Documentaire sur France 3 à 23 h 15

Même ses adversaires n’y croient plus. Angela Merkel devrait remporter ­dimanche 24 septembre sa ­quatrième victoire aux élections législatives. Depuis des mois, la question n’est plus de savoir si elle va continuer de gouverner durant les quatre années qui viennent mais avec quel partenaire.

Comment cette physicienne ­venue d’un pays qui n’existe plus est-elle parvenue à s’imposer dans un monde politique dominé ­jusque-là par des hommes nés à l’Ouest, catholiques et souvent ­juristes ? A son tour, la documentariste Virginie Linhart tente de percer le mystère Merkel.

Le moins que l’on puisse dire est que la principale intéressée ne l’a pas aidée. Non seulement la chancelière accorde moins d’entretiens que le pape mais son entourage a compris la consigne.

Depuis que sa couturière a été ­remerciée pour avoir révélé qu’elle était… sa couturière, nul ne se ­hasarde plus à confier la moindre anecdote sur « la femme la plus puissante du monde ». Virginie Linhart doit donc, comme tout le monde, se contenter d’interroger quelques journalistes et quelques personnalités, certes intéressants, mais qui ne font pas partie du premier cercle, loin de là.

« Angela Merkel, une histoire allemande », de Virginie Linhart / FRANCE 3

Du coup, la réalisatrice s’est ­rabattue sur un autre matériau : les images d’archives. L’un des ­aspects les plus intéressants de son documentaire est de nous ­replonger dans l’ambiance de ­l’Allemagne de l’Est et d’avoir ­retrouvé des photos ou des films­ ­illustrant les premiers pas en ­politique de cette jeune femme sous-estimée par tous.

Se rendre à Templin, la petite ville de RDA où elle a été élevée au milieu d’enfants handicapés, permet de mieux comprendre la simplicité dont Angela ­Merkel continue de faire preuve aujourd’hui.

Si le témoignage de Lothar de Maizière, éphémère chancelier de l’Allemagne de l’Est élu démocratiquement en 1990 et à ce titre chaperon d’Angela Merkel, est désormais bien connu, celui de sa ­professeure de russe l’est moins. Certes, à l’école, Angela était excellente en russe – comme en fait dans toutes les matières –, mais « il faut qu’elle fasse des efforts pour être avenante », se souvient cette vieille dame qui tend l’oreille quand elle entend son ancienne élève parler russe avec Poutine.

Angela Merkel, en campagne électorale, en 1990, sur l’île de Rügen. / EBNER/ULLSTEIN BILD VIA GETTY IMAGES

Le deuxième intérêt de ce film, plein d’empathie pour Angela­ ­Merkel, est que ceux qui semblent le mieux la connaître et l’apprécier sont souvent des hommes de gauche, tels le ­cinéaste Volker Schlöndorff et ­Daniel Cohn-Bendit. Le premier, qui avait prédit que sa voisine d’immeuble devenue une amie ­serait un jour chancelière, se permet juste de constater que, « quand vous avez du succès, vous croyez être le seul à savoir bien faire », mais hésite à parler d’orgueil. Quant au second, il reconnaît apprécier la politique de Merkel dans deux ­domaines essentiels : la crise des réfugiés et la sortie du nucléaire.

Reste que le « mystère Merkel » n’est pas percé. Certaines clés ­fournies par le documentaire sont a priori contradictoires. Peut-on ­expliquer qu’Angela Merkel a adhéré à la CDU pour s’opposer à son père, un pasteur qui avait quelques sympathies pour le régime communiste, mais se référer à Luther pour tenter de comprendre sa ­générosité à l’égard des réfugiés ?

De même, alors que Bruno Le Maire, ministre français des finances, qualifie Angela Merkel de « femme libre », d’autres, au ­contraire, expliquent l’action de la chancelière par cette citation de Luther : « Me voici, je ne puis faire autrement. » Autant de contradictions qui confirment la complexité d’Angela Merkel que ­celle-ci semble prendre un malin plaisir à cultiver.

Angela Merkel, une histoire allemande, de Virginie Linhart (Fr., 2017, 70 min).