabilités auxquels elle est exposée. L’accent a été davantage mis sur les questions de cohésion sociale, de migrations et de coopération avec les territoires environnants », observe avec satisfaction Michaël Berkowitz, président de « 100 Résilient Cities ».

À travers sa stratégie de résilience, Paris affiche aujourd’hui sa volonté de recoudre le lien avec les territoires qui l’entourent, proches comme ruraux. Car la ville sait qu’elle ne peut pas répondre seule aux défis qui se posent à elle, qu’ils s’agissent des transports, des risques liés à la Seine, à l’alimentation, à l’énergie…

Soucieuse de diversifier ses sources d’énergies pour ne plus être dépendante d’une ou deux centrales nucléaires, tout en se projetant dans un avenir plus soutenable, la capitale est appelée à soutenir la production d’énergies renouvelables en Ile-de-France. De la même façon, si elle veut développer les circuits courts d’approvisionnement en alimentation, elle est amenée à coopérer avec les agriculteurs du bassin de la Seine.

Un projet est déjà à l’étude entre la Caisse des écoles du XIe arrondissement et des exploitants agricoles des environs, qui sont aidés par Eau de Paris pour évoluer vers une agriculture sans pesticides. La ville projette aussi d’installer, dès cet automne, des centres de co-working dans les communes rurales, pour ses agents dont les domiciles sont les plus éloignés. Ce sera là l’une des premières actions concrètes d’un pacte de collaboration territoriale qu’elle s’apprête à signer avec l’Association des maires ruraux et la Métropole du Grand Paris.