A l’université de Rouen, la rentrée de la majorité des 5 500 étudiants de lettres et sciences humaines a lieu, lundi 25 septembre, avec une à deux semaines de retard. Les décisions de report ont été prises à l’unanimité du conseil de gestion de l’UFR, qui rassemble le doyen, les directeurs de départements et les élus étudiants. Plus de 2 500 étudiants et personnels, selon le syndicat étudiant UNEF, s’étaient rassemblés sur le campus lundi 18 septembre, pour marquer leur soutien et demander « la mise à disposition des moyens nécessaires pour effectuer la rentrée ».

« Les nouveaux arrivants, qui sont toujours un peu stressés, étaient complètement perdus. Le jour qui aurait dû être celui de leur rentrée, ils se sont retrouvés à accompagner la délégation du conseil de gestion jusqu’au bâtiment de la présidence, puis dans une assemblée générale de 700 personnes », raconte Galaad Emeraud, président de l’UNEF à Rouen, lui-même inscrit en deuxième année d’histoire.

Les étudiants apprennent alors que les inscriptions pédagogiques ne peuvent pas commencer, faute de personnel ; « donc ceux qui ont un job à côté n’avaient pas leur emploi du temps », remarque Hipollyte Baudry, qui faisait sa première rentrée en faculté, en L1 d’histoire. Ils apprennent aussi qu’un bâtiment de l’UFR d’une vingtaine de salles a été fermé pour de longs travaux, que d’autres ont été détruits ou sont vétustes, « ce qui donnait l’impression qu’on ne voulait pas de nous », déplore l’étudiant. Ou encore que « la BU de lettres n’est plus aux normes depuis une dizaine d’années, et les pompiers ont annoncé qu’ils n’interviendront pas en cas de feu ».

Mise en place de la nouvelle licence progressive

Comme dans la plupart des universités, la forte hausse du nombre d’étudiants – à Rouen, + 13 % en cinq ans, et même + 20 % en licence – n’a pas été accompagnée d’une augmentation de la dotation de l’Etat, et des personnels : les syndicats estiment qu’il manque 300 postes. Difficulté supplémentaire en cette rentrée : ces personnels sous tension doivent mettre en place la nouvelle licence progressive, dans laquelle les étudiants ne sont plus cantonnés à une discipline, mais choisissent une « majeure » et deux « mineures ».

« Rien qu’en histoire, on passe ainsi d’amphis de 250 étudiants à 1 000 étudiants, ce qui change beaucoup l’organisation, les besoins de locaux et d’enseignants », explique Ludivine Bantigny, maître de conférences en histoire. Et de décrire :

« Des heures supplémentaires de plus en plus lourdes pour les enseignants, et des personnels administratifs au bord de l’explosion. Il y a des échanges de mails à minuit, des secrétaires qui viennent travailler le dimanche, des congés maladie et maternité non remplacés, des enseignants qui donnent des coups de main. Et nous avons le sentiment que ces difficultés sont traitées avec le plus grand mépris. »

Le président de l’université, Joël Alexandre, a accepté, lors de la rencontre avec la délégation, d’embaucher des étudiants vacataires, pour aider temporairement aux inscriptions au sein de l’UFR. Lui estime cependant que les retards pris « ne viennent pas tant d’un problème de personnel que d’organisation. Même s’il est vrai que la mise en place de la licence progressive, qui implique des mutualisations, est moins facile dans une UFR comptant un grand nombre de départements. Des choses auraient pu être simplifiées ». Concernant les enseignants, « le taux d’encadrement est supérieur à celui constaté en éco-droit-gestion », fait-il valoir.

Quant à la question des locaux, il reconnaît « une difficulté du fait que cette UFR n’a bénéficié d’aucune construction de bâtiment depuis la construction du campus de Mont-Saint-Aignan, il y a plus de cinquante ans ». Mais il assure s’être saisi du problème avant la rentrée : « Nous avons décidé que les différentes UFR n’auront plus chacune leurs bâtiments, elles les partageront. Cela occasionnera plus de déplacements sur le campus pour les étudiants, mais c’est une première réponse, de même que notre travail pour mieux étaler les heures de cours, tout en essayant que l’Etat et les collectivités accélèrent leurs investissements. »

Des paroles qui n’ont pas suffi à calmer les inquiétudes. « Faute de vraie solution, les problèmes d’inscription vont recommencer au second semestre », déplore Galaad Emeraud. Deborah Cohen, enseignante en histoire, refuse de son côté que « ce bazar de la rentrée serve de prétexte pour sélectionner à l’entrée de l’université, comme le gouvernement l’envisage : il faut laisser sa chance à chacun, car chaque jour, nous voyons des étudiants qui n’ont pas les codes parvenir à les acquérir. Notre problème, que toutes les universités connaissent, est celui des sous-effectifs chroniques. Il faut donner des moyens, car il y a un enjeu crucial de former la nouvelle génération. »