A Villiers-en-Bière près de Paris. / JACQUES DEMARTHON / AFP

Deux mois après son arrivée à la tête du groupe de distribution Carrefour, Alexandre Bompard, l’ancien PDG de la Fnac, constitue son nouvel état-major. Vendredi 22 septembre, il a annoncé un remaniement de l’organigramme et la création d’un comité exécutif constitué de 14 personnes dont trois, venues de l’extérieur, prendront leurs fonctions le 2 octobre.

Dans ce cercle restreint, chargé d’élaborer l’avenir du distributeur, figurent les cinq responsables des zones géographiques où Carrefour est implanté (France, Europe du Nord et de l’Est, Amérique latine, Asie, Europe du Sud). Issus de l’interne, ces dirigeants ont soit élargi leur champ de responsabilités soit changé de pays d’affectation. Ainsi, Noël Prioux, directeur exécutif de Carrefour France depuis 2011, devient responsable de la zone Amérique latine (Brésil et Argentine) tout en étant responsable opérationnel du Brésil. Il est remplacé par Pascal Clouzard, qui a redressé l’Espagne. Ce dernier cède sa place à Eric Uzan, ancien directeur de l’Italie, qui prendra toute la zone Europe du Sud.

Ce jeu de chaises musicales est complété par la création de fonctions transverses à tout le groupe afin de fluidifier son fonctionnement. Chaque pays avait sa vision du e-commerce. Désormais, le sujet sera traité de façon unique pour l’ensemble du groupe. A ce poste (transformation digitale et service clients), Alexandre Bompard fait venir Marie Cheval, ex-directrice générale de la société de Bourse en ligne Boursorama, et issue de la même promotion que lui à l’ENA. Il fait également entrer son ancien responsable de communication, Laurent Glépin, à la direction de la communication. Et recrute Jérôme Nanty, l’ex-bras droit de Jean-Marc Janaillac qui a supervisé la transformation d’Air France-KLM, pour devenir DRH du groupe et de la France. En août, il avait fait venir son ami Laurent Vallée, secrétaire général du Conseil constitutionnel depuis mars 2015 et ancien secrétaire général du groupe Canal+, au poste de secrétaire général.

Une nouvelle équipe de confiance

Arrivé le 18 juillet, M. Bompard s’est immédiatement attelé à constituer sa nouvelle équipe de confiance. Son prédécesseur, Georges Plassat, n’avait pas de comité exécutif, cette instance de discussion des grands axes stratégiques d’une entreprise, et préférait travailler en direct avec les patrons des pays, la DRH ou encore le directeur financier. « Le seul vrai comité exécutif, actuellement, c’est l’entité Carrefour France, et c’est un empire dans l’empire », constate un observateur. A la Fnac, Alexandre Bompard avait entièrement renouvelé cette instance deux ans après son arrivée en 2011, en raison du manque d’enthousiasme face à ses projets de changement. « L’équipe est soudée, on se connaît bien, on forme un petit commando », déclarait-il en 2016 au magazine Capital. Aujourd’hui, chez Carrefour, « il a compris qu’il va falloir donner un coup de pied dans l’organisation car il n’arrivera pas à transformer le groupe avec les structures en place », relève un fin connaisseur du distributeur.

Pour transformer ce fleuron de la distribution alimentaire, présent dans plus de trente pays et générant 85,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires (hors essence) dans le monde par an, M. Bompard sait qu’il lui faut décider vite. Son prédécesseur avait rapidement cédé, en 2012, les implantations en Colombie, en Malaisie et en Indonésie pour ne conserver qu’une dizaine de pays en direct, et délégué, dans d’autres, l’exploitation à des partenaires franchisés, comme en Afrique avec CFAO.

Alexandre Bompard a, quant à lui, mis en place au mois d’août 18 chantiers (la digitalisation, la place du non-alimentaire, la mutation commerciale des hypermarchés…) et autant de groupes de travail en interne qui rendront leurs conclusions prochainement et qui serviront de base au plan de transformation annoncé avant la fin de l’année.

« Plutôt dans l’air du temps » et « franc »

Depuis deux mois, le PDG explore l’entreprise. Il a visité les implantations internationales (Chine, Taïwan, puis la Belgique), les différents formats de magasins, et rencontre depuis dix jours tous les syndicats. « Plutôt dans l’air du temps » et « franc », l’homme leur a fait plutôt bonne impression. « Il semble vouloir aller vite. Après, est-ce qu’il en aura les moyens ? C’est autre chose », observe Sylvain Macé, délégué syndical de groupe pour la CFDT. « Maintenant, on attend de voir le contenu des projets et l’impact social », ajoute Michel Enguelz, délégué de groupe FO.

Et notamment ceux concernant les hypermarchés, un format de magasin concurrencé par les petites surfaces de proximité et Internet. Un rapport des analystes financiers de Kepler Cheuvreux, paru en septembre, suggérait des coupes franches, comme le transfert de 24 hypermarchés déficitaires en location-gérance sur près de 230 hypermarchés dans son parc intégré, la réduction des surfaces d’une quinzaine de magasins, des économies à effectuer au siège, et 150 à 200 millions d’économies à réaliser en négociant davantage avec les fournisseurs. « L’entreprise ne peut plus se permettre que des hypermarchés perdent 5 ou 6 millions d’euros par an, reconnaît Thierry Faraut, président de la CFE-CGC chez Carrefour. Une quarantaine de magasins souffrent et risquent d’être touchés, mais aucun chiffre n’a été avancé pour le moment. »

Le PDG souhaite aussi faire avancer le sujet du travail le dimanche. Fin janvier, les syndicats avaient voté contre le projet d’ouverture dominicale des hypermarchés intégrés du groupe les dimanches matin. « Il nous semblait être une tentative de banalisation de l’ouverture du dimanche, précise M. Macé. Nous avions demandé à la direction de nous communiquer une liste des magasins où cela serait pertinent. » C’est chose faite. Les syndicats viennent de recevoir une liste de 31 magasins que la direction souhaite ouvrir tous les dimanches matin. « Nous allons essayer de négocier un accord avec une forme de co-décision, poursuit ce syndicaliste. Ouvrir un magasin le dimanche, si ce n’est pas pour prendre des parts de marché car il y a une concurrence autour qui ouvre le dimanche, ce n’est pas rentable. Il faut que chaque magasin démontre qu’il a un intérêt à ouvrir le dimanche. » Une négociation sur le travail dominical débutera dès lundi 25 septembre.