Angela Merkel au siège de la CDU, à Berlin, après la proclamation des résultats des législatives, le 24 septembre 2017. / Michael Sohn / AP

Editorial du « Monde » Une Union CDU/CSU affaiblie, un parti social-démocrate KO, une extrême droite montante, l’Allemagne est à son tour entrée dans une zone de turbulences, dimanche 24 septembre, à l’occasion des élections législatives. Certes, Angela Merkel sera à la tête du prochain gouvernement allemand, mais nul ne peut dire aujourd’hui, pas même la principale intéressée, avec quel parti elle gouvernera.

Il est probable que les Allemands se mettent d’accord sur le dos des autres Européens.

Les électeurs ayant clairement sanctionné les trois partis sortants – l’Union CDU/CSU et le SPD –, le plus logique serait une alliance entre l’Union CDU/CSU, arrivée malgré tout très nettement en tête, et deux partis qui tirent plutôt bien leur épingle du jeu : les libéraux du FDP, qui font leur grand retour au Bundestag, et les Verts, qui sauvent les meubles. Problème : ces deux derniers partis ont été élus avec des programmes antagonistes sur trois questions-clés : l’Europe, la fiscalité et la politique énergétique.

Les négociations vont être d’autant plus difficiles que la CSU, qui a réalisé son plus mauvais score depuis 1949, ne va faire aucun cadeau à Angela Merkel, alors que les Bavarois sont appelés aux urnes dès 2018.

Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) ne va évidemment pas participer à ces négociations, mais son succès sera dans tous les esprits. Il y a deux façons, non contradictoires, d’analyser son entrée au Bundestag.

On ne peut, certes, que s’inquiéter de voir une nouvelle fois un parti national-populiste séduire un nombre important d’électeurs. Mais ce succès est aussi le signe que l’Allemagne s’est normalisée. Comme dans les autres pays européens, on peut voter en Allemagne pour un parti d’extrême droite sans être nazi. Il revient aux autres formations de combattre l’AfD sans relâche – mais sans se tromper d’arguments.

Une mauvaise nouvelle pour la France

Pour l’Europe, et singulièrement pour la France d’Emmanuel Macron, ces élections sont une mauvaise nouvelle. D’abord parce que l’Allemagne va entrer dans un long tunnel de négociations qui, sans doute, durant plusieurs mois, va la mettre aux abonnés absents.

Le succès d’un parti national-populiste est inquiétant, mais c’est aussi le signe que l’Allemagne s’est normalisée.

Comme en 2013, l’Union européenne va tourner au ralenti. Cela sera d’autant plus vrai que les questions qui vont être au cœur de la négociation – migrants, fiscalité, politique énergétique – vont être traitées sur des bases nationales et non pas européennes. Surtout, il est probable que, à la fin de ces négociations, les Allemands se mettent d’accord sur le dos des autres Européens.

En raison du score de l’AfD, mais aussi des libéraux, il paraît hors de question que l’Allemagne soit davantage prête à se montrer solidaire des autres Européens qu’aujourd’hui. Par leur vote du 24 septembre, les Allemands ont indiqué qu’ils souhaitaient, certes, que Mme Merkel continue de diriger le pays, mais aussi qu’ils n’entendaient pas lui confier un chèque en blanc, ni sur l’accueil des réfugiés ni sur les questions européennes.

« Celui qui sous-estime Angela Merkel a déjà perdu », dit Horst Seehofer, président de la CSU bavaroise. On ne peut exclure que cette superbe tacticienne s’impose une fois de plus sur la scène tant allemande qu’européenne.

Mais il n’est pas non plus impossible qu’elle sorte affaiblie des négociations à venir, que son leadership s’étiole et que ce quatrième mandat prenne des allures crépusculaires. Avant et depuis son élection, Emmanuel Macron n’a cessé de dire aux Allemands : « J’ai besoin de vous. » Demain, la réponse d’Angela Merkel pourrait bien être : « Moi aussi. »